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Société - Infrastructures

Pourquoi tous ces travaux à Mar Mikhaël ?

Lancée en 2020 dans le cadre des efforts de redressement après la double explosion au port, la « Mar Mikhael Piazza » pourrait faciliter les déplacements et créer des espaces conviviaux pour les piétons dans la ville. 

Pourquoi tous ces travaux à Mar Mikhaël ?

Des ouvriers creusent le bitume dans le cadre du projet Mar Mikhael Piazza, en mars 2023. Photo Youssef Borsh/Beirut Urban Lab

Depuis quelques semaines, au niveau de l'ancienne intersection des rues d’Arménie, Gouraud et Pasteur, des ouvriers en gilet orange s'activent, accompagnés du son des excavatrices, toute la journée. Une fois n'est pas coutume, l'objectif de ces travaux n'est pas de réparer les canalisations d’eau ou les réseaux d'égout, ni de poser des câbles internet. Il s’agit de la mise en place d’un projet totalement différent d'espace public appelé « Mar Mikhael Piazza ».

Soutenu par le Beirut Urban Lab (BUL), un centre de recherche interdisciplinaire basé à l'AUB, ce projet a été imaginé par Habib Debs, architecte urbaniste décédé en février, et a été conçu en collaboration avec Francis Landscapes. Mona Fawaz, codirectrice de la BUL et professeure à l'AUB, explique que l'intérêt du laboratoire pour les espaces publics est né à la suite de la double explosion du 4 août 2020.

Cynthia Bou Aoun, coordinatrice du projet Mar Mikhael Piazza, explique que l'initiative devait être lancée en 2021, alors que la zone était en cours de réhabilitation après la déflagration. « Nous avons collaboré avec le moukhtar et nous avions obtenu les autorisations de la municipalité, mais malheureusement, des travaux d'infrastructure prévus dans la même zone nous ont obligés à arrêter », dit-elle.

Le site du projet Mar Mikhaël Piazza.Photo Cynthia Bou Aoun/Urban Lab

Deux ans plus tard, la municipalité les a informés que les travaux d'infrastructure ne seraient pas réalisés. De nouveaux permis leur ont donc été octroyés après de nouvelles demandes, s'accompagnant d'une relance du processus d'appel d'offres et du début des travaux de sol. Le retour de la vie nocturne après les confinements du Covid-19 et le drame du port avec son lot d'embouteillages ont rendu plus urgente l'amélioration de l'infrastructure piétonne du quartier.

La construction de la Mar Mikhael Piazza a débuté en mars dernier. « Nous sommes en train d'installer le système de drainage des eaux qui permettra d'éviter les inondations en hiver », explique Maria Rajha, chercheuse au BUL. Le projet devrait être achevé en juillet 2023. Selon le BUL, il vise à rendre le quartier et la ville dans son ensemble plus accessibles aux piétons. »

« Nous introduisons également des éclairages solaires offerts par l'initiative Lights for Lebanon, un collectif de concepteurs d'éclairage dont le travail vise à faire revivre les communautés maintenues dans l'obscurité par les coupures d'électricité en cours », précise Cynthia Bou Aoun.

Plus qu'un projet d'embellissement

Le plan prévoit l'installation de lampadaires, de bancs et d'espaces verts, ainsi qu'une amélioration du système de drainage. Selon un communiqué publié par le BUL, une fois achevé, cet espace multifonctionnel pourra accueillir des événements sociaux.

Rendu numérique du projet Mar Mikhael Piazza. Photo Beirut Urban Lab

La coordinatrice du projet indique qu'il ne s'agit pas d'un projet d'embellissement « où l'on plante quelques arbres et où l'on ajoute quelques bancs ». L'initiative vise plutôt à perturber l'accès des véhicules à ce qui est une artère vitale afin de donner la priorité aux besoins des piétons plutôt qu'à ceux des automobilistes. Toutefois, Cynthia Bou Aoun insiste sur le fait que les voitures seront toujours autorisées à circuler dans les rues d’Arménie et Pasteur. « Ce sera toujours une artère pour les véhicules, mais avec une priorité donnée aux piétons. Les routes sont actuellement bloquées pour réaliser les travaux, mais elles seront rouvertes », assure-t-elle.

La seule différence, c’est que les routes seront plus étroites, les places de stationnement déplacées et les trottoirs élargis pour améliorer la circulation des piétons. Mme Bou Aoun ajoute que les plans ont pris en compte les besoins en matière de stationnement et que des places ont été ajoutées au début de la rue Pasteur, à quelques mètres des magasins. Les experts en circulation du cabinet de conseil TMS Consult, basé à Beyrouth, ont apporté leurs conseils dans le cadre de l'étude dans l’objectif d’apaiser les craintes concernant les problèmes de circulation.

Un tel équilibre est nécessaire dans une ville aussi dépendante de la voiture que Beyrouth. En 2018, Beyrouth comptait 627 voitures pour 1 000 habitants, selon une étude menée par Adib Haydar, urbaniste à l'Université libanaise. Les parkings y occupent trois fois plus de terrain dans la ville que les espaces verts : une étude publiée dans la revue Smart Cities estimait que les parkings en bordure de rue occupent 5,75 % de la surface de la capitale libanaise.

Un projet collaboratif

« L'exécution du projet a été très collaborative », précise Cynthia Bou Aoun à L'Orient Today. Les résidents et les propriétaires d'entreprise du quartier ont été impliqués dans une grande partie de la conception afin de mieux comprendre leurs besoins. « Nos chercheurs se sont rendus sur place, ont écouté ce que les gens avaient à dire et comment ils imaginaient cet espace, et nous avons pris tous leurs commentaires en considération lors de la conception de la place, qui est censée améliorer la qualité de la vie urbaine dans ce quartier, explique-t-elle. Aujourd'hui encore, alors que la place est en cours de réalisation, nous sommes sur le terrain, nous parlons avec les gens, nous expliquons le projet et nous entendons leurs préoccupations. » La majeure partie du financement provient de dons de la part de Architects for Beirut after the Blast, de la Fondation de France, d'ONU-Habitat et de l'Italian Corporation in Beirut (AICS).

Pour rendre Beyrouth plus accessible aux piétons

« Nous ne nous contentons pas d’aménager un espace public, il s'agit de changer les mentalités », affirme de son côté Mona Fawaz. « Cette intervention multifonctionnelle envisage la place Mar Mikhaël comme un espace public inclusif, explique pour sa part sa collègue Maria Rajha, faisant partie d'une vision plus large appelée Al-Masar al-akhdar (« la coulée verte ») - qui revigore les espaces publics et la mobilité urbaine. »

Rendu numérique du projet Mar Mikhael Piazza. Photo Beirut Urban Lab

Al-Masar al-akhdar constitue la contre-proposition de Habib Debs à l'autoroute Fouad Boutros allant de l'avenue Charles Malek au quartier Mar Mikhaël afin de transformer l'empreinte de l'autoroute proposée (et qui n’a jamais été réalisée) en un axe vert.

L'architecte a pensé la conception de l'espace comme un projet pilote qui pourrait être reproduit le long de la rue - il avait espéré rendre la zone entièrement piétonne, mais selon Mme Bou Aoun, cela impliquerait d'entraver la circulation automobile. « Habib Debs envisageait la possibilité d'étendre cette place jusqu'au bâtiment d'Electricité du Liban (EDL) à Mar Mikhael, avec sa piazza en contrebas qui pourrait être ouverte au public et facilement accessible », explique-t-elle.

Le projet fait suite à des initiatives similaires en matière d’aménagement d'espace public dans le quartier et est directement lié à l'escalier Gholam, récemment rénové par la « Beirut Heritage Initiative » et « Francis Landscapes », qui mène du quartier de l'hôpital Saint-Georges à l'intersection des rues Pasteur-Gouraud et Arménie.

Le Beirut Urban Lab coordonne avec d'autres organisations de la société civile qui souhaitent mettre en œuvre des interventions d'aménagement de l'espace public, comme celle prévue dans la rue Pasteur, où un îlot de circulation divise la route en deux. Ici, il s'agirait de supprimer l'une des voies au profit d'une place publique plus large, avec suffisamment d'espace pour y ajouter des bancs, des arbres et un support à vélos.

Si tout se passe bien, Cynthia Bou Aoun espère que cette intervention marquera le début d'une série de projets d'espaces publics qui s'inscrivent dans une vision plus large pour le tronçon de Mar Mikhaël entre la rue Pasteur et l'ancienne gare.

Bien qu’elle estime qu'un centre de recherche n'a généralement pas vocation à mettre en œuvre des projets physiques, Mona Fawaz espère que ce projet servira d'expérience sociale et établira un précédent sur « la manière dont le changement doit être initié ». « C'est effectivement ce qui se passe, et pour moi c’est inestimable », ajoute-t-elle.

Depuis quelques semaines, au niveau de l'ancienne intersection des rues d’Arménie, Gouraud et Pasteur, des ouvriers en gilet orange s'activent, accompagnés du son des excavatrices, toute la journée. Une fois n'est pas coutume, l'objectif de ces travaux n'est pas de réparer les canalisations d’eau ou les réseaux d'égout, ni de poser des câbles internet. Il s’agit de la mise en place...

commentaires (4)

Nostalgie...on parle de la rue Pasteur. J'ai même cru reconnaître le grand escalier qui menait à Achrafyeh.

Lilou BOISSÉ

11 h 44, le 05 avril 2023

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Commentaires (4)

  • Nostalgie...on parle de la rue Pasteur. J'ai même cru reconnaître le grand escalier qui menait à Achrafyeh.

    Lilou BOISSÉ

    11 h 44, le 05 avril 2023

  • Ils ont mis UN ARBRE ! C'est trop ! Toutes les personnes nommées dans cet article qui s'apparente plus à de la publi information d'ailleurs pour UN ARBRE !!

    Pierre Hadad

    08 h 35, le 05 avril 2023

  • Enfin, une coin de ciel bleu dans notre quotidien morose. Presque trop beau. C'est sur et certain, ce sera bien une zone piétonne?? Chouette, donc interdite aux mobylettes et autres engins à 2 roues si un jour l'Iran gagnait un match de coupe du monde?

    Roborm

    08 h 15, le 05 avril 2023

  • Un rêve, j’habitais pas loin de l’hôpital saint des grecs orthodoxes

    Eleni Caridopoulou

    19 h 36, le 04 avril 2023

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