Rechercher
Rechercher

Société - Liban

Pourquoi le chantier à l'intersection Mar Mikhaël-Gemmayzé est-il interrompu ?

Ghassan Hasbani note que la polémique autour des travaux de construction « n'est pas politique, mais politisée ».

Pourquoi le chantier à l'intersection Mar Mikhaël-Gemmayzé est-il interrompu ?

Des ouvriers posent la première pierre du projet Mar Mikhaël Piazza, en mars 2023. Photo Youssef Borsh/Beirut Urban Lab

La reconstruction du carrefour entre les quartiers de Mar Mikhaël et de Gemmayzé a été suspendue et fait actuellement polémique entre des habitants du secteur, soutenus par des députés, et les responsables du projet. Lancé en 2020 dans le cadre des efforts de redressement après l'explosion au port, ce plan de reconstruction viserait à améliorer la mobilité dans le quartier et à créer des espaces conviviaux pour les piétons.

L'architecte Jad Tabet, ancien président de l'ordre des ingénieurs et responsable du projet, a expliqué à L'Orient Today que la suspension du chantier a eu lieu à la suite de l'ingérence « politique » présumée du député des Forces libanaises Ghassan Hasbani et de son frère Élie Hasbani, une personnalité influente dans la région. Une accusation que réfute le député qui a déclaré que les travaux sont suspendus le temps que le plan soit révisé, après que « des familles du quartier ont signé deux pétitions et nous ont contactés pour se plaindre de ces travaux qui provoquent des embouteillages dans tout le quartier ». Ghassan Hasbani a aussi déploré que cette affaire « qui n'est pas politique, est en train d'être politisée ».

"Il y a toute une série d'opinions locales sur le projet, mais la plupart des résidents à qui nous avons parlé, et de nombreux propriétaires de magasins, soutiennent en fait le projet, contrairement à ce que prétend M. Hasbani", a déclaré Mona Fawaz, professeur d'études urbaines et de planification et cofondatrice du Beirut Urban Lab à l'Université américaine de Beyrouth. "Certains veulent simplement être rassurés sur le fait que la municipalité n'autorisera pas les bars à diffuser de la musique forte ici, et le mohafez a donné cette garantie".

Pour mémoire

Pourquoi tous ces travaux à Mar Mikhaël ?

Selon M. Hasbani et le moukhtar (fonctionnaire local) du quartier Béchara Gholam, le député du Tachnag Hagop Terzian fait partie des députés qui ont demandé que le projet soit suspendu après que des habitants s'en sont plaints.

Contacté, Hagop Terzian n'était pas disponible pour commenter cette affaire. 

Une des deux pétitions signées par les habitants de Mar Mikhaël pour demander au gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, d'arrêter les travaux de construction dans le quartier. Photo fournie par le député Ghassan Hasbani

Deux pétitions
« Nous voulions réaliser un projet civilisé pour une zone sinistrée qui a été largement touchée par l'explosion, mais nous avons été arrêtés par le parti politique qui contrôle le secteur », a déclaré M. Tabet. Ce dernier est l'un des fondateurs de la Déclaration urbaine de Beyrouth, un groupe de contributeurs intellectuels et culturels qui travaillent sur la préparation d'une vision nationale globale visant à servir de point de départ, en vue de remodeler et réintégrer les composantes de la ville après le drame du 4 août 2020.

Ghassan Hasbani a cependant estimé que le projet est « à l'opposé de ce que veulent les habitants. Ils nous ont contactés après avoir signé deux pétitions affirmant que les travaux étaient préjudiciables à l'ensemble du quartier, et nous avons relayé leurs préoccupations auprès du mohafez de Beyrouth Marwan Abboud, qui a ordonné la suspension des travaux ».

Ce dernier n'était pas joignable dans l'immédiat pour commenter l'affaire.

M. Tabet a cependant expliqué qu'ils avaient collaboré avec le moukhtar de la zone, le mohafez de Beyrouth et la municipalité au moment de la préparation du projet et qu'ils avaient reçu l'autorisation officielle de lancer la construction un an après le lancement de ces discussions. Le projet a également été approuvé par le Conseil municipal, qui comprend au moins un conseiller membre des FL, selon le porteur du projet. Une information nuancée par le député qui affirme que le conseiller FL n'a pas voté en faveur du chantier. 

Des actes « immoraux »
Toutefois, le moukhtar Béchara Gholam, qui est également président de l'Association libanaise des moukhtars, a déclaré à L'Orient Today qu'il avait d'abord soutenu le projet « parce que ses dirigeants m'avaient dit qu'il améliorerait et ferait progresser le quartier, et donc, bien sûr, j'ai accepté ». Cependant, M. Gholam a déclaré que les habitants ont commencé à venir se plaindre dans son bureau après le début des travaux. « Quel genre de projet d'amélioration congestionne la circulation et rétrécit le passage des voitures afin de créer un trottoir plus grand ? » M. Gholam a également fait remarquer que « le projet visait à créer un petit jardin avec des sièges et des arbres où les gens pourraient s'asseoir la nuit. Mais cela risque de permettre aux trafiquants de drogue de se promener dans le quartier et de commettre des actes immoraux ».

"Quelques propriétaires de magasins et de biens immobiliers s'opposent au projet parce qu'ils ont l'habitude de disposer de places de stationnement appropriées devant leur propriété ou leur commerce et qu'ils ne veulent pas perdre ce privilège", a affirmé Mme Fawaz.  "La rhétorique consistant à vilipender l'espace public et à prétendre que toute tentative d'élargissement apporte drogue et prostitution est malhonnête. Il n'y a pas de place sur ce site pour un jardin. Le moukhtar le sait. Ma seule interprétation de son attitude est la pression qu'il a subie et qui l'a fait changer d'avis".

« Le projet a été réalisé par Beirut Urban Lab, un centre de recherche interdisciplinaire basé à l'Université américaine de Beyrouth, et la faculté d'ingénierie de l'AUB, avec un financement de la France et d'un groupe de Libanais aux États-Unis, dans le but principal de rendre le quartier plus agréable à parcourir et plus convivial pour les piétons», fait valoir de son côté l'architecte.

Une vision des choses que ne partage pas Ghassan Hasbani. Pour lui, rendre le trottoir plus accueillant pour les piétons rendrait en même temps la route plus étroite et « causerait plus de trafic et de chaos dans la zone ». Il a également noté que « les pubs et les restaurants du quartier ferment déjà une grande partie du trottoir avec leurs tables et leurs chaises, et si le trottoir est élargi, ils étendront simplement leurs terrasses pour couvrir l'ensemble du trottoir, sachant qu'il est difficile de contrôler les actions des pubs et des restaurants du quartier ».

Les travaux dans le quartier de Mar Mikhaël ont bloqué la rue avant d'être suspendus. Photo fournie par le député Ghassan Hasbani

Jad Tabet a expliqué comment le projet a été conçu : « Nous avons remarqué qu'il y avait beaucoup d'espaces triangulaires au milieu de la route dans le quartier. Après avoir consulté nombre d'experts et parlé aux habitants de la façon dont ils voyaient leur quartier, nous avons établi un plan détaillé comprenant plus d'espaces pour les piétons, des panneaux solaires et de la verdure ».

Mais l'architecte affirme qu'Élie Hasbani a parlé aux habitants du quartier, les convainquant des problèmes que la construction de la place publique pourrait causer. « Ils ont également convaincu à tort les citoyens que le trottoir créerait plus de trafic, ce qui n'est pas vrai puisque Rami Semaan, qui a élaboré le nouveau plan de circulation pour tout Beyrouth, a également préparé un plan pour ce projet », ajoute l'architecte. Ghassan Hasbani a réfuté ces accusations, affirmant que ce sont les habitants qui sont venus les voir, lui et son frère, pour leur faire part de leurs doléances.

Et maintenant ? 
Malgré tous ces désaccords, les parties semblent d'accord sur un point : donner suite à cette affaire. 

Le député FL a ainsi fait remarquer que si le plan doit être étudié davantage et ne peut être mis en œuvre tel quel « car il provoquera des embouteillages à Mar Mikhaël, Gemmayzé et Achrafieh », il n'est pas frontalement « opposé au projet, il faut juste revoir le plan ».

« Les travaux ont été suspendus jusqu'à ce qu'un compromis soit trouvé, et nous sommes prêts à retravailler la conception si cela signifie que le projet peut aller de l'avant », affirme pour sa part Jad Tabet. 

"M. Hasbani fait pression sur nous pour que nous fassions des concessions afin de pouvoir achever le projet. Ces concessions sont faites au détriment de la meilleure expertise professionnelle dont nous disposons dans le pays. C'est malheureusement la réalité", a de son côté affirmé Mme Fawaz.

Et le moukhtar Gholam de conclure également : « Une fois que le projet aura été repensé pour tenir compte des préoccupations des habitants, je souhaiterais qu'il reprenne. Je suis tout à fait favorable aux projets de développement dans la région qui améliorent les conditions de vie des riverains et des entreprises.»

La reconstruction du carrefour entre les quartiers de Mar Mikhaël et de Gemmayzé a été suspendue et fait actuellement polémique entre des habitants du secteur, soutenus par des députés, et les responsables du projet. Lancé en 2020 dans le cadre des efforts de redressement après l'explosion au port, ce plan de reconstruction viserait à améliorer la mobilité dans le quartier et à...

commentaires (2)

Il faudrait garder les 2 sens de la route, celle qui se dirige vers Mar Mikhael qui est toujours fonctionnelle bien que rétrécie, mais, surtout le sens inverse de Mar Mikhael direction Pasteur qui devrait rester fonctionnelle à l'intérieur du projet, mais qui semble à première vue annulée. .

Esber

13 h 43, le 08 juin 2023

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Il faudrait garder les 2 sens de la route, celle qui se dirige vers Mar Mikhael qui est toujours fonctionnelle bien que rétrécie, mais, surtout le sens inverse de Mar Mikhael direction Pasteur qui devrait rester fonctionnelle à l'intérieur du projet, mais qui semble à première vue annulée. .

    Esber

    13 h 43, le 08 juin 2023

  • Ce genre d'article est important. La presse locale abonde avec les sujets de l'election du president de la republique et des sujets politiques pareils. Alors que les sujets qui nous concernent au quotidien tel que les causes d'embouteillage, l'ouverture du ministere des finances, le changement de tarification de l'eau, les nouvelles regles sur la tva, lemprisonement des employes du cadastre, les nouvelles formalités que libannposte ou OMT peut accomplir, passent avec tres peu de couverture.

    Tina Zaidan

    11 h 34, le 08 juin 2023

Retour en haut