Depuis plusieurs semaines, la controverse autour de la diffusion, ou non, du film « Barbie » au Liban a fait beaucoup parler d'elle. Et elle attire inévitablement l'attention sur les règles sur lesquelles se base la décision finale concernant le film, à l'heure où les grands distributeurs cinématographiques du pays affirment ne pas encore avoir reçu de confirmation sur une éventuelle autorisation de la diffusion
Le débat avait été lancé plus tôt en août. Le ministre sortant de la Culture Mohammad Mortada avait demandé à la Sûreté générale d'interdire le film qui tourne autour de la poupée américaine. La raison de son courroux contre « Barbie » ? Le film « va à l'encontre des valeurs morales et religieuses du Liban, car il encourage la perversité et la transformation des genres, tout en appelant au rejet du patriarcat et en ridiculisant le rôle des mères », avait-il argué.
Mais comment fonctionne concrètement la censure au Liban ? Qui détient le pouvoir de décider de ce qui peut être projeté dans les cinémas et ce qui doit en être exclu ? L'Orient Today fait le point sur cette question avec Jad Chahrour, responsable média du centre SKeyes pour la liberté des médias et de la culture.
« Au Liban, il n'existe pas de loi spécifique sur la censure, et comme pour la plupart des régulations du pays, cette question se mêle aux normes sociétales libanaises », explique M. Chahrour. « Un comité de censure nommé par la Sûreté générale réunit sept représentants issus de sept ministères, qui se rassemblent pour discuter de la diffusion éventuelle ou non de certains contenus », précise-t-il. « D'une manière quelque peu ironique, et peut-être pas si surprenante étant donné le fonctionnement libanais, aucun des membres de ce comité n'a de formation dans le domaine artistique », ajoute-t-il. Ce comité peut opter soit pour l'interdiction totale d'un film, soit pour la suppression de certaines scènes.
« Cela se fait cependant sans qu'une liste claire de critères de censure ne soit établie », précise le responsable. Si dernièrement les questions liées à la représentation de la communauté LGBTQ+ dans les films était à l'origine de certaines décisions de bannir des films des salles de cinéma, ou celle de la présence au générique d'acteurs israéliens, d'autres critères flous peuvent entrer en jeu. « Il y a quelques années, un film marocain a été banni car il critiquait le roi du Maroc. Le comité avait alors justifié cette décision en arguant que sa diffusion au Liban pourrait altérer les relations diplomatiques entre les deux pays », rappelle ainsi M. Chahrour.
Il souligne encore que la question de la censure restera controversée et floue au Liban « tant que le comité de censure sera affilié à une entité sécuritaire plutôt qu'à une institution culturelle ».
Des subterfuges
« Lorsqu'il s'agit d'interdire des films projetés lors de festivals au Liban ou de festivals internationaux organisés dans le pays, le comité de censure recourt à une stratégie bien rodée. Il retarde l'octroi de l'approbation pour la diffusion du film jusqu'à la fin du festival », souligne M. Chahrour.
Une autre tactique, basée sur les normes sociétales, a également été mise en place : remettre le processus aux mains « d'institutions spirituelles ». Par exemple, lorsqu'un film contient une scène impliquant un prêtre, une religieuse ou un cheikh, le film est soumis à un leader spirituel de la religion ou de la secte concernée, qui décide si la scène est offensante ou non. « Dans de tels cas, la décision revient entièrement à la figure religieuse, qui choisit si le film sera diffusé, interdit, ou si la scène potentiellement offensante sera simplement supprimée. Je ne pense pas que ce soit le rôle des personnalités religieuses », explique le responsable.
Le dessin animé des « Minions » avait ainsi été interdit il y a quelques mois, entre autres, en raison d'une scène montrant une nonne utilisant un nunchaku (une arme de poing japonaise).
« Depuis l'année dernière, nous nous efforçons de sensibiliser à la question de la censure au Liban. Dans les pays dotés de réglementations claires, de tels comités de censure se limitent généralement à déterminer l'âge approprié pour chaque film en se basant sur des thèmes tels que le crime, la violence et la nudité, afin de décider à quel public le film est destiné », souligne enfin le spécialiste.
Hahaha... fonctionne??? Dans un pays où 99% des institutions de l'état sont mkharbatiiin...
14 h 52, le 07 septembre 2023