Le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah a estimé vendredi que les dossiers des négociations sur le nucléaire iranien et celles concernant la délimitation de la frontière maritime entre le Liban et Israël ne sont pas liés, alors que les regards sont actuellement braqués sur Vienne, où ont repris des pourparlers qui semblent se diriger vers une réactivation de l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, malgré quelques réserves. En ce qui concerne le litige frontalier avec Israël, le leader chiite a une nouvelle fois souligné la nécessité pour le Liban d'obtenir ses droits en vue d'éviter une "escalade". Il s'est par ailleurs abstenu de commenter l'agression contre l'auteur britannique Salman Rushdie, qui a été poignardé à plusieurs reprises il y a une semaine à New York par un homme d'origine libanaise, Hadi Matar.
Calme ou escalade
"Les regards au Liban doivent se porter sur le champ de Karish et la frontière, et non pas sur Vienne", a estimé Hassan Nasrallah dans son discours, pointant du doigt l'émissaire américain Amos Hochstein qui, selon lui, "continue de perdre un temps de plus en plus serré". "La frontière maritime, le champ de Karish, le pétrole et le gaz ainsi que les droits du Liban ne sont pas liés à l'accord sur le nucléaire", a affirmé le dignitaire chiite. Ces propos interviennent alors que la République islamique a envoyé il y a quelques jours ses commentaires sur le texte préparé par les négociateurs européens peu avant le délai accordé par Bruxelles. Un jet final considéré comme la tentative de la dernière chance. "Si ce qui est revendiqué par l'État libanais lui est accordé, nous nous dirigeons vers le calme, que l'accord sur le nucléaire soit signé ou pas", a affirmé le leader chiite. "Si le Liban n'obtient pas ses droits, nous nous dirigeons vers l'escalade", a-t-il une nouvelle fois mis en garde.
Depuis l'arrivée début juin d'une plateforme gazière dans le champ gazier de Karish au large d'Israël, les tensions se sont ravivées entre la formation pro-iranienne et l'Etat hébreu, parallèlement à une médiation entre Beyrouth et Tel-Aviv sur le tracé de la frontière maritime menée par Washington. Hassan Nasrallah, qui intervient unilatéralement dans cette affaire, a menacé à plusieurs reprises d'une guerre, et l'État hébreu y a répondu également par des menaces. Le Hezbollah n'a toutefois jamais donné de précisions sur ce qu'il considérerait comme un tracé acceptable de la frontière.
Amos Hochstein était revenu à Beyrouth au début du mois avant de se rendre directement à Tel-Aviv. Alors que les responsables semblaient optimistes quant à une résolution de ce litige d'ici septembre, un report du début des extractions du champ Karish semble être envisagé côté israélien, afin d’éviter une escalade, à condition que les négociations se poursuivent. L’accord pourrait ainsi être repoussé à après la fin du mandat du président libanais Michel Aoun (en octobre), mais aussi après les élections législatives en Israël, qui doivent se tenir en novembre.
Gouvernement et dollar douanier
Sur la scène locale, le chef du Hezbollah a une nouvelle fois souligné la nécessité de poursuivre les efforts afin de former le nouveau gouvernement, saluant l'activité effectuée au cours des derniers jours pour cette fin.
Les tractations semblent en effet avoir repris cette semaine à la faveur d'une réunion mercredi entre le chef de l'Etat Michel Aoun et le Premier ministre désigné Nagib Mikati, dont le cabinet sortant gère les affaires courantes depuis le 22 mai. Ces discussions interviennent alors que l'échéance pour l'élection d'un nouveau chef de l'Etat par les députés doit commencer dans moins de deux semaines, le 31 août. Hassan Nasrallah s'est abstenu d'évoquer dans son discours l'échéance présidentielle.
Revenant sur l'adoption du taux de 20.000 LL pour le dollar douanier, une possibilité envisagée par le gouvernement, Hassan Nasrallah a estimé qu'il s'agit d'un "grand saut nuisible et inapproprié" pour les Libanais, alors que plus des trois quarts de la population vivent aujourd'hui sous le seuil de pauvreté. Il a appelé à ce que les répercussions d'une telle décision soient correctement étudiées.
Le gouvernement sortant s’est accordé mardi, lors d'une réunion informelle au Grand Sérail, pour laisser le ministre sortant des Finances Youssef Khalil modifier le taux du "dollar douanier" en accord avec le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé. Celui-ci demeure jusque-là fixé au taux officiel de 1.507,5 LL contre un billet vert, alors que la livre libanaise s'échange à plus de 33.000 actuellement contre le dollar sur le marché parallèle.
L'affaire Salman Rushdie
Sur le plan régional, le chef du Hezbollah s'est abstenu de commenter l'agression contre Salman Rushdie qui a été poignardé vendredi dernier lors d'une conférence dans l'Etat de New York. "Cet incident est très important, mais nous ne le commenterons pas pour l'instant parce nous avons toujours besoin de certains données et détails", s'est-il contenté de dire. "Lorsque la situation sera clarifiée, il est certain que nous fixerons notre position sur cet incident important", a-t-il souligné.
Salman Rushdie fait l'objet d'une fatwa lancée depuis l'Iran en 1989 par l'ayatollah Ruhollah Khomeiny, qui avait appelé au meurtre de l'écrivain. Son livre "Les Versets sataniques" avait été jugé blasphématoire. Après la fatwa, le Hezbollah, supplétif de Téhéran, avait également appelé à la mort de M. Rushdie. A l'époque, lors d'une manifestation drainant des milliers de partisans, Hassan Nasrallah, qui avait 29 ans, avait déclaré que "Rushdie et ceux qui ont publié son œuvre satanique seront exécutés". L'Iran a démenti lundi toute implication dans l'attaque de vendredi, faisant porter la responsabilité à Salman Rushdie lui-même.
Je suis passablement constipé ces derniers temps, donc les discours du barbu me sont bénéfiques, je dois l’avouer.
13 h 02, le 20 août 2022