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Quadrature du cèdre

Avec la brève escapade à Paris du Franju de Zghorta et celle du derviche tourneur de Moukhtara, puis la visite du ministre qatari venu fourrer sa truffe parmi les barbons du landernau, c’est un épisode de plus de notre déconfiture qui n’a pas fini de s’étaler sur la place publique. Au rythme des expériences guignolesques qui se suivent, il serait peut-être bon d’élever le Liban à la dignité de « laboratoire de diplomatie appliquée ».

En effet, ils ne se comptent plus les émissaires gominés et manucurés, un coup rencontrés à l’étranger, un autre sur notre sol infortuné, à se casser les dents sur cette quadrature du cèdre. À chaque fois, il faut remettre les compteurs à zéro et leur octroyer deux bons mois pour piger la trilogie éternelle du Politicus libani : d’abord un menteur parce qu’il pense que c’est un signe d’intelligence ; ensuite un voleur, parce qu’il estime que c’est une preuve de savoir-faire ; enfin, un assassin parfois, quand il en a l’occasion et les moyens.

Cette fois-ci, on a eu droit à deux laborantins : le ministre d’État qatari aux affaires du Dehors à Beyrouth, et un conseiller français un peu moins bronzé à Paris.

On ne saura peut-être jamais ce qu’a pu dire la Frangipane sous les lambris de l’Élysée, mais on connaît déjà par cœur ce que son interlocuteur a pu lui demander : un peu plus de danse du ventre devant les Saoudiens, un peu moins de génuflexion devant le Parti barbu. Avec à la clé, un ticket pour six ans à Baabda, affalé dans un fauteuil les doigts dans le nez à regarder défiler les pèlerins, la besace débordant de requêtes.

En revanche, la tâche a été plus ardue pour le prince sans rire qatari. Lui a dû apprendre fissa les fondements de « l’exception libanaise ». Faut quand même se mettre à sa place, le pauvre : passer des heures entières à faire de la psychiatrie accélérée au milieu d’un bazar qui a tourné à la foire d’empoigne, il avait vraiment du temps à perdre, le ministre des sables ! Mais nécessité fait loi, d’autant plus que son parcours du combattant a été balisé d’avance : rencontre enrichissante avec Istiz Nabeuh, qui s’est recyclé en preneur d’otages parlementaires ;

réunion soporifique avec Mikou, qui lui a expliqué comment il s’est bâti une fortune colossale rien qu’en posant nu dans le magazine Forbes ; ensuite visite décalée chez le Moukhtariote, qui décidément ne croit plus aux lendemains chantants socialistes et a définitivement zappé sur une autre chorale ; enfin, bavardage informel avec le Déplumé de Meerab, qui prend les Libanais pour des Scandinaves et entend leur implanter un président souverainiste parce que, paraît-il, nous sommes indépendants. Fin de la tournée. Le Qatari est reparti groggy en se bouchant le nez. Au prochain de ces messieurs !

On aura beau enrober ces flâneries diplomatiques des âneries habituelles sur la communauté de destin et le sens des responsabilités de la classe politique, force est de constater l’immuabilité du système en place : aux émissaires et autres envoyés spéciaux le planétaire, à Istiz Nabeuh et Mikou le terre-à-terre… et à nous tous un Liban grabataire.

gabynasr@lorientlejour.com

Avec la brève escapade à Paris du Franju de Zghorta et celle du derviche tourneur de Moukhtara, puis la visite du ministre qatari venu fourrer sa truffe parmi les barbons du landernau, c’est un épisode de plus de notre déconfiture qui n’a pas fini de s’étaler sur la place publique. Au rythme des expériences guignolesques qui se suivent, il serait peut-être bon d’élever le Liban à...

commentaires (10)

Relire Gaby c'est comme écouter La Mama d'Aznavour. Triste, c'est vrai, mais pleine de vérités et de sentiments superbement débités.

Wlek Sanferlou

14 h 01, le 11 avril 2023

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Commentaires (10)

  • Relire Gaby c'est comme écouter La Mama d'Aznavour. Triste, c'est vrai, mais pleine de vérités et de sentiments superbement débités.

    Wlek Sanferlou

    14 h 01, le 11 avril 2023

  • Cynisme, sarcasme, humour ; c’est peut-être cela la politesse (la retenue ?) du désespoir.

    Citoyen Lambda

    12 h 12, le 10 avril 2023

  • Comme d'autres, je ne goûte pas nécessairement les effets de manche de M. Nasr, et m'étonne d'être parfois censuré pour bien moins...mais sur le fond, il a raison de rappeler l'essentiel : au final, les sociétés, aussi complexes fussent-elles, produisent les cadres institutionnels et les élites qui leur conviennent. Au Liban, on admire les frères Rahmé, les Carlos Ghosn, et une liste interminable d'affairistes, toutes confessions confondues. Ce qui est considéré comme magouille ailleurs est manifestion de "chatara" ici...là réside l'une des explications de l'apathie, outre la vie sous perfusion de transferts de l'étranger

    IBN KHALDOUN

    12 h 25, le 07 avril 2023

  • Ce que nous pouvons retenir de toutes les consultations, analyses, conférences et réunions entre bras cassés et intrus, mais toujours nuisibles, c’est qu’il manque un acteur principale qui est le peuple. Ce peuple libanais à qui, on a pris le soin de diviser et ensuite de lui couper les ailes avant de procéder à la distribution des parts de son pays pour le représenter, parce qu’il a été, et est toujours divisé, malgré toutes les injustices et les crimes qu’il a subi par ces mêmes criminels auxquels il reste fidèle et inébranlable alors que son lit de mort est déjà prêt et que son cadavre n’arriverait pas à réchauffer pour l’éternité. Seul le peuple peut ce que tous les intervenants n’arrivent pas à réaliser, à savoir, libérer son pays et retrouver sa souveraineté et sa dignité pour lesquelles aucun des intervenants n’en a cure, et ce quelqu’en soit le prix. Tout le monde cherche à tirer un avantage de cette situation inextricable sauf le peuple libanais que personne n’a daigné consulter alors qu’il s’agit en premier lieu de sa vie ou de sa mort. Que pense t-il au juste de ce qui se trame contre lui? A quel moment va t-il se lever pour donner son avis, même si personne ne l’y autorise puisque c’est de lui dont on parle et en son nom alors qu’il ne s’est jamais prononcé puisque pour eux tous il reste une quantité négligeable, et pour cause.

    Sissi zayyat

    12 h 04, le 07 avril 2023

  • ""ENFIN, BAVARDAGE INFORMEL AVEC LE DÉPLUMÉ DE MEERAB, QUI PREND LES LIBANAIS POUR DES SCANDINAVES ET ENTEND LEUR IMPLANTER UN PRÉSIDENT SOUVERAINISTE PARCE QUE, PARAÎT-IL, NOUS SOMMES INDÉPENDANTS"". Le zaïm de Meerab prend les Libanais pour des Scandinaves ? C’est sérieux ? Non, mais non. Je ne comprends pas comment les ""candidats naturels"", qui ne se sont pas déclarés candidats tout en étant dans la course. Je ne comprends pas comment les candidats de la génération de la guerre sont encore en lice, croyant qu’ils seront en effet récompensés pour leur effort de guerre. J’ai proposé dans une conversation avec un ami que les Ouèètes présentent la députée Setrida Geagea à la présidence, mais la réponse du tac au tac, rappelant François Mitterrand à propos de Ségolène Royal, et repris par Montebourg : ""Elle a un défaut, son mari"". Et je pose mes mots.

    Nabil

    11 h 14, le 07 avril 2023

  • ""En effet, ils ne se comptent plus les émissaires gominés et manucurés"", et pour moins que ça, la foudre de la censure frappe. Vous voulez dire que les deux émissaires sont impuissants et qu’ayant une certaine orientation physique, ils ne parviennent pas à trouver le coin de la table ronde pour réunir les ""candidats naturels"". Mais qu’on cherche des diplomates, des vrais, ceux ou celles qui ont des "coui… au c..." En effet, ils soignent mieux leurs doigts que leurs initiatives…

    Nabil

    10 h 54, le 07 avril 2023

  • Définition du ""Politicus libani : D’ABORD UN MENTEUR PARCE QU’IL PENSE QUE C’EST UN SIGNE D’INTELLIGENCE ; ENSUITE UN VOLEUR, PARCE QU’IL ESTIME QUE C’EST UNE PREUVE DE SAVOIR-FAIRE ; ENFIN, UN ASSASSIN PARFOIS, QUAND IL EN A L’OCCASION ET LES MOYENS"". D’abord une piqûre de rappel, pour ceux et celles qui se pencheront un jour sur les écrits de M. Nasr, à relire : ""Au plus bas d’en bas"", du 7 février 2020, une lapalissade qui fait non rire, mais grincer les dents, la même définition à quelques nuances près : ""SUR TROIS DIRIGEANTS LIBANAIS PRIS AU HASARD, IL SE TROUVE INVARIABLEMENT UN MENTEUR, UN VOLEUR… ET SI L’ON A DE LA CHANCE, UN ASSASSIN POTENTIEL OU AVÉRÉ…."" En effet, depuis trois ans, aucune avancée considérable en termes de comportement. Nous sommes face à un personnel politique qui a fait son temps, pas besoin de les écouter (en fait ils n’ont rien à dire), car leur passé parle plus fort d’eux. Des politiciens qui survivent sur des survivants. Mettre tout cela sur le compte de ""l’immuabilité du système en place"" c’est aussi rendre les Libanais responsables du malheur qu’il vive. Quand je redis qu’il faut lire Gaby Nasr, non sur un mode badin, car méfiance, il ne fait pas rire…

    Nabil

    10 h 49, le 07 avril 2023

  • Triste mais vrai, et on n’a pas encore fini de cette humiliante mascarade, où le choix d’un président dépend plus des autres que des Libanais.

    Goraieb Nada

    08 h 13, le 07 avril 2023

  • Génial monsieur Nasr ? Votre plume est remarquable ?

    el hardini jeannette

    07 h 54, le 07 avril 2023

  • Description Inégalablement Réaliste de notre quotidien politico-chimèrique...

    Wlek Sanferlou

    03 h 05, le 07 avril 2023

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