
Le juge Souheil Abboud entouré de nouveaux juges venant de prêter serment, au Palais de Justice de Beyrouth, le 18 novembre 2022. Photo fournie par le Conseil supérieur de la magistrature
Le président du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), Souheil Abboud, a affirmé vendredi que la justice au Liban est dans une situation "difficile et critique", et que les ingérences politiques provoquent le "chaos judiciaire" actuel, lors de la prestation de serment de 34 nouveaux juges au palais de justice de Beyrouth.
Dans un discours prononcé à cette occasion, le juge Abboud a également déploré "l'absence d'une loi sur l'indépendance du pouvoir judiciaire". Il a accusé le pouvoir politique de "mettre la main sur la justice, ce qui entrave le travail dans les tribunaux et provoque un chaos judiciaire".
M. Abboud a également évoqué les nominations judiciaires bloquées par le pouvoir politique, et réclamé une Inspection judiciaire active et efficace. "Pas de justice indépendante sans permutations judiciaires (...) Le pouvoir politique a entravé ces permutations sous divers prétextes", a-t-il dit. Le projet de permutations judiciaires est bloqué depuis 2020, après que l'ex-président Michel Aoun a refusé de le signer.
Le chef du CSM est par ailleurs revenu sur les salaires du secteur judiciaire et a défendu les revendications des juges, dont une majorité sont en grève depuis des mois, et demandé le rééquipement des palais de justice. "Les juges ne seraient pas en grève si on avait écouté leurs demandes. Nous tendons la main à l'Executif et au Législatif pour remédier à cette situation, car nous n'avons pas le luxe du temps", a-t-il encore dit.
L'Etat libanais étant en plein effondrement, une grande partie des infrastructures publiques, y compris les palais de justice, ne peuvent pas être entretenues et sont devenues insalubres. Certains magistrats avaient indiqué devoir payer eux-mêmes leurs fournitures de bureau, tandis que leurs bureaux et les salles d'audience ne sont pas éclairées, faute d'électricité.
Le président du CSM est la cible directe depuis plusieurs semaines d’une campagne orchestrée par le camp de l'ex-président Michel Aoun, afin de le faire plier dans le dossier de la désignation d'un juge suppléant au juge d’instruction près la Cour de justice Tarek Bitar, chargé de l’enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, bloquée par les nombreux recours présentés contre le magistrat par des responsables mis en cause. "Il n'y a pas de justice indépendante sans poursuite de l'enquête sur les explosions du port", a déclaré M. Abboud à ce sujet vendredi.
Le ministre sortant de la Justice, Henri Khoury, qui est proche du Courant patriotique libre (CPL, aouniste) avait proposé au CSM de nommer un magistrat chargé de statuer sur les demandes de remise en liberté des détenus dans l’enquête sur la double explosion du 4 août 2020, alors même que le juge Bitar est toujours en poste. Parmi ces détenus figure l’ancien directeur des douanes Badri Daher, réputé proche lui aussi des milieux aounistes. Cette proposition a été rejetée par le juge Abboud.
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11 h 40, le 20 novembre 2022