Frontière maritime : le Liban et Israël sur la voie d'un accord "historique"

Après d'intenses négociations sous l'égide des Etats-Unis, Israël a annoncé mardi avoir conclu un accord "historique" avec le Liban pour délimiter leur frontière maritime et lever des obstacles clés à l'exploitation de gisements gaziers en Méditerranée orientale. Le Liban a pour sa part espéré mardi que l'accord serait "annoncé au plus tôt".

Après ces annonces, le président américain Joe Biden a félicité par téléphone Michel Aoun pour la conclusion de ces négociations, menées depuis deux ans avec une médiation américaine entre les deux voisins, officiellement en état de guerre.

Les deux pays avaient signifié début octobre leur satisfaction à un projet d'accord du médiateur américain Amos Hochstein. Mais jeudi dernier, Israël avait douché les espoirs en refusant une série d'amendements libanais au projet d'accord. Des négociations en coulisses s'étaient alors poursuivies, jusqu'à ce Israël indique mardi avoir reçu une réponse favorable à ses préoccupations sur les demandes d'amendements libanais.

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Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a dès lors annoncé dans un communiqué un accord "historique" sur ce dossier. Il "va renforcer la sécurité d'Israël, injecter des milliards (d'euros) dans l'économie israélienne et assurer la stabilité de notre frontière nord (avec le Liban)", a-t-il ajouté, précisant qu'une réunion de son cabinet de sécurité était prévue mercredi sur cet "accord conclu" à l'issue d'une médiation américaine. "Toutes nos demandes ont été acceptées", avait déclaré plus tôt Eyal Hulata, conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre.

Au Liban, le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab, principal négociateur libanais, a rencontré en matinée le président Michel Aoun au palais de Baabda pour lui remettre le projet final officiel. La présidence libanaise a indiqué que cette version était "satisfaisante" pour le Liban et "répond aux demandes du Liban et préserve son droit à ses richesses naturelles", espérant que l'accord serait "annoncé au plus tôt". Cette annonce survient à 20 jours de la fin du mandat du président Michel Aoun, qui expire le 31 octobre.

Et dans la soirée, après s'être entretenu avec le président libanais, le Premier ministre sortant Nagib Mikati a remercié "l'équipe libanaise qui a aidé dans l'étude de l'accord ainsi que l'administration américaine et le président français Emmanuel Macron en particulier, pour ce qu'ils ont fait avec Total". "Il a été convenu de commencer les étapes d'exploitation immédiatement après l'accord final", a-t-il ajouté. 

"Feu vert" du Hezbollah

Au niveau israélien, le ministre israélien de la Sécurité publique Omer Bar Lev a pour sa part commenté que "le Hezbollah, qui fait partie du Parlement libanais, est conscient de la situation économique catastrophique du Liban et il a un intérêt à ce que le Liban puisse exploiter du gaz". 

Deux sources libanaises, l'une officielle, et l'autre issue du Hezbollah, ont indiqué à Reuters que le parti chiite a donne son "feu vert" à l'accord en question, considérant que les négociations "sont finies".

De son côté, le ministre israélien de la Défense, le général Benny Gantz, a affirmé, selon des propos rapportés par le quotidien Jerusalem Post que son pays "est intéressé à avoir un voisin libanais stable et prospère". Bien que le Hezbollah ait donné son feu vert à l'accord, Gantz a accusé "l'organisation terroriste" d'avoir essayé "de détruire le processus". Le ministre a aussi a promis que l'accord serait présenté au public israélien de manière transparente et claire, et a fait valoir qu'il était "juste et positif pour les deux parties". "Nous n'avons pas fait et ne ferons pas de compromis sur un seul millimètre qui est essentiel pour notre sécurité", a-t-il également déclaré. Nous continuerons à protéger nos intérêts de sécurité dans n'importe quel scénario et à assurer la sécurité des citoyens d'Israël" , a-t-il ajouté.

L'ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, a par contre estimé que la proposition de résolution est une "capitulation historique", répétant sa menace de ne pas honorer l'accord s'il retourne au pouvoir à l'issue des législatives prévues le 1er novembre dans l'Etat hébreu. 

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Mardi, des responsables israéliens ont indiqué que l'accord allait être présenté au Parlement, sans fournir de date précise.

"Compensations"

Selon des informations de presse et des responsables, le texte prévoit que le gisement offshore de Karish soit sous contrôle d'Israël et que les réserves de Cana, situées plus au nord-est, soient octroyées au Liban. Mais comme une partie de ce gisement dépasse la future ligne de démarcation, l'Etat hébreu toucherait une part des futurs revenus de l'exploitation gazière de Cana, d'après ces sources.

Dans un contexte où l'Union européenne cherche à diversifier ses approvisionnements en gaz en raison de l'invasion russe de l'Ukraine, Israël mise sur le gisement de Karish, prêt à entrer en production, pour doper ses livraisons de gaz vers le Vieux continent.

Or dimanche, la société Energean, mandatée pour exploiter ce gisement, a annoncé le début de tests pour raccorder sa plateforme gazière offshore au territoire israélien, une étape clé pour le début de la production.

En juillet, le Premier ministre israélien Yaïr Lapid avait évoqué ce dossier avec le président français Emmanuel Macron, espérant voir Paris user de son influence pour faciliter un accord avec Beyrouth, d'autant que le français Total est pressenti pour explorer le gisement de Cana.

Mais contrairement à Karish, ce gisement est encore loin de pouvoir être activé et doit faire l'objet de plus de prospection pour en déterminer les ressources gazières récupérables.

L'un des principaux négociateurs libanais dans ce dossier, le vice-président du Parlement, Elias Bou Saab, a assuré mardi qu'il y avait eu "un accord entre Total et les Israéliens" en vertu duquel ces derniers pourraient "recevoir des compensations" du géant énergétique et non du Liban.

Dans ce cadre, le directeur Moyen-Orient et Afrique du Nord de la branche Exploration-Production de TotalEnergies, Laurent Vivier, est arrivé mardi au Liban, d'après l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).

Après une réunion au Grand Sérail entre la délégation de TotalEnergies et le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, le chef du gouvernement sortant a demandé au groupe français d'entamer "immédiatement" le forage d'exploration dans ses eaux. "Les questions d'ordre logistique requièrent du temps, mais les travaux commenceront immédiatement", a déclaré pour sa part le ministre sortant de l'Energie Walid Fayad, qui assistait à la réunion.