Rechercher
Rechercher

Culture - Expositions

À Beiteddine, le pari gagnant de Saleh Barakat

Au palais de Beiteddine et en marge du festival 2022, Saleh Barakat présente trois événements : « Les oubliés de Beiteddine », une étonnante collection de dessins et de peintures des XIXe et XXe siècles, « Sculptures at the Court », un hommage aux grands sculpteurs libanais disparus, ainsi que plus de 200 œuvres pour honorer la nature.

À Beiteddine, le pari gagnant de Saleh Barakat

Une vue de l’exposition dans les galeries voûtées du palais de Beiteddine. Photo DR

Consciente que le Festival de Beiteddine, depuis sa création, draine un public enthousiaste et œuvre comme une dynamique économique importante dans la région, Nora Joumblatt a décidé, cette année, de faire les choses différemment.

Elle a rendu gratuit l’accès du festival afin de permettre à tous les Libanais, paralysés par la crise économique, de s’octroyer un moment de plaisir, ce dernier étant devenu un luxe inaccessible.

En sus de cette décision, elle s’est adressée à Saleh Barakat, grand galeriste libanais, pour mettre en place une idée novatrice au sein de ce festival. Le palais de Beiteddine offrira cette année au public trois installations sous l’intitulé : Les oubliés de Beiteddine, Sculptures at the Court (Sculptures à la cour) et Tabi3é, mech tabi3é (Naturel, pas naturel).

Quand le passé rejoint le présent

« J’ai beaucoup cogité, confie le galeriste, pour réaliser une exposition qui faisait sens. Il m’est d’abord venu à l’esprit de dénoncer la violence que subit la nature en général et l’espèce animale en particulier au Liban ; la mise à mort systématique des oiseaux lors de leur passage au-dessus du territoire libanais dans leur parcours de Madagascar jusqu’en Pologne était mon point de départ, les forêts que l’on brûlait et les arbres que l’on abattait. Ginane Makki Bacho, artiste rebelle et engagée, mais aussi femme de passion, avec ses forêts brûlées, Hassan Samad, qui a répertorié 23 espèces d’oiseaux tués chaque année, Tagreed Darghouth et ses troncs sectionnés, et Jack Dabaghian et son combat pour les cèdres du Liban étaient les artistes qui répondaient bien à ce projet. » « Mais, poursuit Saleh Barakat, pour ne pas ajouter de la détresse à la détresse des Libanais, j’ai décidé d’inverser le parcours du visiteur et de braquer d’abord les projecteurs sur la nature dans toute sa splendeur pour terminer la déambulation par un triste constat sur ce que le Liban est en train de faire avec ce que Dieu nous avait donné de plus beau. »

Lire aussi

Saleh Barakat, gardien de l’identité levantine

Le visiteur traversera les galeries du palais de Beiteddine pour admirer plus de 200 œuvres glorifiant la nature et arriver, en fin de parcours, à prendre conscience des dommages qu’elle subit dans notre pays. À l’entrée des galeries, Saleh Barakat a eu l’idée d’exposer la collection du palais. Complètement oubliée et dans un état lamentable, elle est rongée par l’humidité et la moisissure et délaissée par l’État. Ces toiles, à l’historique étrange, constitueront les Oubliés de Beiteddine. Le galeriste-curateur leur offre un écrin à la hauteur de leur valeur et expose ainsi 20 peintures muséales. Son ambition première était d’attirer l’attention du ministre de la Culture sortant, Mohammad Mortada, pour obtenir la restauration des toiles et leur octroyer une seconde vie. « Ma plus grande satisfaction est d’avoir réussi ce pari », confie-t-il. En effet, la décision a été prise par le ministre de la Culture de récupérer les œuvres et de les restaurer. Enfin, dans la cour, Saleh Barakat a décidé d’installer des pièces de grands sculpteurs disparus comme Saloua Raouda Choukair et des trois frères Basbous : Alfred, Michel et Joseph.

Des toiles « historiques » composent l’exposition « Les oubliés de Beiteddine ». Photo DR

L’art à portée de tous

La pédagogie et la médiation ont toujours été au cœur des problématiques artistiques de Saleh Barakat. Au-delà du simple fait d’organiser une exposition, ce dernier a d’abord été enchanté par l’idée d’investir un espace public. « Une œuvre peut exister dans une institution ou une galerie comme œuvre d’art, dit-il, mais parfois, si vous la transposez immédiatement dans un espace public, elle se lit différemment. Le contexte de l’espace public, du monde réel, est très différent de celui de l’institution ou de la galerie. L’art dans l’espace public, c’est aussi amener à un plus grand nombre la culture d’une époque, une culture à laquelle ce grand nombre n’a pas eu forcément accès. Il m’est arrivé durant l’accrochage d’assister au passage de plus d’une quarantaine de touristes qui s’arrêtaient par simple curiosité. À l’heure où tous les repères sont anéantis et où les références s’embrouillent, où le Liban sombre dans le chaos et perd son identité intrinsèque, la collaboration d’énergies et de savoirs est nécessaire pour redonner à la culture ses lettres de noblesse. L’art n’est pas réservé à un seul groupe. On ne peut pas rester dans son coin et œuvrer comme si on était dans un bunker isolé. Il faut réapprendre à se comporter en fonction de l’actualité et des contextes dans lesquels nous sommes », affirme le galeriste.

Lire aussi

Pour Saleh Barakat, aujourd’hui plus que jamais, « The Show Must Go On »

Investir un espace public constitue pour Saleh Barakat une démarche très intéressante. Il produit du mouvement dans des lieux, redonne vie et humanité en créant de l’imaginaire là où est la norme. Sa complexité en est la force, la générosité son moteur. « J’espère que les galeristes libanais seront ainsi inspirés et tentés de réitérer l’expérience, avoue-t-il. Pourquoi pas dans le palais présidentiel ou dans les ruines de Baalbeck ? J’aimerais tellement que l’art soit utile avant d’être simplement. » Au gré des déambulations du visiteur, les interventions artistiques marqueront les espaces, magnifieront ou transformeront les perceptions, mais attiseront aussi la curiosité de chacun, voire alimenteront le débat public. Ainsi, de façon plus ou moins explicite, l’art peut participer à la vie publique de l’espace qu’il investit. Comme un vecteur de dialogue.

Consciente que le Festival de Beiteddine, depuis sa création, draine un public enthousiaste et œuvre comme une dynamique économique importante dans la région, Nora Joumblatt a décidé, cette année, de faire les choses différemment.Elle a rendu gratuit l’accès du festival afin de permettre à tous les Libanais, paralysés par la crise économique, de s’octroyer un moment de plaisir, ce...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut