Place à la détente ? Après le discours belliqueux du secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, la semaine dernière, le ton baisse considérablement ces derniers jours du côté du parti de Dieu. Dans sa dernière intervention télévisée, le dignitaire chiite avait déclaré que son mouvement frapperait « Karish et bien au-delà » si Israël entamait l’exploitation de ses champs gaziers avant la résolution du litige sur la frontière maritime qui l’oppose au Liban. Il s’agissait de la première fois depuis plusieurs années que la formation chiite menaçait d’initier un conflit armé avec l’État hébreu. Ces propos intervenaient quelques jours après l’envoi par le parti de Dieu de drones de reconnaissance sur le champ gazier, une opération dont s’était désolidarisé le gouvernement sortant. Aujourd’hui, le Hezb semble engagé dans une volonté de désescalade, son chef estimant que le conflit armé n’est pas inévitable. « Nous ne sommes pas sûrs de nous diriger vers une guerre. Nous pourrions assister à un ciblage local et avoir une réponse adéquate », a-t-il indiqué plus récemment, selon des propos repris par le quotidien al-Akhbar. Quelques jours auparavant, c’est le chef du bloc parlementaire du Hezb qui tenait des propos allant dans le même sens : « Nous ne souhaitons pas la guerre, mais nous y sommes prêts et nous nous tenons en alerte. »
De Jérusalem à Djeddah
Au même moment où Hassan Nasrallah battait les tambours de la guerre dans son discours, le président américain Joe Biden et le Premier ministre israélien Yaïr Lapid signaient la « déclaration de Jérusalem » qui engage les deux pays à tout faire pour empêcher l’Iran d’obtenir l’arme nucléaire, quitte à recourir à la force. Trois jours plus tard, et dans la continuité de sa tournée régionale, le président Biden assistait au sommet américano-arabe de Djeddah, en Arabie saoudite, placé sous le thème de « la sécurité conjointe et du développement ». Or la déclaration publiée à la conclusion du sommet de Djeddah rompt avec le ton va-t-en-guerre de Jérusalem. Non seulement elle ne mentionne aucunement la création d’une OTAN arabe pour faire face à l’Iran, comme le spéculaient certains observateurs, mais elle tend aussi la main à Téhéran afin de coopérer sur les défis communs. « La presse arabe a fortement défiguré le sommet de Djeddah. Alors qu’il s’agit surtout d’une tentative américaine de dégeler les relations avec Riyad, beaucoup de commentateurs l’ont montré comme une tentative de construire une alliance anti-iranienne », explique Joseph Bahout, directeur de l’Institut Issam Farès à l’Université américaine de Beyrouth. Pour lui, le nouveau ton adopté par le Hezbollah s’inscrit dans une dynamique régionale qui tend vers la désescalade. « Il y a clairement une volonté de tolérance mutuelle chez les acteurs régionaux », explique-t-il. Kassem Kassir, un analyste réputé proche des cercles du parti de Dieu, nie pour sa part l’existence d’un lien entre les facteurs régionaux et la politique du Hezb. « Les déclarations du leadership du parti s’inscrivent uniquement dans le cadre du litige frontalier avec l’État hébreu. Le Hezbollah est attaché à nos ressources et considère qu’il s’agit d’une opportunité pour résoudre ce litige et sortir le Liban de sa crise », affirme-t-il.
L’optimisme prévaut
D’ailleurs, le dossier de la démarcation de la frontière maritime semble avoir atteint un stade avancé. Selon des informations obtenues par L’Orient-Le Jour, le médiateur américain chargé de suivre ce dossier Amos Hochstein pourrait avoir une réponse israélienne à la proposition libanaise – consistant à élargir la ligne 23 pour inclure la totalité du champ maritime de Cana dans l’espace maritime libanais – dans les dix jours qui viennent. Des sources du Hezbollah citées par notre chroniqueur politique Mounir Rabih écartent une volonté d’escalade de la part des Israéliens et des Américains. Dans les milieux du parti chiite, on estime que les drones envoyés sur Karish ainsi que les menaces de Hassan Nasrallah ont porté leurs fruits et ouvert la voie à une désescalade. Toujours selon Mounir Rabih, des sources militaires ont indiqué que le Hezbollah a mené à la frontière une démonstration de sa force militaire, parallèlement à l’envoi des drones, dans un message direct bien reçu par les Israéliens et les Américains. Les armes, dont des missiles de haute précision, ont par la suite été retirées, le Hezbollah jugeant que son but avait été atteint. Car si un accord est conclu avec Israël, le Hezbollah souhaite se l’approprier comme une victoire pour la « résistance », suppute Joseph Bahout. Si le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, a nié lors d’un point de presse mercredi soir qu’une visite de M. Hochstein à Beyrouth était imminente, il a toutefois félicité Israël et le Liban pour les percées importantes réalisées depuis le début des pourparlers indirects l’année dernière, et promis qu’« Amos Hochstein fera tout ce qu’il peut pour soutenir ce dialogue et le faire avancer ». Le médiateur américain, qui accompagnait Joe Biden dans sa tournée régionale la semaine dernière, s’était entretenu avec les responsables israéliens. Selon la presse israélienne, le Premier ministre Lapid a fait savoir à M. Hochstein que son pays souhaitait un accord « au plus vite ». À Beyrouth, c’est la même ambiance positive qui se dégage. Hier, le vice-président du Parlement, Élias Bou Saab, a affirmé que le dossier est « dans une phase de progrès », estimant que les trois prochaines semaines seront décisives. S’exprimant après une réunion des commissions parlementaires mixtes, il a fait état de « résultats positifs » après les discussions de M. Hochstein avec les deux parties, tout en soulignant la « position de force et non de faiblesse » du Liban.
commentaires (4)
en robe de chambre et pyjama sur le champ de bataille ..
OBEGI CHARLES
14 h 41, le 24 juillet 2022