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La légion du crime


Non, faut pas rêver, l’Oncle Sam n’est pas en train de retirer d’une main ce qu’il donne avec tant de prodigalité à Israël : en l’occurrence cet énorme paquet de 13 milliards de dollars requis par l’administration Biden et que le Sénat américain est sur le point d’approuver. Toute première vaut néanmoins d’être saluée, quand bien même il resterait à en attendre les suites concrètes.

L’événement historique de ces derniers jours, c’est la menace brandie par les États-Unis de suspendre toute assistance à une unité bien précise de l’armée israélienne qui s’est illustrée par ses violations répétées des droits humains en Cisjordanie occupée. Pour que la grande démocratie US s’émeuve seulement de la question, il aura toutefois fallu que meure d’hypothermie un octogénaire détenteur de la double citoyenneté palestinienne et américaine, sommé de s’allonger sans mouvement, sur la chaussée glaciale, durant toute une nuit d’hiver. Ce meurtre littéralement commis de sang-froid survenait bien avant la sanglante opération du Hamas du 7 octobre dernier qui portait la sulfureuse unité à redoubler de zèle criminel contre la population locale.

Dès lors, et malgré les explications embarrassées du secrétaire d’État Antony Blinken promettant des résultats pour très bientôt, on peut s’interroger sur l’extrême lenteur qui aura marqué l’enquête, mais aussi sur le timing choisi pour laisser en entrevoir l’issue.Tout se passe en effet comme si le royal cadeau en billets verts fait à Israël avait sciemment pour contrepartie un cinglant rappel à l’ordre quant à la brutalité d’une répression devenue intolérable même aux yeux de l’indulgente, de la complaisante Amérique. Surtout à l’heure où elle connaît un impressionnant regain de manifestations propalestiniennes.

Pour salutaire qu’elle soit cependant, cette subite volte-face n’exonère en rien Washington de ses responsabilités passées et à venir. C’est bien l’interdiction de toute aide à des unités étrangères coupables de sévices contre les populations que commande la fameuse loi Leahy dont se prévalent les États-Unis. Mais avant que d’en venir à sanctionner ce bataillon Netzah Yehuda (l’Éternité pour la Judée) qui empeste beaucoup trop le soufre, comment les Américains ont-ils pu, depuis un quart de siècle que cela dure, armer, équiper et associer à des sessions d’entraînement d’officiers une légion uniquement formée de ces fanatiques normalement exemptés de service militaire régulier, ainsi que de colons acharnés à conquérir par la violence toujours plus de terres palestiniennes ? Pourquoi la vertueuse Amérique n’a-t-elle pas vu à temps dans ce ramassis d’exaltés cantonnés d’office en Cisjordanie, clairement voués à bouffer du Palestinien et n’encourant jamais de punitions disciplinaires, l’équivalent juif d’un terrorisme dont seuls sont taxés les États ou groupes islamistes ? Et pour finir, en quoi les agissements de ce singulier groupe Wagner assigné aux basses œuvres sont-ils plus répréhensibles, plus punissables que le déchaînement de barbarie dont se rend coupable, à Gaza, la machine de guerre israélienne ?

Significatif à cet égard est l’hommage rendu par les responsables politiques et militaires de Tel-Aviv au haut professionnalisme dont fait prétendument preuve, sur le terrain, le bataillon incriminé. Pour Benjamin Netanyahu, les sanctions américaines seraient aussi absurdes qu’immorales ; en revanche, le vénal personnage est loin de cracher sur les masses de dollars promises et qui défendent, a-t-il assuré, la civilisation occidentale.

Reste à savoir si ladite civilisation, telle que la conçoivent les peuples épris de démocratie, de justice et de modernité, ne risque pas, à force de laxisme, de ressembler un jour au peu flatteur portrait qu’en brosse Netanyahu.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Non, faut pas rêver, l’Oncle Sam n’est pas en train de retirer d’une main ce qu’il donne avec tant de prodigalité à Israël : en l’occurrence cet énorme paquet de 13 milliards de dollars requis par l’administration Biden et que le Sénat américain est sur le point d’approuver. Toute première vaut néanmoins d’être saluée, quand bien même il resterait à en...