
Hanaa Khaled, jeune victime de féminicide, avant et après le drame qui lui a coûté la vie. Photo tirée des réseaux sociaux
« Hanaa est décédée. » C’est par ces mots que l’oncle de Hanaa Khaled, jeune femme brûlée vive il y a une dizaine de jours par son époux, a annoncé la nouvelle à L’Orient-Le Jour, avant de raccrocher, incapable de poursuivre la conversation. Atteinte de brûlures au troisième degré, Hanaa, 21 ans, mère de deux enfants et enceinte au moment de la terrible agression, a finalement succombé à ses blessures à l’hôpital al-Salam à Tripoli, après avoir perdu l’enfant qu’elle portait.
Pendant ce temps, c’est une autre mère de famille originaire du Akkar, Ghinwa Alawi, qui a failli perdre la vie après des années de violence domestique. Ghinwa, mère de trois enfants, a tenté de mettre fin à ses jours dimanche dernier. Quelques jours plus tôt, son mari avait entrepris de la battre et de l’humilier tout en filmant la scène. Il avait ensuite envoyé la vidéo à sa belle-famille.
Avec ces incidents d’une sauvagerie insoutenable, c’est bien un degré de violence « inédit » qui vient d’être atteint au Liban, dénoncent des associations féministes. « Hanaa a été brûlée vive car elle était enceinte et que son mari ne voulait pas garder l’enfant », explique Leila Awada, avocate de l’association Kafa qui milite pour la protection des femmes. « Ghinwa, elle, a tenté de mettre fin à ses jours après des années d’humiliation. Elle a été sauvée, mais elle a passé plusieurs jours dans un état d’amnésie, à cause du choc. Elle ne se souvenait pas du tout de ce qui s’était passé. Ce n’est qu’hier qu’elle a commencé à recouvrer la mémoire. Elle est actuellement suivie par un thérapeute », poursuit-elle.
Il y a quelques jours, c’est une autre femme originaire du Akkar, Nabila Aidan, 35 ans et mère de quatre enfants, qui a été emmenée à l’hôpital par son mari plusieurs heures après sa mort, rapporte la militante Alia Awada sur son compte Twitter. « Le mari a appelé la famille de son épouse pour leur annoncer qu’elle était décédée et leur demander de le retrouver à l’hôpital. Il est en fuite depuis », a-t-elle écrit.
Ghinwa Alawi a été filmée par son mari pendant qu’il la battait et l’humiliait. La jeune femme a récemment tenté de mettre fin à ses jours. Capture d’écran
Les femmes, victimes de la crise
Pour Leila Awada, la multiplication des féminicides et des cas de violence domestique est une conséquence directe de la détérioration de la situation économique et sociale du pays. « Les femmes sont les premières à payer le prix en ces temps de crise. La violence est exacerbée et les femmes sont le maillon faible », analyse-t-elle. Elle appelle les autorités « à tirer la sonnette d’alarme ». « Quand on en arrive à l’immolation par le feu, cela veut dire que la violence était déjà installée au sein du couple. Il faut encourager les femmes à s’exprimer et à dénoncer la violence dès le début. Sauf que la grève des fonctionnaires et des juges complique le suivi des dossiers. Ce qui fait que nous avons du mal à avancer au niveau de la protection de certaines victimes », ajoute-t-elle.
« On assiste à l’émergence de comportements inédits depuis que la crise économique, politique et sociale s’est envenimée », reconnaît pour sa part Ghida Anani, directrice de l’ONG Abaad. « On n’a jamais vu au Liban un cas aussi extrême que celui de Hanaa, brûlée vive. Quant à Ghinwa, elle va avoir besoin de temps pour se remettre de ces années de maltraitance », ajoute-t-elle.
Contacté par L’Orient-Le Jour, un responsable au sein des Forces de sécurité intérieure (FSI) assure que la police a rapidement arrêté les époux de Hanaa et de Ghinwa. « Ces hommes-là ont été interceptés le jour-même. Nous ne tolérons aucun laxisme au niveau sécuritaire et nous sommes sur le terrain en permanence », assure ce responsable. « Nous sommes désolés d’apprendre ce genre d’incidents tragiques. Il s’agit d’un sujet très délicat. Nous assurons le suivi de ce genre de dossiers avec des policiers formés », ajoute-t-il. Ce responsable rappelle que la ligne 1745 des FSI est à la disposition des personnes victimes de violence domestique. Il affirme ne pas disposer de chiffres sur l’augmentation de ces cas de violence.
Appliquer la loi
Pour contrer cette tendance qui va crescendo, les associations féministes appellent à une application ferme de la loi. « Les lois pour la protection de la femme existent, il faut les appliquer de manière stricte. Malheureusement, l’effondrement de l’État et le manque de moyens qui en découle ne nous facilitent pas la tâche », souligne Ghida Anani. Leila Awada appelle aussi à « appliquer la loi sévèrement pour freiner ce genre d’agissements ». Elle affirme avoir remarqué une augmentation sans précédent de la violence domestique, désormais largement répandue. « D’habitude, en août, les cas de violence domestiques étaient moins fréquents. Ces cas augmentaient en général en septembre, à cause de la pression due à la rentrée. Sauf que dernièrement, nous recevons en permanence des femmes victimes de violence domestique », soupire-t-elle. Quant à la violence dénoncée par les féministes, elle n’est pas le seul fait des époux. « Certaines sont violentées par leurs pères ou leurs frères. Nous avons de nombreux cas de femmes non mariées qui nous contactent car elles sont victimes d’hommes de la famille », révèle Leila Awada.
« Hanaa est décédée. » C’est par ces mots que l’oncle de Hanaa Khaled, jeune femme brûlée vive il y a une dizaine de jours par son époux, a annoncé la nouvelle à L’Orient-Le Jour, avant de raccrocher, incapable de poursuivre la conversation. Atteinte de brûlures au troisième degré, Hanaa, 21 ans, mère de deux enfants et enceinte au moment de la terrible agression, a...
commentaires (14)
Tout est possible dans un pays où le mariage civil n'est pas admis, où les mariages forcés sont reconnus et où les crimes d'honneur sont excusés.
Politiquement incorrect(e)
14 h 06, le 19 août 2022