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Société - Double explosion au port de Beyrouth

Oueidate vs Bitar : où en est l’instruction ?

Lorsqu’il s’agit d’une action en justice intentée par un magistrat contre un autre, les mesures sont prises dans le plus grand secret.

Oueidate vs Bitar : où en est l’instruction ?

Le juge Tarek Bitar. Photos DR

Voilà plus d’une semaine qu’a été divulguée l’information selon laquelle le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, a chargé le premier président de la cour d’appel de Beyrouth, Habib Rizkallah, de statuer sur les poursuites engagées par le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, notamment pour « usurpation de pouvoir », contre le juge d’instruction près la Cour de justice, Tarek Bitar, en charge de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth (4 août 2020). Le chef du parquet avait entrepris sa démarche en janvier dernier, aussitôt après avoir été mis en cause dans l’affaire du port par le juge Bitar qui venait de décider, sur base d’une étude juridique, de passer outre les multiples recours judiciaires portés contre lui par des hommes politiques impliqués et qui entravent son action depuis décembre 2021. Attendue donc depuis plusieurs mois, la désignation ad hoc de M. Rizkallah au poste du juge d’instruction pour trancher le litige entre les deux hauts magistrats n’a finalement eu lieu qu’en mai dernier, quelques semaines avant d’être annoncée dans les médias, selon des informations concordantes. Or, à ce jour, à quelques encablures de la troisième commémoration du cataclysme ayant causé la mort de plus de 220 morts et des blessures à plus de 6 500 personnes, et alors que les proches des victimes et plus généralement les Libanais attendent impatiemment que le juge Bitar reprenne la main sur le dossier, aucun élément de réponse n’est encore apporté à la question de savoir où en est la procédure confiée au juge Rizkallah, ou si celle-ci a même débuté. C’est que « lorsqu’il s’agit d’une action en justice intentée par un magistrat contre un de ses confrères, le secret de l’instruction doit être farouchement gardé jusqu’au prononcé du jugement », explique à L’Orient-Le Jour un membre de la magistrature, sous le couvert de l’anonymat. « Dans le milieu judiciaire, on ne se hasarde pas à s’enquérir des suites que veut réserver le juge Rizkallah à la mission dont il est chargé », déclare-t-il plus particulièrement. « La question est d’autant plus délicate qu’il s’agit d’instruire une affaire opposant un magistrat figurant au sommet du corps judiciaire à un juge d’instruction près la Cour de justice, muni, selon la loi, des prérogatives très importantes », relève-t-il.


Le juge Ghassan Oueidate.

Pas de nécessité d’interrogatoire ?

« Le juge Rizkallah devrait notamment se pencher sur l’idée de ‘‘l’usurpation de pouvoir’’ invoquée par le procureur général », indique le magistrat précité. « Or un juge d’instruction près la Cour de justice pourrait-il être inculpé pour avoir engagé des poursuites contre le procureur général, alors qu’il a pu poursuivre un chef de gouvernement (Hassane Diab), et qu’on lui reproche même de n’avoir pas poursuivi un président de la République (Michel Aoun) ? » doute-t-il, insistant sur « l’étendue considérable des pouvoirs liés à son poste ». « Le juge Rizkallah pourrait décréter que Tarek Bitar n’a pas usurpé de pouvoir », suppute-t-il, estimant qu’« il ne devrait pas tarder à prononcer son jugement, d’autant qu’il est connu pour sa rapidité dans l’étude de ses dossiers ».

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De source crédible, on indique que Tarek Bitar n’a pas encore été convoqué à une audience. Interrogé par L’OLJ, Me Youssef Lahoud, membre du bureau d’accusation au sein de l’ordre des avocats, évoque, pour sa part, une éventualité prévue par la loi en vertu de laquelle le juge Rizkallah pourrait prendre une décision sans jamais auditionner le juge Bitar. « Selon les articles 63 et 84 du code de procédure pénale, le juge d’instruction (Habib Rizkallah) peut refuser de donner suite à l’action mise en mouvement par le procureur général, s’il constate que le fait dont il a été saisi ne constitue pas une infraction pénale », explique Me Lahoud, indiquant qu’« il pourrait clôturer l’instruction sans interroger Tarek Bitar au cas où il estimerait que les éléments qu’il aura réunis suffisent pour prononcer un non-lieu en sa faveur ».

« En tout état de cause, le juge Rizkallah ne peut rendre son verdict qu’après avoir pris l’avis du parquet », poursuit-il, précisant toutefois que « cet avis n’est pas contraignant ».

Me Lahoud indique par ailleurs que « toute décision du juge d’instruction sera susceptible d’un recours déposé soit par Tarek Bitar, soit par Ghassan Oueidate, devant une chambre d’accusation que le CSM devra désigner ». « Or il faut savoir si une telle instance pourrait être rapidement mise en place, sachant que pour une réunion du CSM, le quorum de présence requis est de six », déclare l’avocat, rappelant que « le CSM compte actuellement sept membres sur les dix dont il est composé légalement ». « La composition de la chambre d’accusation devra être approuvée par au moins cinq membres du CSM », souligne-t-il, estimant que « le juge Oueidate pourrait participer à la réunion sans pouvoir voter pour les magistrats qui devraient composer la juridiction en question ».

Voilà plus d’une semaine qu’a été divulguée l’information selon laquelle le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, a chargé le premier président de la cour d’appel de Beyrouth, Habib Rizkallah, de statuer sur les poursuites engagées par le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, notamment pour « usurpation de...

commentaires (3)

La justice au Liban a ete transformee en gigantesque blague par les juges eux-meme. L'enquete sur l'explosion du port. Les proces contre les restrictions illegales effectuees par les crapules bancaires. Les enquetes sur un certain nombre de meurtres. Les investigations sur des actes de corruption dans les administrations publiques. Et bien d'autres affaires, lancees en pature au public et destinees a subir la paralysie. A quelques exceptions pres (tres peu), c'est l'ensemble du corps judiciaire et des organes securitaires, censes etre soumis aux juges, qui sont gangrenes jusqu'a la moelle. C'est par le nettoyage des ecuries d'Augias de la justice que debutera toute reforme serieuse dans ce pays. N'en deplaise a toutes les robes pedantes et corrompues....

Michel Trad

10 h 35, le 13 juin 2023

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Commentaires (3)

  • La justice au Liban a ete transformee en gigantesque blague par les juges eux-meme. L'enquete sur l'explosion du port. Les proces contre les restrictions illegales effectuees par les crapules bancaires. Les enquetes sur un certain nombre de meurtres. Les investigations sur des actes de corruption dans les administrations publiques. Et bien d'autres affaires, lancees en pature au public et destinees a subir la paralysie. A quelques exceptions pres (tres peu), c'est l'ensemble du corps judiciaire et des organes securitaires, censes etre soumis aux juges, qui sont gangrenes jusqu'a la moelle. C'est par le nettoyage des ecuries d'Augias de la justice que debutera toute reforme serieuse dans ce pays. N'en deplaise a toutes les robes pedantes et corrompues....

    Michel Trad

    10 h 35, le 13 juin 2023

  • On se demande si la Justice libanaise n’a pas permis la corruption de façon indirecte en ne jouant pas pleinement son rôle ! Or il est connu que quand la justice se mêle à la politique, c’est la décadence qui se généralise et la corruption qui s’installe. J’espère que la Justice libanaise finira un jour par afficher clairement son indépendance ! C’est bien triste de constater que la République a perdu toutes ses valeurs et il est d’abord du devoir de la magistrature de la restaurer !

    Olivier DAHER

    09 h 57, le 13 juin 2023

  • C’est ça, on tourne en rond, on tergiverse, on consulte dans le secret absolu, on prend son temps et l’enquête sur cette énorme catastrophe nationale est gelée jusqu’à la Saint glin glin…Pourquoi, car le juge Bitar a osé accuser à haut niveau les intouchables de notre république bidon… Allez, qu’on arrête de se moquer de la populace et surtout des victimes de cette tragédie…Si on cherche un semblant de justice, il faut cesser de rêver en couleurs et seule une hypothétique cour neutre et internationale pourrait rendre justice et ce n’est pas demain la veille!

    Saliba Nouhad

    01 h 40, le 13 juin 2023

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