Rechercher
Rechercher

Politique - Circonscriptions

Chouf-Aley : batailles classiques et thaoura en miettes

L’opposition issue du soulèvement d’octobre 2019 arrive en rangs dispersés dans la circonscription du Mont-Liban IV, pourtant des plus compétitives et où le seuil électoral est relativement bas. Décryptage.

Chouf-Aley : batailles classiques et thaoura en miettes

Taymour Joumblatt dépose un bulletin de vote à Moukhtara, au Chouf, lors des élections en 2018. Photo d’archives « L’OLJ »

Bis repetita ? En 2018, au dernier moment avant la finalisation des listes, les groupes de la société civile en lice au Mont-Liban IV (Chouf-Aley) s’étaient scindés en deux. Résultat, bien que ce soit la circonscription où le seuil électoral en pourcentage est le plus bas (7,7 %, soit 13 125 voix en 2018), aucune des deux listes n’avait réussi à franchir le cap, et donc à élire un député. Pourtant, leurs scores combinés frôlaient le seuil électoral. En vue du scrutin de mai, les groupes de la contestation du 17 octobre arrivent au champ de bataille en rangs encore plus dispersés, puisque ce sont 5 listes se revendiquant de la thaoura qui s’affrontent cette fois-ci, alors que les deux camps politiques traditionnels présents, à savoir le 8 et le 14 Mars, se sont agglomérés chacun sur une liste.

Les forces en présence

Les électeurs inscrits au Mont-Liban IV devront faire face à un panorama similaire à 2018, à quelques nuances près. D’abord parce que, encore une fois, les groupes et figures se réclamant de la thaoura n’ont pas réussi à s’unir autour d’une seule liste et d’un seul programme. Ensuite, comme en 2018, ces groupes de la contestation devront affronter deux grandes listes représentant les deux camps politiques traditionnels du 14 et du 8 Mars : la première soutenue par le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt, les Forces libanaises de Samir Geagea et le Parti national libéral de Camille Dory Chamoun ; et la seconde représentant le Parti démocratique libanais du leader druze Talal Arslane, le Courant patriotique libre de Gebran Bassil et le chef du parti Taouhid Wi’am Wahhab. Si les Kataëb devraient soutenir une des listes indépendantes, le parti de Samy Gemayel n’a pas encore décidé laquelle.

Entre 2018 et 2022

Lors de la bataille électorale précédente, 9 des 13 sièges à pourvoir avaient été raflés par la liste de la Réconciliation, soutenue par le PSP, les FL et le courant du Futur de Saad Hariri. La liste avait obtenu 98 967 suffrages sur 170 637. Les 4 sièges restants sont allés à la liste de La garantie de la Montagne », soutenue par le CPL et le PDL. Elle avait enregistré 39 027 voix.

Lire aussi

Liban-Nord III, la bataille pour le leadership chrétien

Toutefois, cette fois-ci, le camp du 14 Mars devra faire sans le leader sunnite Saad Hariri et les 15 000 voix de son électorat dans la région, le chef du Futur ayant annoncé son retrait de la vie politique. Les forces du 14 Mars sont cependant rejointes par le PNL, qui s’était allié aux Kataëb en 2018 (leur liste commune avait fait 5 446 voix). De l’autre côté de l’échiquier, l’ancien ministre prosyrien Wi’am Wahhab, fort de plus de 7 000 voix en 2018, rejoint le CPL et le PDL en tant que candidat à un siège druze du Chouf.

Principaux enjeux

Les regards sont rivés sur ce fief joumblattiste historique et seule circonscription à majorité (relative) druze, où la bataille s’annonce corsée. D’abord parce qu’il s’agit d’une circonscription où l’opposition proche de la thaoura a théoriquement des chances d’opérer une percée, le seuil électoral étant relativement bas et la région ayant connu de nombreuses manifestations lors du soulèvement du 17 octobre. Mais la contestation arrive en rangs divisés, ce qui risque de miner ses chances de réussite. Parmi les moutures se revendiquant de la contestation, la liste Nous nous sommes unis pour le changement est celle qui regroupe le plus de candidats (12) et de formations. Elle est notamment soutenue par le mouvement Taqaddom, Lana, Chouf el-taghyir et Aley el-taghyir. « Notre liste est la seule liste crédible, puisqu’elle fédère le plus grand nombre de groupes et personnalités de la région. Nous sommes porteurs d’un projet politique de changement, en plus d’être le vote utile », affirme Marc Daou, candidat au siège druze de Aley sur cette liste. « Nous sommes certains d’obtenir au moins un coefficient électoral, mais la bataille se joue au niveau du deuxième siège, que nous pourrions remporter via la bataille des décimales », explique-t-il. « Pour nous, les sièges les plus compétitifs sont, par ordre décroissant, un siège sunnite au Chouf, un siège maronite au Chouf et un siège druze à Aley qu’on pourrait ôter à Talal Arslane », ajoute M. Daou. Un scénario réaliste face à l’éparpillement de l’opposition ?

Pour lui, la multiplication des listes n’est pas nécessairement une mauvaise chose. « Tant qu’on est tous en train de puiser dans le réservoir des voix des partis traditionnels, c’est une bonne chose. » Mais tout le monde ne voit pas les choses du même œil. Daad Azzi, candidate à un siège maronite du Chouf sur une autre liste de la contestation, La souveraineté d’une nation, affirme que sa liste représente le mieux l’esprit de la thaoura, accusant le reste des listes d’être les chevaux de Troie des partis traditionnels. « Nous sommes convaincus que nous allons créer la surprise, affirme celle qui était candidate sur la liste du PNL en 2018. Un de nos candidats à un siège sunnite du Chouf, Mohammad Chamaa, a obtenu des promesses de soutien de la Jamaa islamiya, son père étant un cadre du parti : c’est l’équivalent de quelque 5 000 votes pour notre liste. » Selon elle, l’alliance avec une formation prônant l’islam politique modéré ne va pas à l’encontre des principes de la thaoura. « Ils s’engagent à soutenir la création d’un État civil », promet-elle. De son côté, Zeina Mansour, candidate à un siège druze du Chouf sur une troisième liste de contestation, revendique elle aussi porter le véritable héritage de la thaoura. Si Zeina Mansour souhaite se battre pour mettre sur pied un État laïc au Liban, elle indique quand même « que la communauté druze, fondatrice du pays, a longtemps été marginalisée et doit avoir un meilleur rôle dans la gestion du pays lors de la période de transition ».

Voir le podcast

Charbel Nahas : "La confrontation doit toucher la légitimité du système"

Mais les batailles des groupes de la thaoura ne sont pas les seules à se jouer dans les urnes au Mont-Liban IV. Alors que le pays connaît une polarisation politique aiguë, rappelant les élections de 2009, l’affrontement entre le camp proche du Hezbollah et le camp issu du 14 Mars sera aussi de mise dans cette région théoriquement apaisée depuis la réconciliation druzo-chrétienne historique de 2001 incarnée par le patriarche maronite Nasrallah Sfeir et le chef du PSP Walid Joumblatt. Une réconciliation gravement mise à l’épreuve en juin-juillet 2019 avec l’incident de Qabr Chmoun (2 morts et plusieurs blessés), qui a opposé des partisans du PSP à des éléments du PDL sur fond de tentatives du chef du CPL Gebran Bassil d’affaiblir le leadership joumblattiste.

Si le parti aouniste avait emporté trois sièges maronites (sur cinq) en 2018, il pourrait reculer en mai prochain. D’abord au Chouf, où le député sortant Mario Aoun (5 124 voix) ne sera pas de la partie et où Farid Boustani n’avait pas été confortablement élu (2 657 voix). Sur les trois sièges maronites du Chouf, les deux sièges détenus par le CPL sont donc en jeu. Le CPL pourrait toutefois rattraper cette potentielle perte en s’appropriant le siège grec-catholique. Nehmé Tohmé (7 253 voix), soutien du PSP qui occupait ce siège depuis 2000, est hors course. Les FL et le PSP le remplacent par Fadi Maalouf, candidat du PNL, tandis que le CPL présente l’ancien ministre des Déplacés Ghassan Atallah à ce poste. Seul Georges Adwan (FL), fort de ses 9 958 votes préférentiels, ne devrait pas être inquiété. Le camp pro-Hezbollah pourrait, lui, avancer sur la scène sunnite, profitant de l’absence du parti de Saad Hariri. En 2018, les deux candidats du parti bleu (Mohammad Hajjar et Ghattas Khoury) avaient apporté quelque 15 000 voix à l’alliance PSP-FL-Futur.

L'édito de Issa GHORAIEB

Carnets de voyage

« M. Hariri a décidé de ne pas participer au scrutin, et nous respectons sa décision. Toutefois, notre liste comprend toujours deux candidats sunnites : Bilal Abdallah (PSP) et Saadeddine el-Khatib, un avocat indépendant proche aussi bien de nous que du courant du Futur », explique Saleh Hadifé, responsable électoral au sein du parti de Walid Joumblatt. L’alliance PSP-FL risque ainsi de ne pas pouvoir conserver le deuxième siège sunnite.

Côté druze aussi, la liste de l’alliance PSP-FL ne présente que 3 candidats représentant la communauté, laissant un traditionnel siège vacant à Aley au profit de Talal Arslane, rival de M. Joumblatt. Mais un changement de taille vient inquiéter le camp du 14 Mars : en 2018, faute d’un accord avec la liste CPL-PDL, Wi’am Wahhab avait fait cavalier seul, remportant 7 340 voix, soit presque autant que Talal Arslane (7 887 voix) et un peu plus que son compétiteur au Chouf Marwan Hamadé (7 266). Pour le scrutin de mai, le chef d’al-Tawhid a rejoint la liste des alliés du Hezbollah. À moins que le PSP ne puisse répartir les votes préférentiels entre ses deux candidats au Chouf (Taymour Joumblatt qui avait obtenu 11 478 voix en 2018 et Marwan Hamadé), ce qui est une possibilité, le siège de Marwan Hamadé pourrait être relativement en danger.

Les listes en compétition

1. La Montage se révolte : figures indépendantes

Chouf : Zeina Mansour, Akram Breich, Nabil Nabil Mechantaf, Abdallah Abou Abdallah.

Aley : Mohsen Aridi, Salman Abdel Khalek, Léon Sioufi, Tabet Georges Tabet.

2. Le partenariat et la volonté : Parti socialiste progressiste + Forces libanaises + Parti national libéral

Chouf : Taymour Joumblatt, Marwan Hamadé, Fadi Maalouf, Saadeddine el-Khatib, Bilal Abdallah, Habbouba Aoun, Georges Adwan, Élie Cordahi.

Aley : Akram Chehayeb, Nazih Matta, Joëlle Faddoul, Raji el-Saad.

3. Nous nous sommes unis pour le changement : groupes de la contestation

Chouf : Rania Ghaith, Chucri Haddad, Halimé Kaakour, Imad Seifeddine, Saoud Abou Chebel, Najat Aoun Saliba, Ghada Marouni Eid.

Aley : Ala’ Sayegh, Marc Daou, Zoya Jureidini, Jad Bejjani, Fadi Abi Alam.

4. La souveraineté d’une nation : figures indépendantes + Jamaa islamiya

Chouf : Hicham Zebian, Mohammad el-Chamaa, Ma’moun Malak, Georges Salwane, Daad Azzi, Joyce Maroun.

Aley : Atallah Wehbé, Nabil Yazbeck, Walid Chahine.

5. Ton vote est une révolution : figures indépendantes + groupes de la contestation

Chouf : Jihad Zebian, Maadad Abou Ali, Samir Akoum, Mohammad Hajjar, Michel Abou Sleiman, Jamal Merhej, Gaby Azzi.

Aley: Wassim Haïdar, Raëd Abdel Khalek, Imad el-Hajj.

6. « Capables » : Citoyens et Citoyennes dans un État

Chouf : Ayman Zeineddine, Khaled Saad, Imad Farran, Joseph Tohmé.

Aley : Marwan Imad, Nagham Halabi.

7. « La Montage » : Courant patriotique libre + Parti démocratique libanais + Ahbache + Wi’am Wahhab

Chouf : Wi’am Wahab, Ghassan Atallah, Oussama Meouch, Ahmad Najmeddine, Antoine Abboud, Farid Boustany, Naji Boustany.

Aley : Talal Arslane, Tarek Khairallah, Antoine Boustany, César Abi Khalil.

Fiche technique

Deux cazas : Chouf et Aley

Treize sièges à pourvoir : 3 maronites, 2 druzes, 2 sunnites, 1 grec-catholique au Chouf ; 2 maronites, 2 druzes et 1 grec-orthodoxe à Aley.

Nombre d’électeurs inscrits : 346 561, dont 25 445 expatriés.

Répartition confessionnelle des électeurs : 40 % druzes, 25 % maronites, 19 % sunnites, 5 % grecs-catholiques, 5 % grecs-orthodoxes, 3 % chiites, 2 % autres (d’après les chiffres du ministère de l’Intérieur).

Seuil électoral (en 2018) : 7,7 % des voix, soit 13 126 suffrages.

Bis repetita ? En 2018, au dernier moment avant la finalisation des listes, les groupes de la société civile en lice au Mont-Liban IV (Chouf-Aley) s’étaient scindés en deux. Résultat, bien que ce soit la circonscription où le seuil électoral en pourcentage est le plus bas (7,7 %, soit 13 125 voix en 2018), aucune des deux listes n’avait réussi à franchir le cap, et donc à...

commentaires (1)

La pseudo révolution n'aura servi à rien d'autyre qu'à mener le pays au désastre total , merci !

Chucri Abboud

04 h 25, le 09 avril 2022

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • La pseudo révolution n'aura servi à rien d'autyre qu'à mener le pays au désastre total , merci !

    Chucri Abboud

    04 h 25, le 09 avril 2022

Retour en haut