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Nos Lecteurs ont la Parole

Une science pour fonder l’exigence de respect

Ce qu’apporte de fondamentalement nouveau la science d’aujourd’hui est la continuité entre le cosmos et nous. Depuis les particules apparues durant les premiers instants d’après le big bang jusqu’aux structures neuronales nous permettant l’exercice de l’intelligence, les processus élémentaires ont constamment modifié le monde réel en fonction des mêmes interactions entre les éléments en présence. L’attraction gravitationnelle, les forces électromagnétiques, les forces nucléaires, agissant de la même façon aujourd’hui qu’il y a quinze milliards d’années. Du moins est-ce là une hypothèse que rien, apparemment, ne permet de contredire. Certes, la diversité des aboutissements actuels du jeu de ces forces met en évidence l’introduction de l’aléatoire dans le déroulement des événements. Un caillou et un cerveau humain se situent à des niveaux incomparables de complexité. Ils sont pourtant l’aboutissement de deux histoires longues l’une et l’autre de quelques milliards d’années, qui ont eu le même point de départ, dont les étapes résultaient des mêmes règles du jeu, mais qui ont changé en de multiples occasions.

Tout dans notre Univers est « apparenté ». Comment alors prétendre être plus respectable que n’importe quel objet ? Un être humain est un agglomérat d’éléments. Pourquoi cet agglomérat – que ses éléments soient des organes, des cellules, des molécules, des atomes – serait-il plus respectable, plus inviolable qu’un autre ?

Il s’agit de trouver une frontière qui permette, sans trop d’arbitraire, de séparer l’être humain de l’ensemble cosmique qui l’a produit.

Cette frontière pourrait être la possibilité accordée à chacun de s’évader de ce cosmos en étant capable de le penser et, peu à peu, de le déchiffrer. C’est-à-dire de participer à la démarche scientifique. Cela peut paraître un rôle bien difficile à assumer pour cette activité. Mais que proposer d’autre ? Les arguments en faveur de cette fonction de la science ne manquent pas.

Il appartient que les membres de notre espèce sont les seuls capables de cette performance qu’est la construction collective de la connaissance. Ce qui nous distingue des autres animaux ne nous est pas apporté par la nature, sous la forme d’une dotation génétique, mais nous est seulement autorisé par la nature. Celle-ci s’est conduite comme une mère analphabète qui, sans comprendre la portée de son geste, offre une encyclopédie à son enfant. Un jour vient où, aidé par ceux qu’il rencontre, il parvient, comme Champollion avec la pierre de Rosette, à la déchiffrer, à découvrir du sens derrière les mots, à construire sa vision du monde, notamment sa vision de la partie du monde la plus énigmatique : lui-même.

Ainsi apparaît la conscience, flèche dont le point de départ et le point d’aboutissement sont confondus.

La spécificité humaine ne résulte donc pas de la forme de tel organe ou de la structure de telle protéine. Elle réside dans la capacité à construire une personne à partir de l’individu produit par la nature. Or cette construction ne peut progresser que grâce à la rencontre des autres.

Nous constatons ici un retournement de la flèche causale : la communauté humaine a été faite par les hommes, mais chaque homme devient lui-même grâce à son immersion dans cette communauté. Une « boucle de rétroaction » s’est mise en place : les individus ont créé la société des hommes, cette société les a transformés en personnes.

Ce constat que nous propose maintenant la réflexion scientifique avait été anticipé par des affirmations dont le rapprochement peut sembler inattendu. Ainsi, au dix-neuvième siècle, cette réflexion de Karl Marx : « L’essence de l’humanité n’est pas une abstraction inhérente à l’individu pris à part. Dans sa réalité, elle est l’ensemble des rapports sociaux », ou, il y a plus de deux mille ans, celle de Jésus : « Lorsque vous serez réunis, je serai parmi vous. » La signification est la même : c’est l’appartenance à l’humanité qui nous rend homme.

Cette évidence débouche sur la mise en place d’une société où les « autres » ne sont jamais considérés comme des obstacles, mais toujours comme des sources.

La morale que l’on peut construire sur cette base n’a rien de « naturel ». Elle n’est pas pour autant arbitraire et peut devenir universelle, puisque développée en référence à la science, qui est universelle. Elle peut entraîner une adhésion collective face aux difficultés de nos sociétés. Cette adhésion ne pourra être obtenue que par la mise en place d’une nouvelle forme de démocratie, la démocratie de l’éthique.

Pour la construire, le meilleur moteur est l’émerveillement, à condition, de ne pas se tromper d’objet. Nous devons être surpris par notre propre présence. Oui, le cosmos m’émerveille, sans fin il me dévoile ses trésors, mais c’est mon regard sur eux qui le magnifie. Le véritable prodige est que je sois capable de le contempler. C’est ma présence au cœur de cette existence qui donnera sa beauté au ciel bleuté de nos rêves et aspirations.

Entrons dans la science, dansons, tournons, valsons, pour bien fonder l’exigence de respect et devenir un être capable d’admirer la quiétude du crépuscule, de s’enivrer de la beauté des roses, de s’émouvoir d’un regard. Inventons le langage de la science, car être scientifique, c’est oser tutoyer l’Univers !

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique Courrier n’engagent que leurs auteurs. Dans cet espace, L’Orient-Le Jour offre à ses lecteurs l’opportunité d’exprimer leurs idées, leurs commentaires et leurs réflexions sur divers sujets, à condition que les propos ne soient ni diffamatoires ni injurieux ni racistes.

Ce qu’apporte de fondamentalement nouveau la science d’aujourd’hui est la continuité entre le cosmos et nous. Depuis les particules apparues durant les premiers instants d’après le big bang jusqu’aux structures neuronales nous permettant l’exercice de l’intelligence, les processus élémentaires ont constamment modifié le monde réel en fonction des mêmes interactions entre les...

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