
Le Premier ministre libanais désigné, Nagib Mikati (d), et le chef du Courant patriotique libre, le député Gebran Bassil. Photo d'archives Dalati et Nohra
Vingt-quatre heures à peine après une trêve d’un jour à l’occasion de la seconde commémoration de l’explosion du 4 août 2020, le Courant patriotique libre (CPL) du député aouniste Gebran Bassil a lancé vendredi une nouvelle offensive politique contre le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, sur fond de blocage gouvernemental.
Mercredi, le parti fondé par le chef de l’État, Michel Aoun, accusait le milliardaire tripolitain d’« entraver volontairement » la formation du cabinet qui se fait attendre depuis mai, à la suite des législatives, alors même que le mandat du président de la République s’achève le 31 octobre. Nagib Mikati avait rétorqué en accusant le parti orange d’« inventer des disputes et de camoufler la vérité à la fin du mandat » Aoun.
Vendredi, le département médias du CPL est allé plus loin, adoptant un ton clairement plus offensif. « Par respect pour les victimes (de l’explosion au port de Beyrouth), nous n’avons pas voulu hier (jeudi, date anniversaire de l’explosion) répondre au communiqué du Premier ministre désigné. Mais nous ne permettons pas à celui qui a tort de porter atteinte à la vérité, et au corrompu de s’en prendre à ceux qui luttent », a écrit le parti aouniste.
Celui-ci accuse une nouvelle fois M. Mikati de « refuser de former un gouvernement, disant à de nombreuses personnes que le temps est serré, que la formation du cabinet ne se fera pas et que, par conséquent, il n’y a pas besoin d’un nouveau gouvernement ».
« Tes avions et tes yachts »
« Vu que tu as décidé d’accuser le CPL de corruption, dis-nous qui tu es, toi dont le passé est chargé de corruption. Quel est le degré de votre représentativité populaire ? Quels sont tes accomplissements nationaux pour te permettre de t’en prendre à un parti qui lutte historiquement ? » demande la formation de M. Bassil. Elle accuse ensuite Nagib Mikati d’« avoir passé des années à conclure des deals et à encaisser des commissions ». « Tu as bâti ton parcours politique en faisant plaisir aux puissances étrangères (...) et fait de la corruption un mode de vie », accuse le CPL.
Le CPL revient ensuite longuement sur la carrière du Premier ministre dans le secteur des télécoms et, plus largement, dans celui des marchés publics et des banques, l’accusant également de corruption dans ce domaine. « En toute impertinence, tu débarques avec tes avions privés et tes yachts pour accuser le CPL de corruption », s’insurge-t-il. « Tu n’as même pas osé te porter candidat (aux législatives de mai dernier) et tu n’as pas réussi à faire élire un seul député. Celui qui t’a prêté l’habit de la légitimité peut te le retirer à tout moment », lance enfin le parti aouniste en apostrophant Nagib Mikati.
Mikati répond
La riposte du Premier ministre désigné n’a pas tardé. Dans un communiqué publié par son bureau de presse, M. Mikati a affirmé que « le parti de la déformation des vérités est déconnecté des gens ». « Notre réponse sera concise, une bonne fois pour toutes, afin d’empêcher tout chantage politique (...). La teneur du communiqué du CPL se retourne contre ses auteurs. Et comme le dicton dit qu’il ne faut pas s’acharner sur les morts, nous n’allons pas nous acharner sur le CPL », écrit le bureau de Mikati, qui rappelle que Gebran Bassil fait l’objet de sanctions « internationales (américaines, NDLR) pour des actes de corruption qualifiés ».
En soirée, le CPL a publié un nouveau communiqué dans lequel il accuse Mikati en substance d’avoir mentionné les sanctions américaines contre Bassil, en les appelant « internationales », parce qu’il n’avait rien d’autre à lui reprocher et qu’il « ne peut pas répondre aux faits qui lui sont reprochés ». Selon le texte, c’est Mikati qui aurait peur des sanctions, « ce qui explique son refus d’accepter les offres iraniennes de pourvoir le Liban en fuel ». « Celui qui doit sa fortune à la corruption ne sera jamais un homme d’État », conclut le communiqué du CPL.
Si la course à la présidentielle bat son plein, le délai pour l'élection d'un nouveau chef de l'État commençant à la fin de ce mois d'août, la question de la formation d'un nouveau gouvernement pour succéder à celui de M. Mikati semble, elle, enterrée. Depuis le 22 mai dernier, le gouvernement est chargé d'expédier les affaires courantes, et les tractations sont au point mort après un imbroglio entre MM. Mikati et Aoun, le premier ayant présenté une mouture qui n'a pas satisfait le second, au lendemain des consultations parlementaires non contraignantes du 29 juin dernier. «Il faudra un miracle pour que le gouvernement soit formé », avait ainsi estimé la semaine dernière le président du Parlement, Nabih Berry.
Gebran Bassil est considéré comme un candidat potentiel à l'élection présidentielle, mais il maintient le flou à ce sujet et reconnaît à demi-mot qu'il pourrait avoir des difficultés à être élu, notamment en raison des sanctions américaines. Il affirme cependant avoir son mot à dire concernant d'autres candidats.
Vingt-quatre heures à peine après une trêve d’un jour à l’occasion de la seconde commémoration de l’explosion du 4 août 2020, le Courant patriotique libre (CPL) du député aouniste Gebran Bassil a lancé vendredi une nouvelle offensive politique contre le Premier ministre désigné, Nagib Mikati, sur fond de blocage gouvernemental.Mercredi, le parti fondé par le chef de l’État,...
commentaires (12)
The scorched earth strategy of Mr. Bassil will not gain him any friends and will further alienate his foes. Mr. Bassil knows that his political career is fading and he can no longer wield the political power he currently has once his father in law is out of the Presidential palace. From here on, his trajectory can only be downhill.
Mireille Kang
08 h 21, le 07 août 2022