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Fatale normalité


La prochaine frappe israélienne a beau être inéluctable, à force de l’annoncer à chaque chant de coq, les Libanais ont fini par s’y habituer en l’intégrant à une fatale normalité. Tels des moutons bêlants qu’on mène à l’abattoir, ils sont persuadés que la raclée aura bien lieu dans un peu moins de pas longtemps, sauf qu’ils ne sont toujours pas d’accord sur sa finalité. Sunnites, chrétiens et druzes aimeraient bien voir le Hezbollah se prendre une dérouillée dans les grandes largeurs, les chiites rêveraient d’un Sayyed Barbu déversant sur les kibboutz sa colère divine depuis son tapis volant. Les fantasmes ont la vie dure…

Au Liban-Sud, ce n’est plus la quadrature du cercle vicieux, mais la courbure du carré pernicieux. Et le sort en est jeté : pour espérer sauver la mise à Yahia Samovar du Hamas, dont par ailleurs tout le monde ici se fout, nous continuerons à en prendre plein la tronche : grappes de missiles qui tombent, bordée de roquettes qui partent, population qui écope.

Sans compter les chapelets d’âneries déversés à Beyrouth. Borborygmes de basse facture où ni les uns ni les autres n’arrivent à crever l’abcès. Ceux qui veulent n’osent pas le trouver, ceux qui le trouvent n’osent pas le dire, et ceux qui le disent ne sont pas écoutés… La parole est d’argent, dit-on. Sauf que quand l’argent se fait rare, le silence vaut vraiment de l’or.

Pareil côté hébreu. On pensait que la fanfaronnade était une marque déposée des militaires arabes, avec leur façon péremptoire d’annoncer des victoires virtuelles en prenant les journalistes pour des ahuris frémissant à chacune de leurs diphtongues. Ben non, avec les agités de la kippa, c’est pareil. Y a que la technique qui change. Le galonné chargé des points de presse sur le boui-boui du Sud prend toujours son interlocuteur pour un âne patenté, mais il le fait avec élégance, sans céder comme dans nos contrées à l’envie de le fusiller s’il osait le contredire. Mais la différence s’arrête là. Pour le reste, la frime est intacte, enrichie quand même de gadgets vidéo où l’on voit toujours sur fond d’écran vert caca d’oie le départ du missile sans jamais connaître le Libanais qui l’a dégusté.

Chez les barbus en revanche, c’est motus et clapet cousu. On ne sait rien. Ni celui qui a tiré ni comment il s’en est tiré. Son nom, son grade sont aussi confidentiels que les analyses d’urine du président iranien. Guerre clandestine, attaques en tapinois, explosions obscures... Comme tout est secret dans cette équipée, y a comme une impression que finalement même la victoire restera secrète.

Quand on pense que pour sniffer ne serait-ce que quelques vapes de croissance, il nous faudra attendre de récupérer le caillou de Chebaa, Ghajar, les sept villages de Galilée, le Golan, les bords du Tibériade, Jérusalem, les prisonniers, et on en oublie…

Trop facile : mourir pour ses idées ne prouve pas qu’elles soient bonnes.


gabynasr@lorientlejour.com

La prochaine frappe israélienne a beau être inéluctable, à force de l’annoncer à chaque chant de coq, les Libanais ont fini par s’y habituer en l’intégrant à une fatale normalité. Tels des moutons bêlants qu’on mène à l’abattoir, ils sont persuadés que la raclée aura bien lieu dans un peu moins de pas longtemps, sauf qu’ils ne sont toujours pas d’accord sur...

commentaires (9)

Excellentissime comme toujours !! Merci Gaby !!!!

Eva Younes

12 h 32, le 27 avril 2024

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Excellentissime comme toujours !! Merci Gaby !!!!

    Eva Younes

    12 h 32, le 27 avril 2024

  • Et si Israël s’attaquait à tout le Liban ?

    Eleni Caridopoulou

    17 h 20, le 26 avril 2024

  • Excellent. Tout le monde a pour son grade et la série continue, elle a ses adeptes et les épisodes ne sont pas près de conclure pour annoncer la fin. Cette qui sera, pour sûr, tragique pour les seuls libanais quelqu’en soit le prix à payer pour nous débarrasser de ces vendus qui prennent notre terre pour un champ de bataille qu’ils se sont appropriés, faute d’hommes d’état dignes et patriotes qui regardent leur pays brûlé sans moufter, intérêts personnels obligent. Le peuple n’est pas en reste. Lui qu’on a pris la peine de déplumer avant de le passer à la trappe pour être consommé à bas prix.

    Sissi zayyat

    11 h 05, le 26 avril 2024

  • "… mourir pour ses idées ne prouve pas qu’elles soient bonnes …" - surtout quand c’est les idées des autres…

    Gros Gnon

    09 h 49, le 26 avril 2024

  • Beau travail, merci !

    F. Oscar

    08 h 17, le 26 avril 2024

  • Une description on ne peut mieux de la sitation dramatique de notre pays. Attendons nous à subir encore de nouveaux coups.

    Goraieb Nada

    07 h 47, le 26 avril 2024

  • Un rappeur, dont le nom m’échappe pour l’instant, a déclamé : ""ALORS, MOURIR POUR SES IDÉES"" ""Ne prouve pas qu’elles soient bonnes"". MOURIR DE SON SANG VIDÉ Sous des obus pesant une tonne. OU BIEN D’UN DRONE TÉLÉGUIDÉ À peine lancé, boum, il détonne, QU’ON ENTEND D’ICI À WASHINGTON…

    Nabil

    00 h 57, le 26 avril 2024

  • ""Trop facile : mourir pour ses idées ne prouve pas qu’elles soient bonnes"". Ou bien comme dit Georges Brassens, l'autre maitre spirituel : "MOURIR POUR DES IDEES, C'EST BIEN BEAU MAIS LESQUELLES ?"

    Nabil

    00 h 37, le 26 avril 2024

  • """"…Samovar du Hamas"""", ouais, ouais, c’est plein de sens ! S’il vit heureux pour l’instant, il vit caché dans un tunnel, attendant la mort ou l’annonce d’une prochaine victoire...

    Nabil

    00 h 25, le 26 avril 2024

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