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Nos Lecteurs ont la Parole

La terre, le monde, l’humanité et moi !

La terre, le monde, l’humanité et moi !

Aaref Watad/AFP

Alep, lundi 6 février 2023, 3h20. Comme lors de n’importe quelle nuit normale, il n’y a pas d’histoire à raconter. Partout la ville dort. Le temps est glacial. Les Alépins sont chez eux, sans courant, sans grands ou petits moyens pour se réchauffer, sans rien, juste des couvertures, un sommeil, des rêves, et c’est déjà bien.

À Alep, en banlieue, comme ailleurs en Syrie, la terre tremble. Brutalement, quiétude et sérénité se transforment en perte et deuil, malheur et douleur. C’est le cataclysme, l’effondrement. L’impitoyable fatalité frappe encore pour ajouter souffrance et désespérance, affliction et désolation, à cette ville déjà mutilée, blessée et déchirée. La terre gronde, elle se déchaîne. Les cieux pleurent, des milliers de sinistrés effarés se retrouvent dans la rue, sans abri, sans courant, sans grands ni petits moyens pour affronter la situation. Ils ont abandonné leur sommeil, leurs couvertures et leurs rêves aussi. lls sont misérables et démunis.

Sur les champs de ruines, sans grands ou petits moyens, ils se battent pour sauver des rescapés : de grands bras pour soulever de grosses pierres, des lueurs d’espoir pour trouver des survivants et cette foi qui leur donne des ailes et la force pour résister. Leur détresse épouse leur misère, leur stupeur embrasse leur torpeur dans cette froide et longue nuit noire à crever. Ils crient, ils hurlent, ils se cherchent, ils gémissent, mais ils prient aussi. Le désastre prend place, une odieuse catastrophe est née.

Ils appellent, ils implorent, ils pressent l’humanité pour secourir un peuple dévasté. Un jour, deux jours, trois peut-être, mais les bienveillants, les tout-puissants sont affairés ailleurs, ailleurs dans un monde où ils ont plus d’intérêts, ailleurs où leurs sales guerres sont menées, ailleurs où sonnent les canons, où résonnent les mortiers, ailleurs où les victimes ne sont plus comptées, ailleurs où on conclut des marchés intéressés, où les prix sont lâchement monnayés, où la cruauté finit par l’emporter.

Entre-temps, à Alep, on s’organise. Couvents, mosquées, stades et paliers ouvrent leurs portes aux victimes, par milliers : des blessés, des mutilés, des éclopés, des choqués, des traumatisés, des abîmés. On s’organise avec les moyens du bord : Alep cassée par tant d’années de répression, de condamnation et de sanctions peine à respirer. Mais c’est ainsi décidé, le peuple doit payer le prix de sa captivité ou de sa liberté.

Le peuple ruiné doit quémander et implorer une aide humanitaire qui sera négociée, doit supplier pour que les sanctions internationales soient levées. On le prend en pitié, comme on prendrait en pitié un bétail sans défense, que l’on traînerait à l’abattoir pour qu’il soit égorgé. Égorgé pour que les puissants puissent davantage manger…

Le peuple endeuillé doit se relever pour continuer… Avec le temps, il sera encore plus cassé, abîmé, éclaté. Il se tournera encore vers l’humanité…

Mais que reste-t-il de l’humanité ?

Des portraits des tout-puissants ? Leurs faux slogans ? Des courses folles à l’armement ?

Que reste-t-il de leurs organisations, de leurs élans, de leurs engagements et de leurs serments ? Que reste-t-il de leurs discours, de leurs alliances et de leurs coalitions ? Que reste-t-il de leurs tendres sourires, de leurs mots magiques et de leurs allocutions ? Que reste-t-il de leur conscience, de leur bienveillance, de leurs obligeances ?

Des pensées fanées, des messages désuets ? Des tambours, des canons et des mortiers ? Des malveillances, des désobligeances, de la violence ? De l’inconscience ?

Que reste-t-il de l’humanité ? Dites-le-moi…


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « Courrier » n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, « L’Orient-Le Jour » offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires, ni injurieux, ni racistes.

Alep, lundi 6 février 2023, 3h20. Comme lors de n’importe quelle nuit normale, il n’y a pas d’histoire à raconter. Partout la ville dort. Le temps est glacial. Les Alépins sont chez eux, sans courant, sans grands ou petits moyens pour se réchauffer, sans rien, juste des couvertures, un sommeil, des rêves, et c’est déjà bien. À Alep, en banlieue, comme ailleurs en Syrie, la terre...
commentaires (1)

Très triste j’ai lu dans des journaux occidentaux que Bachar el Assad ne voulait pas d’aide , il voulait laisser son peuple mourir .

Eleni Caridopoulou

02 h 08, le 22 février 2023

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Commentaires (1)

  • Très triste j’ai lu dans des journaux occidentaux que Bachar el Assad ne voulait pas d’aide , il voulait laisser son peuple mourir .

    Eleni Caridopoulou

    02 h 08, le 22 février 2023

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