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Histoires d’éléphants

«Un éléphant qui se balançait, sur une toile d’araignée, trouva ce jeu si intéressant qu’il alla chercher un deuxième éléphant. » Les comptines de l’enfance ne sont pas anodines, elles cachent des sagesses dans les grelots de leur innocence. Ainsi nous apparaît notre monde : un éléphant qui se balance sur une toile d’araignée. Et l’histoire finit évidemment par un « badaboum » hilare. Nous vivons dans un pays en guerre. Des villages entiers sont détruits au sud du Liban. De vastes oliveraies sont recouvertes de phosphore, des récoltes sont perdues ou rendues inaccessibles. Les nouvelles du front ? Qui s’en préoccupe ? Au-dessus de la ligne de Tyr, sans jeu de mots, tout le monde semble engourdi. Parler de guerre porterait malheur. Et pourtant, quel nom donner au ciel qui se déchire, aux explosions monstrueuses qui emportent leur lot de vies, de souvenirs, de racines, aux maisons effondrées, aux routes rendues impraticables ? Certes, rien n’est comparable à Gaza, mais le Sud, cette pointe ardente de notre territoire, vit son énième abandon. L’ignorer, c’est ignorer une part de soi qui part en cendres. Comment expliquer cet étrange déni ? Nous a-t-il poussé, après les catastrophes vécues ces dernières années, une peau de crocodile ? Le Hezbollah, responsable du déclenchement des hostilités avec Israël, se contente de communiqués laconiques. On aurait aimé que cette aventure provoquée en solidarité avec Gaza ait pu contribuer à sauver ne serait-ce qu’un seul enfant palestinien. Mais pour la machine de guerre de l’État hébreu, elle ne semble représenter qu’une escarmouche. Le Nord israélien vit d’ailleurs le même sentiment d’abandon que le Sud libanais. Deux régions frontalières condamnées à l’intranquillité et à l’indifférence, deux zones aveugles dans le champ de vision de leurs pays respectifs. À la différence que les habitants du Nord israélien peuvent espérer un jour, comme l’a annoncé leur ministre de la Défense, « retourner chez eux tranquillement et en toute sécurité ». Les Libanais du Sud, en revanche, n’ont pas d’État pour les soutenir ou se soucier de leur sécurité. Pire, M. Gallant déclare vouloir « changer la situation sécuritaire », et tout le monde sait, sans y mettre de mots, que cela signifie raser cette partie du pays, limer la pointe du Liban ou plus. En d’autres temps, la société civile libanaise aurait pris le mégaphone pour réveiller ses responsables occupés à leurs petites affaires. Le fait est qu’elle s’est lassée et son inertie est funeste.

Sur un autre plan, nous avons assisté, hébétés, au naufrage de Dubaï sous les pluies diluviennes qui s’y sont abattues le 16 avril. La mégalopole s’en est rapidement remise, mais sur le mode sonné. Ce fut pour la ville-émirat une leçon d’humilité, mais aussi une leçon tirée en vue d’une meilleure préparation à ce genre d’incident météorologique dont nul pays au monde n’est à l’abri. On a vu des communautés d’entraide se former dans ces quartiers où les étrangers sont majoritaires. Une solidarité nouvelle a vu le jour, du genre qui crée un sentiment d’appartenance. Là-bas, nos enfants chantent fièrement l’hymne national aux grandes occasions : Biladi, biladi (ma patrie). Ils grandissent sous la bannière d’un État où la sécurité et la qualité de vie justifient tout. Pour tous les immigrés qui vivent et travaillent aux EAU, mieux vaut ni poser ni se poser de questions.

L’Arabie saoudite, en surchauffe pour terminer ses projets herculéens, revoit ses ambitions à la baisse. Dernière étape de la présentation de Neom, la ville futuriste piégée entre deux miroirs au milieu du désert, Hong Kong n’a pas montré d’enthousiasme à la hauteur des effets déployés. À y réfléchir, un sentiment de claustrophobie gagne l’investisseur potentiel à l’idée de vivre ainsi, enfermé dans une bulle où la seule circulation possible est une ligne unique, aller-retour.

Pour finir, hier fut, selon le président Biden « un grand jour pour la paix dans le monde ». Il a en effet signé un projet de loi de sécurité nationale prévoyant une aide à l’Ukraine et à Israël. L’État hébreu va ainsi bénéficier de nouveaux avions de guerre.

Tant d’éléphants pendus à tant de fils de soie… Et nous ? On connaît la fin de la comptine. Et comme dit le Petit Prince : « Un éléphant, c’est très encombrant. Chez moi, c’est tout petit. »

«Un éléphant qui se balançait, sur une toile d’araignée, trouva ce jeu si intéressant qu’il alla chercher un deuxième éléphant. » Les comptines de l’enfance ne sont pas anodines, elles cachent des sagesses dans les grelots de leur innocence. Ainsi nous apparaît notre monde : un éléphant qui se balance sur une toile d’araignée. Et l’histoire finit...

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Qui a commencé la guerre au Liban ?

Eleni Caridopoulou

18 h 13, le 25 avril 2024

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Commentaires (1)

  • Qui a commencé la guerre au Liban ?

    Eleni Caridopoulou

    18 h 13, le 25 avril 2024

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