La comparaison est dans toutes les têtes depuis ce matin. Au lendemain du 50ème anniversaire de la guerre d’Octobre 1973, le Hamas a lancé une offensive surprise sur Israël.
Plusieurs éléments donnent à cette attaque un caractère, sinon inédit, incomparable avec les dernières confrontations entre le Hamas et Israël.
Le premier c’est qu’elle révèle les failles du renseignement israélien qui semble complètement dépassé, au moins dans un premier temps. C’est la première fois depuis des décennies que l’État hébreu renvoie un tel sentiment de fragilité.
Le deuxième élément, qui renforce d’ailleurs ce sentiment, ce sont les informations qui font état d’une infiltration de plusieurs dizaines de combattants du Hamas en territoire israélien qui auraient pris des civils en otages. Les images qui circulent depuis ce matin, montrant notamment un journaliste gazaoui côté israélien ou encore des civils prenant la fuite, vont marquer les esprits. Le mythe de la forteresse impénétrable a pris un sérieux coup.
Le troisième élément, c’est qu’en seulement quelques heures, les premiers bilans font état d’au moins 250 morts et plus de 1000 blessés côté israélien.
Si la comparaison avec 1973 semble pour le moment exagérée, il est probable que cette offensive ait des conséquences qui dépassent la question gazaouie. Et pour cause : elle s’inscrit dans un contexte régional de renforcement de l’axe Hamas-Hezbollah-Téhéran et d’une potentielle normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite.
L’attaque a été probablement préparée et coordonnée depuis des mois avec le Hezbollah et l’Iran. Au nom de « l’unité des fronts », le Hamas et le Hezbollah ont largement renforcé leur lien ces deux dernières années. Une partie des dirigeants du Hamas ont trouvé refuge au Liban et le chef du bureau politique du mouvement, Ismail Haniyeh se rend régulièrement au Liban notamment pour s'entretenir avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah. En avril dernier, plusieurs roquettes ont été lancées contre Israël depuis le Sud Liban dans une attaque imputée au Hamas.
Est-ce que le Hezbollah peut participer à l'offensive actuelle ? C’est la grande question de cette confrontation. Le parti de Dieu s’est pour l'instant contenté d’un communiqué de soutien. On peut par ailleurs estimer que s’il avait vraiment voulu créer l’effet de surprise, le Hezbollah aurait lancé une attaque au même moment que le Hamas. Le parti chiite a avalisé l’année dernière la signature d’un accord sur la démarcation de la frontière maritime entre le Liban et Israël. Il n’a plus été en confrontation directe avec l’Etat hébreu depuis 2006 et le contexte libanais et régional ne lui sont pas favorables. Mais le simple fait que la question de sa participation à l’offensive se pose change une partie de l’équation.
Conséquences
En octobre 1973, Israël avait repris le dessus dans la confrontation et fini par enregistrer une victoire militaire. Si un tel scénario devrait logiquement se reproduire, les premières images de la défaillance israélienne risquent de rester dans toutes les têtes, donnant au Hamas l’occasion de revendiquer une « victoire » historique.
Celle-ci devrait avoir des conséquences à plusieurs niveaux. Premièrement elle risque de renforcer encore le Hamas au détriment de l’Autorité palestinienne. Le mouvement islamiste veut se présenter comme le seul susceptible d’occuper l’espace local de la représentation palestinienne face à un Fateh en fin de vie. Si le Hamas devrait enregistrer de très lourdes pertes avec la réponse israélienne, le plus important est ailleurs pour le mouvement. Il s’agit de profiter du contexte palestinien et régional pour « éliminer » le Fateh de l’équation. Ces événements ne peuvent d’ailleurs pas être complètement déconnectés de ce qui se passe depuis plusieurs semaines dans le camp de Aïn el-Heloué, au Liban, où des factions proches du Hamas mènent une guerre d’élimination contre le Fateh.
A l’issue de cette attaque, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a promis que le « Hamas paiera un prix sans précédent ». Le leader israélien risque toutefois d’être affaibli par la déroute des renseignements et de l’appareil sécuritaire de son pays. A la tête d’une coalition d'extrême droite, Benjamin Netanyahu va subir une énorme pression de la part des franges les plus radicales de son gouvernement. Comment répondre à une telle attaque ? L'armée israélienne peut-elle lancer une offensive terrestre contre Gaza et occuper à nouveau ce territoire qu’elle avait quitté en 2005 ? Là aussi, la réponse israélienne aura des conséquences bien au-delà de Gaza, non seulement sur la poursuite de la colonisation de la Cisjordanie mais aussi dans le processus de normalisation.
La troisième conséquence possible est d'ordre régional. L'Arabie saoudite a appelé « à l'arrêt immédiat de l'escalade » et a semblé attribuer la responsabilité de l'offensive à la politique israélienne. Ce nouveau conflit va-t-il torpiller le processus de normalisation ? C’est en tout cas probablement l’un des objectifs de l’attaque et l’une des explications de son timing.
Il est encore trop tôt pour répondre à ces questions mais l’on peut d’ores et déjà dire que la normalisation s’éloigne. Il sera plus difficile pour l’Arabie saoudite de signer un accord de paix avec Israël dans ce contexte d’autant que l’Etat hébreu ne ferait clairement aucune concession envers les Palestiniens. Voilà le principal message de l'attaque : Téhéran fait comprendre à Riyad que la paix avec Israël aura un prix élevé.
Excellent article pour une fois
23 h 07, le 08 octobre 2023