Le barrage après sa démolition : l'eau coule à nouveau dans le fleuve. Photo fournie par la municipalité de Kfarmatta
Dans un Liban où les scandales environnementaux s'enchaînent à rythme effréné, l'inventivité dont font preuve certains contrevenants réserve encore des surprises. Pendant plusieurs semaines, des propriétaires terriens le long du fleuve Damour au Chouf (Mont-Liban sud), plus particulièrement de Bsatine jusqu’à Damour, ont eu la désagréable surprise de constater que l’eau du fleuve ne parvenait progressivement plus jusqu’à eux. « Nous n’arrivions plus à irriguer nos terres », raconte Ramzi Ghanam, l’un d’eux, à L’Orient-Le Jour.
La raison ? Un barrage construit par un propriétaire terrien au niveau de Kfarmatta qui, selon Ghanam, a détourné totalement le cours de l’eau, privant toutes les terres en amont d’irrigation naturelle. « Ce barrage est totalement illégal et a été édifié sur un bien-fonds public fluvial, les dégâts sur les exploitations agricoles de la région ainsi que sur l’environnement sont considérables », affirme-t-il.
Le barrage avant sa démolition : le cours asséché du fleuve est visible de l'autre côté du mur. Photo fournie par Ramzi Ghanam
Des dégâts potentiels qui poussent la députée du Chouf Najat Aoun Saliba, par ailleurs spécialisée dans les questions environnementales, à dénoncer l’affaire dans les médias. « Ce fleuve est un sanctuaire de biodiversité et classé comme région de grande importance environnementale, il est très prisé pour son importance touristique et agricole », précise-t-elle à L’OLJ. Tout comme Ramzi Ghanam, elle dénonce l’octroi, par la municipalité de Kfarmatta, d’un permis au propriétaire terrien responsable de cette construction. « L’édification d’un barrage sur un cours d’eau n’est aucunement de la prérogative des municipalités, mais du ministère de l’Énergie et de l’Eau », poursuit-elle. Elle ajoute lui avoir envoyé des lettres en ce sens, tout comme au ministère de l’Environnement.
Aucun permis ?
Le lobbying et la campagne médiatique font un effet immédiat : le ministère de l’Énergie ordonne le démantèlement du barrage mercredi, après en avoir été notifié par un autre député de la région, Farid Boustany, assure une source du ministère à L’OLJ. Ce que confirme Ramzi Ghanam, qui déclare avoir été sollicité mercredi par les Forces de sécurité intérieure pour les accompagner sur les lieux.
« Le barrage a été totalement démoli en ma présence et celle de deux autres élus, ceux de Bechtafine et Deirkouché », assure, photos à l’appui pour sa part à L’OLJ Nazir Khaddage, président du conseil municipal de Kfarmatta. S’il reconnaît « avoir octroyé, à ce propriétaire, un permis de bonification de terrains, sans savoir ce qui s’ensuivrait », il nie formellement avoir délivré l’autorisation de construire un barrage, ou même avoir eu connaissance de pareils travaux dans la région. « J’ai été alerté par les accusations lancées contre moi, sans aucun fondement, dans les médias, dit-il. Ce barrage a été construit dans une zone très reculée, il nous a fallu marcher longtemps à pied pour y arriver. »
Le président de la municipalité de Kfarmatta durant la démolition du barrage. Capture d'écran d'une vidéo prise par la municipalité
Le responsable terrien responsable de cette entorse à la loi serait un ressortissant syrien, M.A.R., selon Najat Aoun Saliba et Ramzi Ghanam, qui ne disposent pas de plus de détails sur lui. L’OLJ n’a pas été en mesure de contacter le propriétaire incriminé. Une information confirmée par le président du conseil municipal de Kfarmatta, qui ajoute cependant que « le terrain est au nom de sa fille, qui est mariée à un Libanais et a été naturalisée ». Il lui trouve cependant des circonstances atténuantes, estimant que d’autres que lui pompent l’eau de la rivière. Au point de construire un barrage ? « Rien ne justifie des actes illégaux et nous ne le tolérerons pas », se reprend-il.
Une fois n’est pas coutume, ce nouveau scandale écologique semble donc avoir été réglé en un temps éclair par les autorités…
Dans un Liban où les scandales environnementaux s'enchaînent à rythme effréné, l'inventivité dont font preuve certains contrevenants réserve encore des surprises. Pendant plusieurs semaines, des propriétaires terriens le long du fleuve Damour au Chouf (Mont-Liban sud), plus particulièrement de Bsatine jusqu’à Damour, ont eu la désagréable surprise de constater que l’eau du fleuve...
commentaires (7)
Ah ces élus! Ils commettent toujours des infractions à l’insu de leur propre volonté. Ils essaient tout, sans scrupules et tant pis si une fois sur cent ça ne passe pas grâce à la vigilance des citoyens courageux.
Sissi zayyat
13 h 18, le 31 août 2023