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Société - Liban

"Je n'ai pas dormi de la nuit" : après les violences à la crèche, l'indignation

L'association "Dire non à la violence" déplore une "augmentation" des atteintes aux enfants depuis 2020 ; des parents s'inquiètent.

Des jeux pour enfants à la crèche Garderêve, à Jdeidé, mise sous scellés le 11 juillet 2023 après des révélations de violences. Photo Hussam Chbaro

Lundi soir, plus de 200 followers avaient déjà suivi une page Facebook appelant à emprisonner une femme, qui a été identifiée dans une vidéo sur les réseaux sociaux comme l'auteure des violences contre des enfants dans la crèche "Garderêve" de Jdeidé. Appelée "La criminelle" par des internautes, elle est au centre de ces vidéos qui ont largement circulé lundi et suscité l'indignation au Liban, ainsi que la réaction du ministère de la Santé qui a définitivement fermé l'établissement.

Au lendemain de la parution de ces vidéos atroces, le traumatisme est encore palpable chez les parents qui avaient placé leurs enfants – et leur confiance – dans Garderêve. Certains ont foncé à la garderie lundi en soirée, déchiré la pancarte et filmé le tout sur les réseaux sociaux.

"Cette femme n'a aucune conscience morale", dénonce Youssef, père d'un bébé de deux ans confié à cette garderie. "Avant, mon fils parlait. Depuis quelque temps il ne dit plus rien, ils doivent l'avoir soumis à des violences", croit-il savoir. Il demande à l'État libanais de protéger parents et enfants contre ce type de comportement.


"On a besoin d'un psychologue. Parents comme enfants"

"Je ne comprends rien, je suis encore perdue..." Au téléphone, la voix de Denise Rizk Massouh est encore secouée de sanglots. "Je n'ai pas dormi de la nuit, je n'ai fait que courir vers mon fils pour le surveiller. Puis revenir, puis courir de nouveau..." Elle qui a vu son fils grandir depuis deux ans chez Garderêve a du mal à encaisser le coup provoqué par les images insoutenables. "Quand j'ai vu ça, j'ai tremblé, pleuré. Je me suis effondrée, et je le suis toujours", poursuit-elle avec peine.

D'un seul coup, elle se remémore. "Récemment mon fils se réveillait la nuit et hurlait très fort. Ça arrivait de plus en plus souvent, et je croyais simplement à un mauvais rêve ou à une vidéo qui l'aurait marqué".

Maintenant, Denise réinterprète tout, s'en veut de ne rien avoir vu venir. "Une fois, j'ai vu le pied de mon fils tout bleu et enflé. J'ai cru à une chute classique, maintenant je me dis : elle lui a fait un crochepied", confie Denise sans retenir ses larmes.

La porte de la crèche "Garderêve" mise sous scellés sur ordre du ministère de la Santé, le 11 juillet 2023. Photo Hussam Chbaro

Son mari Naji, qui a immédiatement arrêté de travailler en apprenant la nouvelle, a foncé à la garderie lundi et participé à la mobilisation. Le lendemain, il a rejoint un rassemblement devant le commissariat de Jdeidé, pour appeler à punir sévèrement les coupables. "On a besoin d'un médecin, d'un psychologue. Les parents comme les enfants", lance Denise. Elle a tenté de joindre sa voisine, qui n'est autre que la directrice de l'établissement. "Elle n'a pas répondu, mais j'ai eu son ex-mari. Il m'a simplement dit que nous devions tous nous calmer...".

Vigilance et inquiétude

Contrairement à des rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, les parents ayant confié leurs enfants à Garderêve ne se sont pas rendus au domicile de l'une des suspectes pour la lyncher, a confirmé mardi une source des Forces de sécurité intérieure (FSI) à L'Orient-Le Jour. Selon la police, le commissariat de Jdeidé a arrêté deux suspectes dès lundi soir.

"J'aurais été capable d'aller chez cette criminelle, si c'était mon enfant", lance Sarah*. Cette jeune mère de deux filles habite à New Rawda et, depuis l'affaire Garderêve, la peur de voir ses enfants maltraités s'accroît, même s'ils sont placés dans une autre garderie. "J'ai déposé ma fille aujourd'hui, comme d'habitude. Et en partant, j'entends une femme crier : +Hier on a vu des enfants se faire frapper. Je vais te taper aujourd'hui+. J'ai tout de suite alerté la garderie, ils m'ont dit que c'était sa façon de blaguer et de rire avec les enfants...", poursuit Sarah avec effroi.

Pour mémoire

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Après avoir placé sa fille de deux ans dans une première garderie, Sarah a changé pour un établissement plus proche, dans son quartier. Mais quelques semaines plus tard, les doutes l'assaillent. "Depuis deux mois, je vois ma fille revenir toujours affamée. La garderie communique très peu sur ce qu'ils font, comment ils les nourrissent", détaille-t-elle. "Un jour ma fille me dit qu'elle a été frappée par une éducatrice. Je suis directement allée voir la directrice qui a appelé l'employée en question, qui a simplement dit qu'elle avait puni ma fille. Dire à un enfant de deux ans qu'il est puni, ça me semble déjà excessif", dit Sarah qui cherche un moyen de faire entrer des caméras dans la garderie pour en avoir le cœur net. Et la révélation des vidéos n'aide pas la jeune mère à calmer ses inquiétudes.

Certaines associations ont dénoncé les agissements à Garderêve, comme le collectif "Dire non à la violence" qui s'emploie depuis 2012 à recenser et contrôler les violences envers les femmes et les enfants. "Malheureusement, on a vu une augmentation de ces cas en 2020, avec le Covid qui s'est rajouté à la crise économique", explique son président Tarek Abouzeinab, à L'Orient-Le Jour. "L'accumulation de vidéos qui circulent aident à se rendre compte rapidement des problèmes, mais il faut d'abord les envoyer aux autorités", poursuit-il. La priorité selon lui : que la justice suive son cours, que des sanctions soient prises.

Les parents, eux, craignent d'autres Garderêve libanais en priant pour que leurs enfants soient épargnés.

*Le prénom a été modifié.

Lundi soir, plus de 200 followers avaient déjà suivi une page Facebook appelant à emprisonner une femme, qui a été identifiée dans une vidéo sur les réseaux sociaux comme l'auteure des violences contre des enfants dans la crèche "Garderêve" de Jdeidé. Appelée "La criminelle" par des internautes, elle est au centre de ces vidéos qui ont largement circulé lundi et suscité...
commentaires (3)

Il faut un décret qui oblige tout les garderies et les maternelles de disposés de caméras de surveillances et de wifi, accessibles au parents qui pourant ainsi suivrent le déroulement de la journée de leurs enfants aux divers établissements ou ils les confient. Et surtout fera pensais à touts les employés de c'est établissements aux méthodes appliquées.

Sarkis Dina

16 h 09, le 12 juillet 2023

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Commentaires (3)

  • Il faut un décret qui oblige tout les garderies et les maternelles de disposés de caméras de surveillances et de wifi, accessibles au parents qui pourant ainsi suivrent le déroulement de la journée de leurs enfants aux divers établissements ou ils les confient. Et surtout fera pensais à touts les employés de c'est établissements aux méthodes appliquées.

    Sarkis Dina

    16 h 09, le 12 juillet 2023

  • Qu'un seul parent (mere ou pere) travaille et l'autre s'occupe des enfants (si c'est financierement possible).

    Eddy

    09 h 14, le 12 juillet 2023

  • Donc Sarah, la maman qui dépose ses enfants dans une autre garderie, aurait eté immédiatement chez la “criminelle” de Garderêve, mais par contre garde tjs sa fille ds une garderie où on menace les enfants de coups, les affame et où on les punit ouvertement?!! Si elle a besoin de vidéos or prouver leur incapacité à gérer, par contre la Police devrait sérieusement ouvrir une enquête sur cet autre établissement!

    Hajj-Chahine Joyce

    19 h 34, le 11 juillet 2023

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