L’atmosphère a changé du tout au tout en quelques heures. Le Liban s’est réveillé jeudi avec la conviction que l’accord pour la délimitation de la frontière maritime avec Israël était quasiment acté. Le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, s’est même félicité dans la matinée que ce succès diplomatique allait permettre « d’éviter une nouvelle guerre dans la région ». Dans la soirée, ce risque paraissait pourtant à nouveau bien réel, le ministre israélien de la Défense, Benny Gantz, appelant l’armée à se préparer à une possible escalade dans le Nord.
Que s’est-il passé entre-temps ? Le couperet est tombé aux alentours de midi. Le Premier ministre israélien Yaïr Lapid a « ordonné à l’équipe de négociateurs de rejeter les amendements libanais » à la proposition du médiateur américain Amos Hochstein. Ces amendements étaient pourtant présentés mardi comme des « détails » par le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab, mandaté par le président de la République Michel Aoun de suivre les négociations. A-t-il voulu minimiser leur importance pour ne pas avoir l’air de faire de la surenchère ou bien est-ce la partie israélienne qui en exagère la gravité pour des questions internes ? À vrai dire, un peu des deux.
Ce sont effectivement des détails – les deux parties étant d’accord sur l’essentiel du deal – mais qui ont leur importance, d’autant plus à quelques semaines des élections législatives en Israël. La proposition d’Amos Hochstein accorde au Liban une zone délimitée par la ligne 23 – sa revendication officielle – mais qui inclut en plus le champ de Cana dont une partie déborde vers le Sud. Dans le cadre de ces négociations, la majorité des concessions a été faite par Israël, ce qui a valu à Yaïr Lapid d’être accusé par son rival, Benjamin Netanyahu, « d’avoir entièrement plié face aux menaces de Hassan Nasrallah ». « Dans la pratique, nous avons obtenu tout ce que nous avions demandé », disait encore Élias Bou Saab mardi soir. Pour les Israéliens, la priorité est de pouvoir commencer l’extraction du gaz dans le champ de Karish sans risque d’escalade. Le Hezbollah a en effet menacé à plusieurs reprises de mener une opération militaire contre le site si les opérations d’extractions débutaient avant que le Liban ne puisse en faire de même dans sa zone économique exclusive.
Un « simple détail »
L’Etat hébreu a aussi posé une autre condition : celle que l’accord tienne compte de la « ligne des bouées », qui s’étend sur 6 kilomètres à partir de Ras Naqoura et qui avait été mise en place par Israël après son retrait du Liban-Sud en 2000. Pour Israël, cela relève d’une importance stratégique. Selon le site Axios, Amos Hochstein a confié aux responsables libanais durant les négociations qu’Israël était prêt à négocier sur beaucoup de choses mais pas sur l’emplacement de « la ligne des bouées ».
Dans la proposition du médiateur américain, la frontière délimitant les ZEE des deux pays suit le tracé de la ligne des bouées sur 6 kilomètres avant de rejoindre la ligne 23. Dans ses amendements, le Liban a toutefois refusé de reconnaître cette ligne, imposée par un pays ennemi. Pour le pays du Cèdre, la question est plus politique et symbolique que stratégique. « C’est le Hezbollah qui a demandé à ce que cette modification soit faite », explique une source impliquée dans les tractations, qui a requis l’anonymat en raison de la sensibilité du dossier. Selon les médias israéliens, le Liban a demandé à modifier le texte qui se référait à la ligne des bouées en utilisant le terme « statu quo » par le terme « de facto ». Ce simple « détail » semble avoir été perçu par la partie israélienne comme une volonté de remettre ultérieurement en question l’existence de cette ligne.
Ces deux mots ont-ils fait capoter à eux seuls les négociations ? Si le sujet est stratégique pour Israël, le contexte politique, à la veille de nouvelles élections, a probablement eu un impact sur la décision du Premier ministre israélien. Face à la menace d’une victoire de Benjamin Netanyahu, Yaïr Lapid ne pouvait probablement pas se permettre d’avoir l’air de faire des concessions sur ce qui est présenté comme relevant de la sécurité d’Israël.
Risque d’escalade
L’accord est-il désormais tombé à l’eau ? Côté libanais, on minimisait hier les risques d’un retour à la case départ. Élias Bou Saab a assuré à l’agence Reuters être en contact « toutes les heures » avec Amos Hochstein pour tenter de trouver des solutions. « L’accord est prêt « à 90 % », mais les 10 % restants « seront décisifs », a-t-il dit. Le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, également impliqué dans les négociations, a de son côté déclaré à l’agence russe Spoutnik que la réponse israélienne « ne nous concerne pas ». « Nous attendons que le médiateur américain assume ses responsabilités », a-t-il ajouté.
Côté israélien, l’ambiance est beaucoup plus alarmiste. « Nous avions clairement fait savoir aux Libanais que nous ne ferions pas de compromis sur les points les plus importants, et ils ont décidé maintenant de faire des changements substantiels que nous ne pouvons accepter », a dit hier un responsable israélien au journal Haaretz. Plus important, un responsable israélien, s’exprimant au nom du Premier ministre, a fait savoir hier qu’« Israël produira du gaz depuis le champ de Karish dès que ce sera possible ». « Si le Hezbollah ou qui que ce soit d’autre tente de causer des dommages au champ de Karish ou de nous menacer, les négociations sur la frontière maritime cesseront immédiatement », a-t-il ajouté. Benny Gantz est ensuite allé plus loin en déclarant que le Liban « paierait un lourd tribut militaire » en cas de tentative d’attaque du Hezbollah contre les intérêts israéliens.
Est-il encore possible de stopper l’escalade ? Plusieurs données poussent à répondre par l’affirmative. Les négociations ne sont pas rompues et les États-Unis continuent de jouer les médiateurs entre les deux parties. Washington a fait pression sur le gouvernement Lapid dans ce dossier pour qu’il fasse des concessions afin de parvenir un accord qui stabiliserait la région, du point de vue des Américains. Les deux pays ont intérêt, pour des raisons économiques, à trouver un accord au plus vite, et ni le Hezbollah ni Israël ne semblent vouloir déclencher une nouvelle guerre. Le parti chiite semble être enclin à conclure un accord, mais ne veut surtout pas que celui-ci soit perçu comme un prélude à une normalisation. Cela explique pourquoi, parmi les amendements libanais, figure également une demande que ne soit pas mentionnées dans le texte les « compensations financières » accordées à Israël concernant la partie du champ de Cana qui se trouve dans la zone contestée.
Dans ce contexte, le litige sur la question de la ligne des bouées ne sera pas évident à résoudre. « Le Hezbollah ne veut pas en entendre parler », affirme la source impliquée dans les négociations, citée plus haut. Et Israël ne semble pas non plus prêt à faire des concessions sur le sujet. Les négociations pourraient être gelées, au moins jusqu’aux élections israéliennes, le 1er novembre prochain. Sur la scène libanaise, cela voudrait dire que Michel Aoun ne pourrait pas présenter l’accord comme l’un des grands succès de son mandat, qui se termine le 31 octobre courant. Si aucun compromis n’est trouvé à court et moyen terme, le risque d’une escalade devrait augmenter. Israël ne peut pas retarder indéfiniment le début des travaux d’extraction du gaz du champ Karish. Et le Hezbollah a promis d’agir en conséquence.
commentaires (21)
BON CELA SUFFIT COMME CELA POUVEZ VOUS DIRE POURQUOI LE LIBAN NE FAIT PAS COMME LES EMIRATS OU L'EGYPTE OU LA JORDANIE ET D'AUTRES PAYS ARABES UN ACCORD DE PAIX DEFINITIFS AVEC ISRAEL? CES REGIONS QUE NASRALLAH VEUT DEFENDRE , LA SYRIE LES CONSIDERE SYRIENNE ET A TOUJOURS REFUSER DE LES DECLARER LIBANAISES DONC POURQUOI NOUS INSISTONS ? ELLES ONT ETE PRISE EN 1967 A LA SYRIE ET LE LIBAN N'A PAS PARTICIPE A CETTE GUERRE HEUREUSEMENT LA VERITE: QUEL CANDIDAT A LA PRESIDENCE METTERA DANS SON PROJET UNE PAIX FINALE AVEC ISRAEL AVEC CERTAINES GARANTIES ET DEFINITION TOTALE DES FRONTIERES TERRESTRES ? LE RESULTA SERA DES MILLIONS DE TOURISTES ISRAELIENS QUI VISITERONT LE LIBAN ET QUI FERONT RENTRER DES MILLIARDS DE DOLLARS A L'ECONOMIE ET AU PEUPLE ET LA FIN DE LA NECESSITE DE LA FORCE MILITAIRE ILLEGALE DE HEZBOLLAH QUI DEVRA SE CONVERTIR A DEVENIR CIVILE TOUS LES DEPUTES DIGNE DE REPRESENTER LE MEILLEUR POUR LE PEUPLE DEVRAIT VOTER POUR CE PRESIDENT QUI, AVEC CETTE RESOLUTION, REMETTRA LE LIBAN EN MOINS DE QUELQUES ANNEES A SON APOGEE ET TOUS LES DEPOSANTS SERONT REMBOURSES JUSQU'AU DERNIER CENT QUI DIT MIEUX???
LA VERITE
16 h 23, le 11 octobre 2022