
Photo d'illustration AFP/Josep LAGO
Trafic d'êtres humains, agressions sexuelles, initiation à la drogue et l'alcool : une association chargée de s'occuper d'enfants exposés au danger ou abandonnés par leurs parents, "Village de paix et d'amour", située à Mansouriyé dans le Metn, a été fermée et mise sous scellés par Joëlle Abou Haïdar, juge unique pénal statuant sur les affaires des mineurs au Mont-Liban.
La décision de la magistrate, publiée vendredi et consultée par L'Orient-Le Jour, a été prise après observation de plusieurs "violations flagrantes" qui auraient été commises par l'ONG à l'encontre des petits qu'elle accueille. Selon la décision de la juge, la directrice de l'association est accusée de "complicité et participation à un acte criminel" pour ne pas avoir informé le tribunal qu'un homme, membre de l'association, "a harcelé sexuellement deux mineures, les a obligées à avoir un rapport sexuel avec lui, à se droguer et à se masturber". L'une des filles aurait même avoué au tribunal qu'elle souhaitait mourir parce qu'elle ne pouvait être en relation avec l'homme vu qu'il est marié.
La justice accuse par ailleurs la directrice de l'ONG d'avoir emmené des mineures en boîte de nuit et les avoir autorisées à consommer de l'alcool. Une des ados, ivre, aurait alors tenté de se suicider. La directrice aurait également menacé les petites de prison si elles informaient le tribunal des pratiques exercées au sein de l'association, et les aurait agressées verbalement. Des mineures auraient par ailleurs été amenées par la responsable à son domicile et poussées à faire le ménage. Le texte dénonce enfin le fait que l'ONG ne prend pas de mesures "de sécurité physique, psychologique et sanitaire".
Profits personnels
Outre ces accusations, l'association est également pointée du doigt pour trafic d'êtres humains, après avoir fait adopter des enfants contre rétribution financière. "On ouvre ce genre d'association sous couvert de bienfaisance mais en vrai c'est principalement pour faire des profits personnels'', fustige une haute source judiciaire à L'Orient-Le Jour. ''Les dirigeants de ces associations récoltent des fonds d'ONG, ils dépensent à peine pour le bien des enfants et empochent le reste de l'argent", regrette cette source, qui accuse l'association d'avoir ''monnayé une adoption pour plusieurs milliers de dollars" et falsifié des papiers (notamment un certificat de naissance) pour faire croire que l'enfant était le fils biologique de la famille, afin de faciliter la procédure. Un second cas similaire allait se produire mais a finalement été découvert à temps, poursuit-elle.
Elle explique en outre que l'association, qui accueille "des enfants exposés au danger ou dont les mères ne veulent pas s'occuper", n'a été fermée qu'après que les mineurs ont été transférés à d'autres centres.
L'Orient-Le Jour a essayé d'entrer en contact avec l'association, sans succès.
La juge Abou Haïdar a transmis le dossier à l'avocat général près la Cour d'appel du Mont-Liban, Samer Lichaa. "C'est le juge pour enfants qui est compétent pour traiter tout ce qui est lié à leur protection. C'est pourquoi Joëlle Abou Haïdar a ordonné la fermeture de l'association, mais elle ne peut pas procéder à des arrestations. Elle a donc déféré le dossier à l'avocat général qui est compétent vu qu'il y a eu un trafic d'enfants", nous explique l'avocate Diane Assaf. Selon une source judiciaire haut placée, l'affaire devrait être incessamment transférée au premier juge d'instruction du Mont-Liban Nicolas Mansour. Ce dernier décidera soit de l'examiner soit de la déférer à un autre juge d'instruction du Mont-Liban.
Contacté, un porte-parole du ministère des Affaires sociales a pour sa part indiqué que l'association n'a pas de partenariat avec le ministère. "Les Affaires sociales ne peuvent donc pas prendre de mesures à son encontre. Il revient au pouvoir judiciaire de le faire", ajoute-t-il.
Plusieurs épisodes de maltraitances d'enfants sont dernièrement sortis au grand jour au Liban. A la mi-juillet, la juge d'instruction du Mont-Liban, Rania Yahfoufi, avait émis un mandat d'arrêt contre la propriétaire de la garderie "Garderêve", située à Jdeidé dans le Metn, et une employée de l'établissement, accusée d'avoir violenté des enfants dans la crèche. Plusieurs cas d'abandons d'enfants ont également été signalés ces derniers jours.
L’Orient-Le jour, vous êtes en train de protéger les malfaisants et les autres malfaiteurs en ne les nommant pas !
16 h 27, le 24 juillet 2023