Les raisons derrière l'entrée de la Jamaa islamiya sur le front du Liban-Sud

C’est la première fois qu’un groupe sunnite libanais affilié à la Jamaa Islamiya, les « Forces de l’aube », entre de plain-pied dans les affrontements avec Israël à la frontière sud. Mercredi, la branche militaire de la Jamaa, une formation sunnite traditionnellement représentée au Parlement, a lancé des roquettes à l’aube, un timing qui semble avoir été sciemment choisi pour marquer la symbolique de ces premiers tirs en direction d’Israël. Selon le communiqué publié par formation militaire, « l’attaque a été perpétrée à l’aide d’armes et de fusées de tous genres sur une position israélienne à Malikiyé qui a été touchée de plein fouet faisant des victimes parmi les soldats et causant des dégâts matériels ». Bien qu’ayant pris part – discrètement et loin des médias – à des opérations ponctuelles aux côtés du Hezbollah lors de confrontations précédentes avec l’État hébreu, notamment en 1996 et en juillet 2006, les « Forces de l’aube » ont voulu signer leur retour sur la scène militaire par l’attaque de mercredi, placée sous le signe de la défense des habitants sunnites à la frontière, principalement dans le secteur de Chebaa et du Arkoub.

La Jamaa islamiya, un parti politique islamiste issu des Frères musulmans, qui avait concocté une  alliance aux élections législatives en 2009 avec le courant du Futur, a effectué un revirement politique et fini par changer de camp après des dissensions avec le courant haririen. En 2018, la Jamaa va s’allier au Courant patriotique libre sans réussir à faire élire son candidat, Imad el-Hout. Ce dernier est de nouveau élu en 2022, en tant qu’indépendant. Aujourd’hui, et après un clivage avec le Hezbollah qui a duré plusieurs années, la formation rejoint le parti chiite dans la même tranchée face à Israël. Depuis leurs profonds désaccords sur le conflit en Syrie, les deux mouvements semblent avoir significativement amélioré leurs relations. « Nous sommes dans le cadre d’un acte global de résistance contre l’ennemi. Nos conflits politiques sont mis en sourdine dans ces circonstances », commente pour L'Orient-Le Jour le responsable politique de la Jamaa au Liban-Sud, Bassam Hammoud. 

Pour un éclairage supplémentaire sur la branche militaire de cette formation, Ahmad el-Ayoubi, journaliste et expert des milieux islamistes, répond à nos questions :

Qui sont les « Forces de l’aube » ?
Les « Forces de l’aube » sont nées en 1982 dans la foulée de l’invasion israélienne du Liban et ont combattu côte à côte avec les autres formations de la « résistance » et par la suite du Hezbollah. Elles ont poursuivi leur lutte jusqu’à l’évacuation du dernier soldat israélien. Elles détenaient des armes lourdes de tous calibres. Depuis l’accord de Taëf (en 1989) qui prévoyait le désarmement de toutes les milices au Liban, la branche armée de la Jamaa a fait profil bas et combattu, notamment en juillet 2006, dans les régions sunnites du Arkoub.

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La Jamaa islamiya n’est pourtant pas proche politiquement du Hezb. Qu’est-ce qui les unit aujourd’hui ?
En effet, les deux formations ne sont pas sur la même longueur d’onde politiquement parlant. D’ailleurs, le Hezbollah a tenté, après le retrait des Israéliens en 2000, de créer un autre groupe des sunnites armés, sous l’égide de Abdallah Teryaki, un dissident de la Jamaa, qu’il a appelé également les « Forces de l’aube ». Le Hezb voulait une sorte de contrepoids à la Jamaa. D’où la confusion autour de l’auteur de l’opération effectuée mercredi et qui est l’œuvre de la Jamaa islamiya et non pas du groupe dissident. L’autre lien entre le Hezb et la Jamaa est à rechercher par le biais du Hamas qui s’est de nouveau rapproché du parti de Dieu, et qui est de la même famille politico-religieuse que la Jamaa islamiya.

Le groupe a-t-il coordonné son action au Liban-Sud avec le Hezbollah ?
Il n’y a pas un chat qui passe dans la région sans que le Hezbollah n’en soit informé. La coordination est de mise et dépend des circonstances de la bataille et des besoins logistiques et militaires sur le terrain. Dans ce cas précis, les « Forces de l'aube » ont opéré dans  les régions sunnites.