Malgré les quelque deux millions d’expatriés ravis de retrouver leur pays, leurs racines, leurs terres et leurs amis. Malgré la ferveur des nuits chaudes de cet été et l’effervescence des soirées torrides où musique, chansons, concerts et spectacles s’exhibaient aux quatre coins du pays. Malgré l’ébullition de ces jeunes ravis de retrouver leurs repères et leur terre, je dis et je le redis : non, le Liban aujourd’hui n’est pas ce bout de l’iceberg lancé à la face du monde. Non, le Liban n’est pas ce phénix qui renaît vaillamment de ses cendres, comme aiment à le faire croire nos responsables et nos ministres. Et non, le Liban ne va pas bien…
Car, au-delà du tintamarre et de la musique rugissante de ces bars et restaurants, (et chapeau pour ces restaurants) se trouvent encore des milliers d’enfants qui dorment le ventre creux et des familles fatiguées de faire l’aumône pour nourrir leurs enfants.
Au-delà de ce bouillonnement culturel (dont nous sommes assoiffés), se trouvent de plus en plus d’enfants privés d’éducation, faute de pouvoir assurer les frais de scolarité. Au-delà de ces dollars qui ont coulé à flots (également essentiels à la reprise économique du pays), se trouve encore un peuple privé de ses droits les plus élémentaires, un peuple qui mendie son argent volé par ses dirigeants, un peuple qui ravale sa rage et sa colère, un peuple surtout qui n’a pas encore oublié ce 4 août qui a dévasté sa ville et fait fuir sa jeunesse.
Voilà pourquoi le Liban aujourd’hui n’est pas ce pays qui brille de mille feux (artificiel). Le Liban aujourd’hui n’est pas simplement Faraya, Jbeil, Batroun et Gemmayzé. Le Liban n’est pas ce pays qui reprend goût à la vie et refait la fête comme si la misère des uns, la honte des autres et la rage d’un peuple n’existaient pas. Non, le Liban aujourd’hui est un pays qui cache derrière cette façade d’insouciance et de rires des milliers de Libanais honteux de montrer à la face du monde leur misère et leur désespoir. Le Liban cache un peuple fatigué, usé et harassé par tant de combats, qui crâne pour oublier sa détresse. Le Liban, c’est toute une jeunesse perdue qui a été arrachée de sa terre et de sa famille. Le Liban aujourd’hui, c’est surtout un pays qui s’effondre en silence sous le bruit assourdissant de ces nuits folles de l’été.
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S’abrutir est parfois le seul moyen de ne pas sombrer dans le désespoir. L’essentiel est de ne pas se laisser leurrer par le discours qui veut faire croire à une amelioration de la situation en ignorant la dégradation dramatique et continue des conditions de vie de la majorité des citoyens et l’effondrement des infrastructures.
17 h 30, le 06 septembre 2023