Orangez le monde ! Arrêtez la violence contre les femmes, maintenant! Comme chaque année à la même période, ONU Femmes s’habille d’orange ce 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes. Comme chaque année, les États, associations féministes et militants multiplient les campagnes durant les 16 prochains jours et jusqu’au 10 décembre, histoire de rappeler au monde de prendre des mesures concrètes pour les droits des femmes et pour un futur égalitaire. En ces temps de Covid-19, il est urgent de mettre en exergue l’impact négatif de la pandémie sur la sécurité des femmes. Selon une étude de l’organisation onusienne menée dans 13 pays, une femme sur deux a rapporté avoir expérimenté une forme de violence depuis la pandémie de Covid-19 ou connaître une victime de violence. Et le quart des femmes interviewées ont reconnu se sentir moins en sécurité à la maison, vu la hausse des conflits existant au sein des ménages depuis la crise sanitaire.
Les associations confrontées à l’urgence
Le Liban ne fait pas exception à la règle. Selon les chiffres des Forces de sécurité intérieure, 1 184 plaintes ont été déposées via le numéro d’urgence 1745 auprès de l’institution en 2021 jusqu’au mois de novembre, dont 1 056 pour abus physiques et 677 pour abus de la part d’un époux ou d’un partenaire intime. Rien que l’association féministe Abaad a reçu quelque 314 appels par mois en 2021 pour une demande d’assistance d’urgence ou pour rapporter des violences basées sur le genre. Mais au niveau des cas de violence, les informations sont bien maigres, mis à part les témoignages recueillis ici ou là, ou des cas qui ont défrayé la chronique.
Selon Abaad, 8 féminicides ont été répertoriés en 2021 par la presse jusqu’à ce jour. En revanche, aucun chiffre officiel n’est disponible, ni même la moindre estimation. Pire encore, en cette journée de revendication pour les femmes, l’État est aux abonnés absents.
Alors que le pays s’enfonce dans une crise politique, économique, financière, sanitaire et sociale aggravée par la pandémie et l’explosion au port de Beyrouth le 4 août 2020, les associations féministes doivent aujourd’hui parer au plus pressé : apporter une assistance d’urgence aux femmes du Liban vulnérabilisées par cette avalanche de difficultés. Ces associations sont en effet tellement sollicitées sur le plan humanitaire qu’elles ont gelé pour l’instant toute revendication liée aux droits des femmes et toute pression pour changer des lois discriminatoires, plus particulièrement liées au statut personnel et à la famille. « Nous nous contentons de répondre aux besoins pressants des femmes. Car en ces temps de crise, elles subissent davantage de violences, déplore Hayat Mirshad, directrice de l’association Fe-Male. Cela nous oblige à dévier de notre trajectoire, ce qui ne peut que faire reculer la lutte pour l’égalité (des genres). » La militante évoque les violences domestiques, en milieu professionnel ou sur la Toile, qui prennent la forme d’abus physiques, psychiques, sexuels, électroniques. Une violence sanitaire aussi, qui se traduit par « la grande précarité menstruelle des femmes » à laquelle il faut apporter une réponse. Sans oublier « un taux de chômage féminin en augmentation dramatique (70 %) », dans un contexte d’appauvrissement de la population et d’effondrement de la monnaie nationale qui s’échangeait cette semaine autour de 23 000 LL le dollar.
Le recul des questions féminines
Tous les indicateurs sont aujourd’hui au rouge pour les Libanaises. En pleine déliquescence de l’État, leurs droits ne sont pas prioritaires. « Nous assistons à un recul des questions féminines. Or la violence contre les femmes est directement liée à l’absence d’une loi civile sur le statut personnel et au maintien de lois communautaires discriminatoires envers les femmes », regrette Zoya Jureidini Rouhana, fondatrice et directrice de l’ONG Kafa (Enough) Violence and Exploitation, dénonçant des lois communautaires machistes qui, au nom de Dieu, autorisent encore le mariage des mineures. « Il n’y a qu’à observer la légèreté avec laquelle les autorités gèrent ces questions, depuis la déclaration ministérielle qui a évité de s’engager pour les femmes jusqu’à la question des quotas féminins aux législatives récemment escamotée par le Parlement, sans oublier les récents propos sexistes du Premier ministre Nagib Mikati, stigmatisant les femmes divorcées », constate-t-elle.
Le Liban avait pourtant montré ces deux dernières années une volonté même faible de faire évoluer la situation féminine. Fin 2020, une loi contre le harcèlement sexuel a été adoptée. Quoique imparfaite, c’était une première, destinée notamment à améliorer l’accès des femmes au monde professionnel. À la même date, était amendée la loi de 2014 sur la violence domestique, jugée trop timorée par les militantes. Un an plus tôt, en septembre 2019, le gouvernement adoptait son premier Plan d’action national (PAN), conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité de l’ONU sur les femmes, actrices de la paix et de la sécurité.
Depuis, plus rien. Même ces engagements ont fait pschitt. « L’obstacle politique est majeur », commente Mme Rouhana. Un obstacle tel que « tout est violence aujourd’hui envers les femmes du Liban, à commencer par les lois sexistes », s’insurge Claudine Aoun Roukoz, présidente de la Commission nationale pour la femme libanaise. « La Libanaise mariée à un étranger ne peut toujours pas transmettre sa nationalité à sa famille. Et les lois sur le statut personnel sont discriminatoires envers la femme en cas de divorce, sur la garde des enfants ou la compensation financière notamment », précise-t-elle. Quant au sort réservé aux quotas féminins, « il est inacceptable », gronde celle qui s’était démenée pour l’adoption du PAN. Inacceptable parce que « le plan d’action de la résolution 1325 avait concédé à la Libanaise un quota de 20 % en politique », et qu’avec l’effondrement de l’État, tous ces acquis sont balayés car les priorités sont ailleurs. « Nous, les femmes du Liban, ne sommes pas prioritaires et ne l’avons jamais été, résume la fille du chef de l’État. Nous sommes reléguées au dernier rang, comme toujours. »
96 % des femmes ne portent pas plainte
Cette absence de priorité est flagrante dans la réticence des femmes à rapporter la violence dont elles sont victimes. Selon une étude menée par l’association féministe Abaad, « 96 % des femmes et des filles du Liban qui ont subi des violences domestiques ont avoué ne les avoir jamais rapportées ». En ces temps de crise aiguë, la réponse la plus fréquente est que « ce n’est pas le moment ». « La femme au Liban se trouve face à un dilemme. La priorité alimentaire de sa famille est plus importante que son propre besoin de protection lorsque sa vie est en danger », observe Ghida Anani, directrice d’Abaad. « Trois femmes sur cinq ont d’ailleurs avoué que les défis économiques constituent à l’heure actuelle leur combat le plus important », révèle l’étude de l’ONG, dans le cadre de la campagne lancée à l’occasion de la quinzaine d’activisme initiée par ONU Femmes. Outre la mentalité machiste qui blâme les femmes, les victimes de violence font face à un manque criant d’infrastructure pour le dépôt d’une plainte. « D’une part, les victimes sont stigmatisées. D’autre part, elles ne peuvent compter sur aucune ligne d’urgence pour demander conseil », souligne la responsable. Et si malgré cela elles sont déterminées à porter plainte, leur démarche est entravée par les coûts exorbitants, « 100 dollars pour un médecin légiste en cas de violence, 200 dollars en cas de violences sexuelles, sans oublier le coût des transports, désormais prohibitif », note Mme Anani.
Autant de raisons pour lesquelles la société civile se dit déterminée à expliquer aux autorités et aux Libanais que les droits des femmes sont largement prioritaires et ne sauraient être reportés, pour quelque raison que ce soit. Durant les 16 prochains jours, les féministes de Fe-Male défendront les droits des travailleuses domestiques migrantes, celles d’Abaad rappelleront qu’il est « Toujours le moment » de se pencher sur les droits des femmes, et celles de Kafa réclameront un code civil pour le statut personnel. Parmi tant d’autres, certes. Convaincront-elles le Liban officiel ?
Comment au 21ième siècles peut-on agresser une femme, qui est à l’origine de notre existence. Je l’ai déjà dit et le répèterai sans arrêt, la femme est : notre grand-mère, mère, femme, fille, petite fille cousine, amie etc… Oser toucher un cheveu d’une femme c’est porter atteinte à l’humanité entière. Je suis horrifié, scandalisé, dégouté, écoeuré, contre le comportement de lâches qui battent une femme quelques soit sa parenté ou son statut avec l’agresseur. Rien n’excuse la violence en général et, spécifiquement contre une femme et une personne mineure. Manifester le refus de ces agressions un laps de temps pour rappeler au monde son opposition à ce geste infâme ne suffit pas. Il faudrait faire évoluer les mentalités et la loi, pour abolir cet état de fait qui gangrène la société. Quand je pense que lors de mon mariage avec mon épouse le religieux qui nous a unis, a précisé que l’homme est chef de Famille etc…c’est à partir de là que le bat blesse. En quel honneur l’homme est-il chef de famille, puisque la responsabilité est commune ! pour faire évoluer ces mentalités machistes faut peut-être commencer par la religion. Puisqu’un imminant cheikh d’Al Azhar a dit : le Coran dit, si ta femme ne t’obéit pas FRAPPE-là. Rien que ça !!! sans vouloir critiquer aucune religion. Je trouve ignoble de s’en prendre à plus faible que soi et surtout à une femme, un/e mineure, et/ou une personne handicapée. Le courage consiste, à maitriser sa violence lors de la remontée d’adrénaline.
21 h 30, le 26 novembre 2021