Elle est vorace et velue et profite bien de certaines conditions climatiques comme de l’absence de ses traditionnels prédateurs. La chenille processionnaire du chêne (Lymantria dispar de son nom scientifique, à ne pas confondre avec sa cousine du pin) a frappé fort cette année en plusieurs régions du Liban. À son passage, nombreux sont les chênes qui ont troqué leur couleur verte pour du brun.
« L’attaque contre la forêt de chênes cette année était particulièrement virulente », reconnaît Nagib Hajj, président du conseil municipal de Mar Chaaya, dans le Metn. « Le pire est passé cependant, les arbres commencent à reverdir », ajoute-t-il. Le père Joseph Abdel Sater, supérieur du couvent de Mar Chaaya, s’est associé à la municipalité pour « lancer très tôt les contacts en vue de traiter ce ravageur qui menace la forêt ».
Mar Chaaya et le Metn en général ne sont qu’un exemple parmi beaucoup d’autres au Liban. Selon une source au ministère de l’Agriculture, le Kesrouan et la région de Batroun ont été particulièrement touchés cette saison. Toutefois, ajoute-t-elle, il est désormais trop tard pour intervenir contre la chenille, étant donné qu’elle est en fin de cycle et va bientôt se transformer en papillon. Ce que confirme Jean Stéphan, docteur en écologie des forêts à l’Université libanaise.
« Il ne sert à rien de se lancer dans des projets coûteux et peu rentables, puisque la chrysalide est désormais dans la terre et va se transformer en papillon, explique-t-il. C’est le stade larvaire qui est le plus dangereux, parce que les chenilles dévorent les feuilles de l’arbre pour se développer. Quand la chrysalide devient papillon, il faut surtout tenter d’empêcher la ponte afin d’éviter un autre cycle catastrophique. »
La source du ministère de l’Agriculture confirme l’impression du président du conseil municipal de Mar Chaaya sur la régénérescence des arbres, estimant que le phénomène n’est pas de nature à les tuer, à moins de se répéter de manière successive et sévère et de frapper les mêmes arbres plusieurs années de suite. La sévérité grandissante de ce phénomène n’en est pas moins inquiétante.
Quand la biomasse est abondante
Les causes de ce phénomène sont multiples et ont toutes à voir avec le déséquilibre au sein de la nature. Jean Stéphan évoque des causes climatiques ayant favorisé la sévérité des ravages en cette saison. « L’hiver était trop tardif, bien que rude, explique-t-il. Après un mois de mars anormalement froid et des neiges abondantes, le printemps a été particulièrement sec et les températures sont remontées rapidement. Dans ces conditions, la chenille a terminé son cycle très vite et attaqué les arbres tôt. » L’expert rappelle que par rapport aux températures référence des années 80 et 90, les températures de tous les mois, à l’exception de mars, étaient plus élevées que les moyennes saisonnières, ce qui a favorisé le développement de la chenille processionnaire.
L’autre cause principale du phénomène réside dans l’absence d’une gestion à proprement parler des forêts, où l’élagage n’est quasiment jamais pratiqué et où la biomasse est abondante… ce qui fait beaucoup de ressources pour l’insecte ravageur. Enfin, Jean Stéphan mentionne le déséquilibre dans la chaîne alimentaire, les prédateurs, particulièrement les espèces d’oiseaux, étant régulièrement décimés par la chasse non réglementée. « Quand les conditions sont réunies comme cette année, le cycle de la chenille donne lieu à des conséquences catastrophiques », dit-il.
Une lutte sur plusieurs cycles
La lutte contre une prolifération trop importante de la chenille du chêne, comme celle qu’on a constatée cette année, varie suivant les cycles. Ainsi, quand la chenille devient papillon en été ou au début de l’automne, les experts recommandent d’utiliser des pièges à phéromones qui distraient les mâles et empêchent la reproduction. « Cette méthode est surtout recommandée dans le cas d’un terrain limité, estime Jean Stéphan. Je vois mal comment on peut l’appliquer à toute une forêt, surtout qu’il y a peu d’activités économiques dans le milieu forestier au Liban qui pourraient aider à financer de tels projets de lutte. Dans le cas des forêts, la gestion est la meilleure des réponses. » À ce niveau, la source interrogée au ministère de l’Agriculture affirme qu’il est prévu d’accorder des permis d’élagage afin de créer un environnement moins propice à la chenille à son prochain cycle.
L’usage de pesticides est par ailleurs peu recommandé, d’autant plus qu’ils devraient être administrés par voie aérienne, ce qui rend l’opération coûteuse et dangereuse pour les abeilles, puisque l’effet ne fait que peu de distinction entre les insectes, souligne Jean Stéphan. Avant le stade de chenille, il existe cependant un produit biologique efficace qui ne cible que les papillons en épargnant les abeilles. Mais ce produit « n’étant pas disponible cette année au ministère, nous travaillons à nous le procurer », souligne la source précitée, qui ajoute qu’un pareil traitement n’est pas nécessaire chaque année.
De retour à Mar Chaaya, on se prépare à lutter efficacement contre la chenille à la saison prochaine. « Nous sommes en contact avec le ministère et les experts pour nous procurer les pièges à phéromones prochainement », indique Nagib Hajj. « C’est notre forêt, nous ne pouvons pas la regarder dépérir sans réagir », renchérit le père Abdel Sater.
commentaires (4)
Trois initiatives cruciales à prendre : 1. Bannir la chasse aux oiseaux. Ils se nourrissent de chenilles. 2. Bannir l'échange du bois des forêt pour éviter une propagation de ces chenilles. 3. Bannir et renvoyer du parlement tout député représentant ou sympathisant de ces chenilles pour collaboration avec Israël et les usa...
Wlek Sanferlou
14 h 38, le 29 juin 2022