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Campus - TÉMOIGNAGES

Jongler entre études et emploi : le grand défi des doctorants

Investis dans un parcours académique de longue haleine, ils tentent de gérer, au quotidien, un emploi de temps chargé.

Jongler entre études et emploi : le grand défi des doctorants

Albert Bou Khalil. Photo DR

Déterminés à réaliser d’importantes avancées dans différents domaines de recherche, les doctorants consacrent en moyenne cinq années de leur existence au développement de leurs travaux, passant d’innombrables heures à collecter et à analyser des données, à lire et à rédiger des articles scientifiques. En apportant des contributions inestimables au monde de la recherche, ces jeunes chercheurs empruntent un chemin semé d’embûches et apprennent à faire face à de nombreuses difficultés.

Émile Whaïbeh. Photo Cybelle Whaïbeh

Des travailleurs acharnés

Pour de très nombreux doctorants, avoir un emploi à côté de leurs études est inévitable pour faire face aux contraintes financières et éviter de s’endetter. Confrontés à la crise économique qui frappe de plein fouet le pays du Cèdre, les doctorants libanais ne peuvent pas s’offrir le luxe de renoncer au travail salarié pour se consacrer pleinement au développement de leurs travaux de recherche. Ils doivent alors redoubler d’efforts pour respecter leurs engagements professionnels et académiques. « Si concilier vie professionnelle et vie familiale est difficile pour bon nombre de personnes, cela l’est encore plus pour les chercheurs qui se sont engagés dans un travail universitaire assez exigeant », souligne Mira el-Khorbotly, doctorante en langue et littérature françaises à l’Université libanaise (UL) depuis quatre ans. Cette mère de famille, enseignante de français au lycée, reconnaît qu’il est particulièrement compliqué de libérer des heures pour la recherche. « Mon parcours de doctorante a commencé avec la crise sanitaire et le confinement qui ont chamboulé notre vie quotidienne et entraîné la fermeture des écoles. J’ai passé beaucoup de temps à préparer mes cours en ligne et à aider mes deux enfants à suivre les leurs, tout cela au détriment de mes études doctorales », explique-t-elle. La chercheuse reconnaît qu’il est impossible de renoncer à une source de revenus, indispensable pour survivre en temps de crise, et précise qu’elle compte chaque année sur les vacances d’été pour avancer dans ses lectures et dans la rédaction de sa thèse. Christelle el-Tomb, qui s’est inscrite en doctorat au département de nutrition à l’Université Saint-

Joseph en 2022, est employée depuis 2014 dans une entreprise alimentaire. Celle qui se spécialise dans le développement et la recherche dans le secteur alimentaire précise qu’elle est devenue maman au début de son parcours doctoral. « L’expérience professionnelle que j’ai acquise au fil des années me permet de me sentir à l’aise dans mon travail. Cependant, le véritable défi consiste pour moi à faire bon usage de mon temps pour pouvoir gérer mes journées assez longues et jongler entre vie familiale, emploi et développement de ma thèse », note-t-elle. Comme de nombreux chercheurs, Christelle a le souci de respecter les délais de soumission de ses travaux de recherche et tente, pour ce faire, de consacrer la plupart de son temps libre à sa thèse, quitte à sacrifier ses vacances.

Rawan Abou Nader. Photo DR

Les avantages de l’emploi parallèle

En plus de lui apporter une certaine stabilité financière, l’emploi donne au doctorant l’occasion de développer des compétences bénéfiques pour sa future carrière, plus particulièrement lorsque celui-ci est en relation directe avec son domaine de recherche. François Mouawad, doctorant en génie civil à l’USJ depuis 2021, estime qu’il est difficile pour les chercheurs de renoncer à une source de revenus et aux bénéfices liés au fait d’avoir une activité professionnelle. Celui qui travaille depuis qu’il est étudiant dans l’entreprise de construction appartenant à sa famille est investi dans le développement de projets immobiliers. « Le fait de me sentir productif sur le terrain me permet de parfaire ma formation académique au quotidien puisque mon travail dans l’immobilier est en rapport direct avec mes études. De plus, ne pas me focaliser uniquement sur ma thèse me permet d’avancer plus sereinement dans la recherche », note le jeune homme. Selon Rawan Abou Nader, doctorante en droit depuis 2021 à l’Université Saint-Esprit de Kaslik, le travail sur le terrain nourrit son activité de chercheuse. « Ma thèse concerne les contrats déséquilibrés. Le fait de poursuivre mon travail d’avocate me permet de me pencher sur des cas en rapport avec mon sujet de recherche qui est plus que jamais d’actualité au Liban. » La jeune femme est également chargée de travaux dirigés à la faculté de droit de l’USEK, ce qui d’après elle est un bon début pour poursuivre une carrière dans l’enseignement académique et dans la recherche. Alors qu’il développe, depuis 2021, sa thèse de doctorat en santé environnementale à l’USJ et à l’Université de Balamand (UOB), Émile Whaïbeh, chercheur en santé publique, donne des cours à l’université en relation avec ses travaux de recherche. « L’enseignement correspond à mes aspirations professionnelles puisque je cherche à évoluer dans le milieu universitaire. Je vois ce travail comme un investissement puisqu’il me permet de mettre en application et de partager mes connaissances, de bénéficier d’une expérience pratique sur le terrain et de cultiver mes compétences pédagogiques », explique le jeune homme. Il ajoute que son travail enrichit forcément son parcours doctoral : « Il existe une synergie entre l’enseignement, la recherche et la pratique, et cette combinaison d’expériences me permet d’acquérir des connaissances précieuses, d’élargir mon réseau de contacts et de contribuer au développement de mon domaine de spécialisation. » Nahil Allouche, doctorante en langue et littérature françaises à l’UL depuis la rentrée 2020, est enseignante cadrée dans un lycée. Celle qui a commencé sa carrière dans l’enseignement en 2016 ne regrette pas de poursuivre son activité professionnelle, estimant que les compétences qu’elle a acquises grâce à son expérience sur le terrain lui seront bénéfiques dans la rédaction de sa thèse. « Malgré la charge de travail importante que j’aie, je suis confiante car je pense que tout ce temps dédié à l’enseignement et à la préparation de mes cours va me servir pour avancer dans la rédaction de ma thèse. En effet, il m’a permis d’élargir mon champ de réflexion, de développer et d’organiser plus facilement mes idées, d’analyser davantage, de commenter mieux, d’expliquer subtilement, d’illustrer n’importe quelle idée traitée avec des exemples concrets, etc. ». Pour ne pas prendre du retard, la chercheuse tente de consacrer au moins une heure par jour à développer son travail de recherche.

François Mouawad. Photo DR

Trouver un équilibre

Jonglant entre leurs engagements académiques et les exigences de leur travail, les doctorants apprennent au fil des mois à se fixer des objectifs réalistes et à établir des priorités. Albert Bou Khalil, en 4e année de doctorat en géographie, option environnement et aménagement du territoire à l’USJ, travaille dans un centre de recherches géopolitiques pour pouvoir essentiellement payer ses frais d’études. « Je me mets un peu la pression au quotidien pour pouvoir déposer ma thèse dans les meilleurs délais, sans pour autant bâcler mon travail. Je cumule parfois les nuits blanches. La rigueur est essentielle pour tout doctorant, donc je divise mon travail de recherche en tâches que je réalise l’une après l’autre. Je peux ensuite m’accorder des moments de répit », raconte le jeune homme. Selon Albert, pour rester productif, il faut savoir prendre du temps pour soi afin de pouvoir se changer les idées, sans oublier de pratiquer régulièrement une activité physique. « Cela permet de surmonter la pression et de continuer à travailler malgré la fatigue physique et mentale », assure-t-il.

Christelle el-Tomb. Photo DR

Les délais serrés, les attentes élevées et la pression de produire de bons résultats génèrent souvent du stress et de l’anxiété chez les doctorants. Certains d’entre eux peuvent compter sur le soutien de leurs proches, en particulier ceux qui partagent la même expérience. Maya et Yara Mahfouz sont des sœurs jumelles inscrites en doctorat en sciences nutritionnelles au département de nutrition de l’USJ depuis février 2018. « Nous avons pris du retard dans le développement de nos travaux, en particulier à cause de la pandémie, mais à deux, il nous a semblé plus facile de poursuivre notre parcours. Nous nous encourageons mutuellement, ce qui nous permet de surmonter les obstacles et de persévérer », confient les chercheuses. Celles-ci travaillent à distance pour le compte d’organisations et d’entreprises privées ; elles s’occupent de recherche, d’analyse de données et de rédaction de rapports.

Maya et Yara Mahfouz. Photo Adora Sleilaty

 Travailler en étant doctorantes est la meilleure opportunité, selon elles, pour passer de la théorie à la pratique. « C’est une bonne expérience qui nous permet d’envisager avec moins d’anxiété notre avenir professionnel, mais avec les nombreuses tâches que nous devons effectuer, il n’est pas facile de jongler entre emploi et travail de recherche », explique Maya. « Nous redoublons d’efforts pour pouvoir gérer efficacement notre emploi de temps et nous essayons d’établir un ordre de priorité en fonction de nos besoins. Nous optons pour des calendriers de travail. Ainsi nous sommes plus efficaces et plus concentrées sur ce que nous devons faire, en particulier à la fin de notre parcours de doctorantes », ajoute Yara. Grâce à une gestion efficace de leur temps, les chercheurs, qui triment pour réaliser leurs ambitions académiques tout en assurant leur stabilité financière, tentent de trouver un équilibre entre le travail et les études. Le financement de certains projets et l’attribution de bourses peuvent, sans aucun doute, fournir davantage de ressources et de possibilités aux doctorants et les soutenir dans leurs efforts pour faire avancer la recherche scientifique.

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Déterminés à réaliser d’importantes avancées dans différents domaines de recherche, les doctorants consacrent en moyenne cinq années de leur existence au développement de leurs travaux, passant d’innombrables heures à collecter et à analyser des données, à lire et à rédiger des articles scientifiques. En apportant des contributions inestimables au monde de la recherche, ces...

commentaires (1)

Magnifique! Vous etes l'espoir, un example pour les plus jeunes et le futur! Courage et felicitations. Tout notre respect et support!

Sabri

06 h 23, le 19 octobre 2023

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Commentaires (1)

  • Magnifique! Vous etes l'espoir, un example pour les plus jeunes et le futur! Courage et felicitations. Tout notre respect et support!

    Sabri

    06 h 23, le 19 octobre 2023

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