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Carnets de voyage


Ne sautez surtout pas au plafond en trouvant réunis, dans ces mêmes colonnes, le pape François et la procureure Ghada Aoun. Qu’on se rassure, cette cohabitation des plus improbables est due seulement aux flots de commentaires qui, ces derniers jours, ont salué la prochaine visite au Liban du souverain pontife et, aussi, la fugue parisienne à laquelle vient de se prêter la très controversée magistrate.


Du cafouillis diplomatique qui a marqué l’annonce unilatérale, par la présidence de la République, de la prochaine venue du pape, tout ou presque a été dit: la pitoyable tentative officielle de récupération et d’exploitation politique de l’événement, la grave entorse au protocole commise à cette fin, la sèche formulation de la mise au point que s’est vu contraint d’y opposer le Saint-Siège. Dans ce petit pays où l’on n’est jamais d’accord sur rien, la polémique ne s’est guère limitée cependant à l’indélicatesse de la manœuvre. Les passions aidant, c’est sur l’opportunité même de la visite papale qu’elle a malencontreusement fini par dériver, notamment sur les réseaux sociaux.


Faux débat toutefois, que celui-là. Car il est excessif de craindre qu’une aussi exceptionnelle et précieuse opportunité puisse servir de faire-valoir à un cercle dirigeant usé jusqu’à la corde, mangé aux mites, massivement discrédité au double plan domestique et étranger. C’est au Liban en effet, et non chez leurs indignes dirigeants, c’est pour les Libanais et non pour leurs spoliateurs, que le chef de l’Église catholique se propose de fouler le sol de ce pays. Pas plus que Jean-Paul II visitant, il y a un quart de siècle, un Liban ployant sous la botte syrienne, le pape François n’est homme à se laisser soutirer un quelconque regain de légitimité par un pouvoir failli. Ou à lui en faire l’aumône, comme le voudrait la charité chrétienne, si seulement elle n’entrait pas en collision avec la plus élémentaire notion de justice…


La justice, on y vient précisément, avec la récente participation de la procureure près la cour d’appel du Mont-Liban à un colloque sur la lutte contre la corruption qui s’est tenu au Sénat français. La bouillante magistrate s’y était rendue sans autorisation formelle du ministre concerné, aussi était-elle déférée hier devant le Conseil de discipline. Il lui est également reproché d’avoir, dans une interview à la chaîne Public-Sénat, inclus des collègues juges dans un grand lobby politico-financier cultivant la corruption. Dans la foulée, la dame se plaignait d’être très persécutée par les médias, alors que ses méthodes intempestives et son penchant immodéré pour les tartarinades populistes lui ont déjà valu un premier rappel à l’ordre de la part de la hiérarchie judiciaire.


L’image en prend un coup supplémentaire quand il apparaît que pour sa performance au Sénat, la juge Aoun a été coachée par un millionnaire franco-libanais très introduit dans les mondes de la mode, du jet-set, de la communication ainsi que de la politique, en France comme au Liban, et qui d’ailleurs se porte candidat aux prochaines législatives libanaises. La procureure peut certes avoir de bonnes raisons de poursuivre le gouverneur de la Banque du Liban ; cependant, son acharnement à l’ouvrage devient inévitablement suspect dès lors qu’il ne fait en réalité que combler les vœux du camp présidentiel, dont elle est notoirement proche. Et qui n’échappe guère lui-même aux suspicions…


N’est pas Jeanne d’Arc qui veut. Inconnues en gynécologie sont les demi-grossesses, et on ne saurait être à moitié justicier.

Issa GORAIEB

igor@lorientlejour.com

Ne sautez surtout pas au plafond en trouvant réunis, dans ces mêmes colonnes, le pape François et la procureure Ghada Aoun. Qu’on se rassure, cette cohabitation des plus improbables est due seulement aux flots de commentaires qui, ces derniers jours, ont salué la prochaine visite au Liban du souverain pontife et, aussi, la fugue parisienne à laquelle vient de se prêter la très...