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Économie - Initiative

Covoiturage : « bala benzine » à l’épreuve du marché local

Si le concept de covoiturage, malgré les multiples tentatives, n’a jamais vraiment conquis les utilisateurs au Liban, les deux cofondateurs pensent que les circonstances actuelles jouent en leur faveur.

Covoiturage : « bala benzine » à l’épreuve du marché local

Durant le week-end, Joe Achkar (photo) et Julia Khouri ont arpenté les rues de la capitale pour distribuer les tracts annonçant le lancement de leur nouvelle application de covoiturage « bala benzine ». Photo DR

C’est le dernier week-end d’un mois d’août ensoleillé mais plutôt venteux au Liban. Pendant que les touristes envahissent une fois de plus les plages du pays avec pour seule préoccupation de parfaire leur bronzage avant la rentrée, Julia Khouri et Joe Achkar entreprennent d’arpenter les rues de plusieurs quartiers de Beyrouth – Clemenceau, Hamra, Gemmayzé et Mar Mikhaël – et de la très prisée ville côtière de Batroun (Liban-Nord).

Munis de tracts qu’ils remettent à tous les commerçants et les badauds qu’ils croisent, ils espèrent ainsi faire connaître au plus grand nombre l’application mobile qu’ils ont fondée, « bala benzine ». Lancée il y a à peine quelques jours, cette plateforme ambitionne de réunir sous une même bannière tous les conducteurs et les passagers qui cherchent à faire du covoiturage, avec un rayonnement plus large que les quelques groupes qui s’organisent dans certaines sociétés, sur les réseaux sociaux ou encore les applications de messagerie instantanée.

Dans les prochains jours, Julia, Joe et leurs amis continueront de faire campagne dans d’autres localités du pays comme Tripoli et Chekka au Liban-Nord, Byblos dans le caza éponyme, Beit Chabab et Bickfaya dans le Metn, Saïda et Tyr au Liban-Sud.

Un nouveau bénévole

Initialement programmé pour fin octobre 2021, le lancement de bala benzine a finalement dû être reporté à cause de problèmes techniques. « La plateforme était prête dans les délais, mais son imposante taille de téléchargement et la quantité importantes de données mobiles qu’elle consommait faisait qu’elle n’était pas vraiment adaptée au marché libanais », raconte Julia Khouri.

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À l’époque, ce sont trois bénévoles étrangers – que Joe connaît via son emploi en France – qui étaient en charge du développement et du déploiement de l’application. Se sentant peu enclins à abuser de la bonne volonté des volontaires travaillant avec eux et compte tenu du fait qu’ils n’étaient pas en mesure de s’engager sur le long terme pour faire les ajustements et les modifications nécessaires, Julia et Joe décident alors de retarder le lancement. Quelques semaines plus tard, en décembre, ils sont contactés via le réseau LinkedIn par Amine Alameddine, un développeur libanais récemment installé en France et prêt à les aider. « Comme Amine connaît très bien le marché local, sa contribution a été très précieuse. Nous avons alors décidé de suivre ses conseils et de reprendre à zéro pour concevoir une application au format beaucoup plus léger et qui soit moins gourmande en données mobiles », explique Joe.

Disponible en trois langues (arabe, français et anglais), la plateforme compte déjà plusieurs conducteurs qui offrent des places dans leur véhicule. Pour s’inscrire et valider leur inscription, ces derniers doivent enregistrer leur numéro de téléphone et leur plaque d’immatriculation, sans oublier d’envoyer une photo de profil, pour plus de sécurité. Au niveau opérationnel, bala benzine n’a pas abandonné ses principes fondateurs de solidarité entre les personnes et d’utilisation gratuite de l’application, de sorte à jouer un rôle d’agrégateur entre offreurs et demandeurs de place, optimisant les chances de mise en relation entre eux.

Si le concept de covoiturage, malgré les multiples tentatives, n’a jamais vraiment conquis les utilisateurs au Liban, les deux cofondateurs pensent que les circonstances actuelles – flambée mondiale des prix des carburants, crise économique au Liban et levée progressive des subventions sur l’essence – jouent en leur faveur. « Nous voulons principalement cibler les individus qui effectuent le même trajet presque quotidiennement pour se rendre à leur travail ou à l’université, précise Julia. Par conséquent, notre prochaine étape consistera à contacter les grandes entreprises privées, les groupes industriels, les ministères et institutions publiques et les universités. »

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« Outre l’objectif de réduire la consommation d’essence et des véhicules circulant sur les routes, nous voulons aussi offrir à certaines personnes l’opportunité de pouvoir se déplacer plus régulièrement, alors qu’une partie conséquente de la population a été obligée de réduire ses déplacements pour diminuer ses dépenses », indique Joe.

Levée de fonds

En ce qui concerne les conducteurs, le duo de cofondateurs estime que le covoiturage leur offrirait aussi plusieurs avantages : se répartir les coûts, faire des rencontres et faire preuve de solidarité pour offrir un service utile dans un pays en plein effondrement économique.

C’est d’ailleurs ce sentiment-là qui les a poussés tous les deux à se lancer dans ce projet, il y a près d’un an. De retour au Liban pour les vacances, « comme chaque été, nous avons été choqués de voir à quel point la situation s’était dégradée. Nous avons alors décidé qu’il était temps de faire quelque chose pour le Liban, même si nous vivons à l’étranger », explique Joe, directeur des opérations du site JeVeuxAider.gouv.fr, la plus grande plateforme française de volontariat public.

Cette mission, ils la mènent alors à trois (Amine inclus) parallèlement à leur travail, pendant leur temps libre et sans aucune compensation. « Parfois c’était des soirées entières et des week-ends qui étaient dédiés au développement de bala benzine », se rappelle Julia, responsable du développement des partenaires au sein de la société Oracle. Pour continuer sur leur lancée, ils comptent réactiver leur campagne de financement participatif lancée l’année dernière, et suite à laquelle ils avaient réussi à lever plus de 3 300 euros. « Nous n’avons d’ailleurs prélevé aucun sou de cette enveloppe », tient à préciser Joe, pour qui le montant levé devrait plutôt contribuer à payer les frais de fonctionnement de l’application si elle est rapidement adoptée.

Quant à la prochaine étape, le duo attend de voir la façon dont le public adoptera son application pour en décider. « Nous envisageons d’effectuer prochainement une levée de fonds en démarchant plusieurs organisations sociales qui pourraient être intéressées, dans l’objectif de pérenniser et de développer bala benzine », poursuit-il. Dans ce cas, l’équipe recrutera plusieurs personnes qui seront chargées d’assurer le suivi avec les utilisateurs, de continuer à faire connaître la plateforme au niveau local et de développer de nouvelles fonctionnalités.

Mais in fine, « au-delà de tout le développement et des objectifs fixés, ce qui serait vraiment cool c’est d’entendre quelqu’un dans la rue dire qu’il a utilisé bala benzine et qu’il a trouvé ça génial, et que par conséquent on ait réussi à faciliter la vie d’une personne au moins », résume enfin Joe.

L’application est disponible à partir de ce lien : www.balabenzine.app

C’est le dernier week-end d’un mois d’août ensoleillé mais plutôt venteux au Liban. Pendant que les touristes envahissent une fois de plus les plages du pays avec pour seule préoccupation de parfaire leur bronzage avant la rentrée, Julia Khouri et Joe Achkar entreprennent d’arpenter les rues de plusieurs quartiers de Beyrouth – Clemenceau, Hamra, Gemmayzé et Mar Mikhaël – et de...

commentaires (5)

Sympa. Seulement ils oublient l’individualisme et l’orgueil démesuré des libanais. Comme acheter une voiture luxueuse usagée au lieu d’une voiture neuve modeste

Lecteur excédé par la censure

21 h 49, le 30 août 2022

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Commentaires (5)

  • Sympa. Seulement ils oublient l’individualisme et l’orgueil démesuré des libanais. Comme acheter une voiture luxueuse usagée au lieu d’une voiture neuve modeste

    Lecteur excédé par la censure

    21 h 49, le 30 août 2022

  • La plateforme de covoiturage : « bala benzine » au Liban marchera à condition que l'inscription sera réservée aux personnes qui ne s'infiltrent pas pour d'autres objectifs que pour se transporter en partageant les coûts en gardant leurs propres véhicules au chômage.

    DAMMOUS Hanna

    14 h 26, le 30 août 2022

  • Bravo, j'espère que leur projet réussira !

    Cabbabe Nayla

    12 h 54, le 30 août 2022

  • C’est le bon vieux "service" mais sans payer la taxe de plaque rouge…

    Gros Gnon

    09 h 31, le 30 août 2022

  • Est ce une option sûre au Liban?

    C EL K

    06 h 36, le 30 août 2022

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