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Culture - Essai

À quelles conditions les Libanais deviendront-ils un peuple ?

Le P. Paul Saadé s.j. analyse un Liban qui peine à s’arracher au monde du paraître pour entrer dans une alliance avec un pays qui est don.

À quelles conditions les Libanais deviendront-ils un peuple ?

Le prêtre et neurologue Paul Saadé s.j. Photo FN

Sommes-nous un peuple ou une populace ? Paul Saadé s.j., un philosophe jésuite libanais, a choisi de répondre à cette question par un essai interdisciplinaire, Le sujet, l’alliance et le Liban*, dans lequel il dit ce qu’est le Liban, la charge symbolique contenue dans ce « nom », ce qu’est le sujet, ce qu’est chaque Libanais et les conditions auxquelles il doit répondre pour que les rapports qu’il établit avec le Liban soient signe d’alliance.

Le dessin figurant sur la couverture de l’ouvrage révèle, sans mots, un peu de ce qui s’y trouve. Tracé par Nadine Roumiyé, on y discerne un champignon de fumée analogue à celui que l’explosion du nitrate d’ammonium a formé dans le ciel de Beyrouth le 4 août 2020. Mais il est possible d’y voir aussi, en y regardant de près, la silhouette d’un cèdre en feu. L’auteur a mis en exergue de son ouvrage, rédigé en arabe, une citation du prophète Isaïe : « Le Liban et ses splendeurs s’effondrent » (10:34).

On a pris l’habitude d’attribuer « l’effondrement » du Liban à des complots externes. En philosophe et en psychanalyste, Paul Saadé analyse les causes internes de cet « effondrement » et cherche à nous donner les outils conceptuels capables de nous sortir de « la tyrannie » d’un réel inachevé. Un exercice salutaire au sortir d’élections législatives où se voit, en filigrane, le désir collectif de ne plus être une masse, mais de devenir un peuple et une nation.

« La logique du livre, dit son auteur, part du fait que le Liban existe avant le sujet. Ses habitants vont et viennent. Le Liban demeure. Il est don de la nature, de la création. »

Mais de quel Liban parlons-nous ?

Du Liban géographie, du Liban État, du Liban mission ? Du Liban éternel ? « Je pars du nom d’abord, répond Paul Saadé. Ce nom a été donné. C’est un don appelé à être reçu par ses habitants, hommes et femmes, dans la succession des générations, et ce nom parle de lui-même. Il est une réalité sociologique, politique, humaine, écologique, mais aussi une réalité symbolique. Des sciences humaines dont je viens, et en particulier du champ psychanalytique, le symbole est plus fort que la réalité matérielle. Il unit le sujet au Liban. Ainsi, le sujet libanais naît dans ce pays qui lui est accordé comme don. Que va-t-il en faire ? Que va-t-il faire de ce don si riche, symboliquement, par son histoire et sa géographie, et surtout par sa symbolique. La montagne, le cèdre, la grandeur, la gloire, la blancheur de la neige font partie de cette symbolique. Il y a une manière particulière d’être et de vivre dans ce pays pour l’humanité entière. »

« Partant, ajoute l’auteur, on comprend mieux la notion d’alliance entre le sujet et le Liban. Le mot “alliance” peut aussi signifier promesse, témoignage, testament. J’utilise ce mot dans ses différentes déclinaisons symboliques. Dans le champ psychanalytique, on travaille sur les contradictions, la polysémie. Il n’y a pas de sens unique. Ce qui nous importe dans l’alliance, c’est l’engagement par serment qu’elle suppose. La langue arabe est très riche sur ce point-là, et l’expression n’a pas d’équivalent en français. Nous disons, en arabe, “kataa al-ahd”. Le verbe “kataa” signifie couper. Il y a une coupure entre ce qui est alliance, ce qui est “ahd” et ce qui ne l’est pas. Le diable – du mot “diabolos”, celui qui divise – utilise les mots de l’esprit pour les déformer et nous jeter dans la confusion, qui est encore pire que le mensonge ! »

Le magma crée la masse

« Tout ce qui est étranger au ahd est de l’ordre de la confusion et du mensonge, reprend l’essayiste. C’est ce que les Libanais appellent familièrement “ihtiyal alal kanoun”, ruser avec la loi et la contourner. C’est la “débrouillardise” bien libanaise, qui paraît être une intelligence mais qui plonge le Libanais dans la confusion et le magma. Or le magma crée une masse, une populace, pas un peuple. Et dans ce cas, tout s’effondre. Il y a là peut-être à trouver le secret et le mystère de cette tragédie que nous sommes en train de vivre. »

Il faut du courage pour publier un livre de philosophie en arabe. Paul Saadé est un neurologue devenu prêtre jésuite, non sans avoir enrichi son savoir dans le département de psychanalyse de l’Université de Montpellier III. « Je suis à cheval entre les sciences médicales et les sciences humaines, comme la psychanalyse est à cheval entre la psyché et le corps, dit-il. Nous pensons qu’il n’y a pas d’inconscient collectif, mais un surmoi collectif, qui peut engendrer une masse en fusion derrière un sauveur. Mais en réalité, il s’agit d’une masse informe qui se trouve liée par un imaginaire fantasmagorique collectif. Avant le sujet, il y a un “moi” qui est un leurre d’images qui n’ont de contact ni avec le réel ni avec le symbole. Mais le “moi” est-il une fatalité ? Certes, tous les Libanais ne peuvent s’arracher d’un coup au monde du paraître. Il faut espérer qu’une élite pourra le faire – je ne parle pas d’une aristocratie, mais des décideurs et de tous ceux qui sont prêts et capables de travailler sur eux-mêmes. »

*« Le sujet, l’alliance et le Liban » (« Al-zat, al-ahd wa Loubnan »), P. Paul Saadé s.j., Dar el-Machrek, 84 pages.

Sommes-nous un peuple ou une populace ? Paul Saadé s.j., un philosophe jésuite libanais, a choisi de répondre à cette question par un essai interdisciplinaire, Le sujet, l’alliance et le Liban*, dans lequel il dit ce qu’est le Liban, la charge symbolique contenue dans ce « nom », ce qu’est le sujet, ce qu’est chaque Libanais et les conditions auxquelles il doit répondre...

commentaires (3)

À quelles conditions les Libanais deviendront-ils un peuple ? La réponse est dans la question. Un peuple ça se respecte et ça mérite qu’on lui donne ses droits pour qu’à son tour il respecte les lois et les institutions. Dans notre pays le peuple n’existe pas, il est un moyen de se faire élire et les politiciens se rappellent à son souvenir juste avant les élections. Un peuple ne peut exister qu’en lui assurant un respect sans borne, une éducation, un logement, un travail honorablement rétribué, des soins médicaux et surtout une sécurité et un avenir pour ses enfants. De quel droit bénéficient les libanais dans tout ça? Il n’ont même pas d’eau ni d’électricité et pour couronner le tout ils ont été pillés par leurs politiciens et se retrouvent sur la paille avec des devoirs à accomplir et des factures à payer sans aucun revenu de n’importe quelle monnaie. De quel peuple on parle? C’est le martyr inconnu du monde entier. Aucun pays n’a autant souffert et cela ne date pas d’hier. N’empêche il continue de s’accommoder et il ne faut pas lui en vouloir s’il profite des occasions telles que les votations pour un peu exister et profiter de quelques sous qu’on lui a volé. Il a prouvé qu’il existe et existera pour toujours ne serait ce que pour voir tout ce monde vil et vendu derrière les barreaux. Pour qu’il y est un peuple il faut qu’il est un état et des droits.

Sissi zayyat

11 h 46, le 18 mai 2022

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Commentaires (3)

  • À quelles conditions les Libanais deviendront-ils un peuple ? La réponse est dans la question. Un peuple ça se respecte et ça mérite qu’on lui donne ses droits pour qu’à son tour il respecte les lois et les institutions. Dans notre pays le peuple n’existe pas, il est un moyen de se faire élire et les politiciens se rappellent à son souvenir juste avant les élections. Un peuple ne peut exister qu’en lui assurant un respect sans borne, une éducation, un logement, un travail honorablement rétribué, des soins médicaux et surtout une sécurité et un avenir pour ses enfants. De quel droit bénéficient les libanais dans tout ça? Il n’ont même pas d’eau ni d’électricité et pour couronner le tout ils ont été pillés par leurs politiciens et se retrouvent sur la paille avec des devoirs à accomplir et des factures à payer sans aucun revenu de n’importe quelle monnaie. De quel peuple on parle? C’est le martyr inconnu du monde entier. Aucun pays n’a autant souffert et cela ne date pas d’hier. N’empêche il continue de s’accommoder et il ne faut pas lui en vouloir s’il profite des occasions telles que les votations pour un peu exister et profiter de quelques sous qu’on lui a volé. Il a prouvé qu’il existe et existera pour toujours ne serait ce que pour voir tout ce monde vil et vendu derrière les barreaux. Pour qu’il y est un peuple il faut qu’il est un état et des droits.

    Sissi zayyat

    11 h 46, le 18 mai 2022

  • Dire que les libanais ne sont pas un peuple est complètement faux. La preuve: tout il n'y a aucun libanais qui niera que le Liban est son 'Kayan', qui doit être préservé. Malheureusement, le mot ne peut pas être traduit en français. Donc, parce que l'on ne peut pas traduire, alors on conclut que les libanais ne sont pas un peuple. Du Brésil au Zambèze en passant par New York, tous se sentent profondément libanais et mangent leur hommos. Parce qu'ils ont en commun leur 'Kayan'. Le Liban: une maison aux multiples demeures... C'est tout son charme, encore faut-il le comprendre...

    Mago1

    09 h 17, le 18 mai 2022

  • POUR LES UNS ILS SONT UN PEUPLE. POUR LES AUTRES LE CHEMIN EST LONG ET L,IMPOSSIBILITE LE FERME.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 13, le 18 mai 2022

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