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Politique - Circonscriptions

Liban-Nord III, la bataille pour le leadership chrétien

Les forces en présence dans cette région et les enjeux politiques de la course à l’hémicycle qui y sera menée le 15 mai prochain. Décryptage.

Liban-Nord III, la bataille pour le leadership chrétien

Un électeur déposant son bulletin dans une urne à Bécharré, le 6 mai 2018. Photo Chamoun Daher

Le Liban-Nord III est la circonscription où la bataille électorale s’annonce particulièrement fiévreuse, d’autant que c’est dans cette région à grande dominante chrétienne que se décidera l’avenir du leadership chrétien, et peut-être aussi le profil du successeur de Michel Aoun, dont le sexennat arrive à terme en octobre. La compétition va ainsi opposer les principales formations chrétiennes, en l’occurrence les Forces libanaises et le Courant patriotique libre, mais aussi des figures traditionnelles. Sur cet échiquier politique viennent se greffer des formations nées de la contestation du 17 octobre 2019.

Forces en présence
C’est dans cet ensemble de quatre cazas (Batroun, Koura, Bécharré, Zghorta) où dix sièges sont à pourvoir (sept maronites et trois grecs-orthodoxes) que les deux principaux leaders politiques chrétiens, Samir Geagea (à travers les FL, puisqu’il n’est pas lui-même candidat) et Gebran Bassil, doivent livrer leur plus important combat. Tout autant d’ailleurs qu’un troisième leader maronite d’importance, le chef des Marada Sleiman Frangié, également présidentiable. Ces trois protagonistes principaux doivent compter avec une alliance de poids, formée par l’indépendant Michel Moawad avec les Kataëb et Majd Harb, fils de l’ancien député Boutros Harb. Autre composante de cet échiquier électoral du Liban-Nord III, le Parti syrien national social (PSNS), aujourd’hui scindé en deux ailes. Un cinquième acteur, Chamalouna, regroupant des formations de la contestation, mènera lui aussi le combat pour opérer une percée. Sauf que deux autres listes parrainées par des groupes issus de la thaoura sont également en lice, ce qui risque de réduire leurs chances d’accéder au Parlement.

Entre 2018 et 2022
Lors du scrutin précédent, Gebran Bassil avait raflé trois sièges sur dix, tout autant que Samir Geagea et Sleiman Frangié. Le dixième siège était allé au PSNS, allié à l’époque de Frangié. Cette année, le bloc du Liban fort doit se battre pour conserver deux de ses sièges, ayant en cours de route perdu le troisième, occupé par Michel Moawad. Ce dernier a claqué la porte du groupe parlementaire du CPL, avant de démissionner de la Chambre dans la foulée de la double explosion du 4 août 2020 au port de Beyrouth. À la faveur de son alliance avec les aounistes, Michel Moawad s’était fait élire en 2018 grâce à 8 571 votes préférentiels à Zghorta, où les Marada ont longtemps monopolisé la représentation parlementaire. Aujourd’hui, il se range dans le camp de l’opposition et mène la bataille aux côtés des Kataëb et de Majd Harb. « Les Kataëb ont dû appuyer Majd Harb et retirer leur candidat (Samer Saadé) pour que nous puissions remporter la bataille à Batroun, face à une figure chrétienne qui assure la couverture aux armes du Hezbollah », commente un proche de Michel Moawad à L’Orient-Le Jour.

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Entre 2018 et 2022, Gebran Bassil a également perdu un allié de poids : l’ancien Premier ministre Saad Hariri qui s’est retiré de l’arène politique. En 2018, les aounistes ont profité de leur alliance avec le Futur pour mener leur chef, Gebran Bassil, à l’hémicycle. M. Bassil (qui avait pris part sans succès aux scrutins de 2005 et 2009) était d’ailleurs en tête des scores individuels, après avoir été crédité de 12 269 voix. L’abstention sunnite s’annonce donc un obstacle de taille lors du scrutin de mai, sachant que 57 % des électeurs de cette communauté au Koura ont augmenté en 2018 le coefficient électoral de la liste parrainée par les aounistes et les haririens.

Ces deux pertes de taille n’ont laissé aux aounistes que le choix de se tourner vers le PSNS, profondément secoué par des tiraillements internes. Le Hezbollah a mené une forte pression en vue d’unifier les rangs de la formation d’Antoun Saadé dans l’intérêt du CPL. En vain. La liste du CPL inclut Walid Azar, candidat à l’un des sièges grecs-orthodoxes du Koura, un choix qui serait le résultat de la pression du parti de Dieu. De sources concordantes, on apprend que M. Azar gravite dans l’orbite de Rabih Banat, dirigeant du PSNS hostile à Assaad Hardane, député de Marjeyoun qui se revendique de la présidence du parti. De son côté, l’aile Hardane du PSNS a tendu la main, comme en 2018, à Sleiman Frangié. L’alliance PSNS-Marada avec Boutros Harb avait alors permis à cette liste de rafler quatre sièges : à Zghorta, Tony Frangié (11 407 voix) et Estéphan Doueihy (5 435 voix). Et au Koura, Fayez Ghosn (4 224 voix) et Salim Saadé (5 263 voix). Quelques mois après le décès de Fayez Ghosn en novembre dernier, c’est son frère Fady Ghosn qui rejoint la liste parrainée par les Marada. Idem pour Salim Saadé. « En dépit des dissidences internes au sein du PSNS, Salim Saadé a voulu se joindre à nous pour préserver notre alliance traditionnelle », commente pour L’Orient-Le Jour Tony Frangié, député de Zghorta.

Principaux enjeux
Le poids des expatriés  : le Nord III a le plus grand nombre d’expatriés inscrits pour voter. Leur nombre s’élève à près de 26 682 personnes, contre 11 245 en 2018. « Cette fois-ci, les expatriés peuvent changer la donne, surtout s’ils votent en bloc pour une même liste », estime un expert, ajoutant que cela pourrait augmenter le seuil d’éligibilité dans un premier temps. « Mais la multitude des listes d’opposition pourrait le réduire, ce qui pourrait profiter aux partis traditionnels », renchérit Kamal Richa, journaliste et expert électoral originaire de Batroun. Au sujet du vote de la diaspora, il précise que « plus de 40 % des expatriés sont proches des FL, ce qui constitue une menace pour le CPL ». En 2018, Michel Moawad avait séduit à lui seul 32 % des votants à l’étranger. « Cette fois-ci, Michel Moawad et sa liste obtiendront deux sièges (dont celui de M. Moawad lui-même), contre un pour le CPL et trois pour les Marada, notamment grâce à William Tawk (4 649 voix en 2018) », décrypte M. Richa, qui prédit un défi à Samir Geagea dans son fief. « La bataille des FL est à Batroun, où elles veulent marquer des points face à Gebran Bassil », dit-il.

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La course à Baabda : le Nord III est la circonscription où se décidera l’avenir du leadership chrétien, voire même le profil du futur chef de l’État. Cette forte rivalité entre les poids maronites de la région a rendu difficile toute éventualité d’alliance. Même entre deux anciens « amis », tels que le CPL et les Marada. Malgré la forte pression exercée par leur allié commun, le Hezbollah. « Une proposition d’alliance avec Gebran Bassil nous est parvenue par l’intermédiaire de William Tawk (frère de la présidente du Bloc populaire de Zahlé Myriam Skaff), qui fait aujourd’hui partie notre liste. Mais nous l’avons refusée car il nous est impossible de soutenir M. Bassil lors de la prochaine présidentielle et le Hezbollah en est conscient », confie à L’OLJ un haut responsable au sein des Marada. « Nous avons la volonté de nous réconcilier avec tout le monde, dont les Marada », affirme de son côté Sayed Younès, responsable de la machine électorale du CPL. « Il n’a toutefois pas été question d’alliance électorale », affirme-t-il.

Les listes en compétition

1. « Nous resterons ici » : Courant patriotique libre + (l’aile Rabih Banat du) Parti syrien national social

Batroun : Gebran Bassil ; Walid Harb

Koura : Georges Atallah ; Walid Azar ; Ghassan Karam

Bécharré : Tony Matta

Zghorta : Pierre Raffoul.

2. « Le Liban-Nord de la confrontation » : Kataëb + Michel Moawad + Majd Harb + une partie de la contestation

Batroun : Majd Harb ; Joëlle Hoyek

Koura : Émile Fayad ; Adib Abdel Massih ; Brigitte Kheir

Bécharré : Rachid Rahmé

Zghorta : Toni Mardini ; Michel Moawad ; Jawad Boulos.

3. Chamalouna : groupes de la contestation + Bloc national

Batroun : Rabih Chaër ; Layal Bou Moussa

Koura : Fadwa Nassif ; Jihad Farah ; Semaan Béchouati

Bécharré : Koshaya Sassine ; Riad Tawk

Zghorta : Chaden Daaif ; Michel Chawki Doueihy ; Gistelle Semaan.

4. « Nous pouvons changer » : Citoyens et citoyennes dans un État de Charbel Nahas et le Parti communiste libanais

Batroun : Jean Khairallah

Koura : Anis Nehmé ; Zeina Nabti ; Bassem Sanij

Bécharré : Marie-Joe Matar

Zghorta : Maroun Mahfoud.

5. « Unité du Liban-Nord » : Marada + (l’aile Assaad Hardane du) PSNS

Batroun : Joseph Najm

Koura : Fady Ghosn ; Salim Saadé

Bécharré : Melhem (William) Tawk; Roy Issa el-Khoury

Zghorta : Carole Dahdah ; Tony Frangié ; Estéphan Doueihy.

6. « Le pouls de la République forte » : FL + indépendants

Batroun : Ghayas Yazbeck ; Layal Nehmé

Koura : Fady Karam ; Sami Rihana ; Rami Salloum

Bécharré : Sethrida Tawk (Geagea) ; Joseph Ishac

Zghorta : Maguy Toubia ; Fouad Boulos ; Mikhaël Doueihy.

7. « Éveillez votre voix » : groupes de la contestation

Batroun : Mirna Khoury-Hanna

Koura : Moussa Louca ; Bassam Ghantous

Bécharré : Georges Boutros

Zghorta : Antoine Yammine.

Fiche technique

Quatre cazas : Batroun, Koura, Zghorta et Bécharré

Dix sièges à pourvoir : 7 maronites et 3 grecs-orthodoxes

Nombre d’électeurs inscrits : 258 376

Répartition confessionnelle des électeurs : 65 % maronites ; 20 % grecs-orthodoxes ; 10 % sunnites ; 2 % grecs-catholiques ; 1 % chiites ; 1 % autres

Seuil électoral (en 2018) : 10 % des voix, soit 11 782 votes.

Le Liban-Nord III est la circonscription où la bataille électorale s’annonce particulièrement fiévreuse, d’autant que c’est dans cette région à grande dominante chrétienne que se décidera l’avenir du leadership chrétien, et peut-être aussi le profil du successeur de Michel Aoun, dont le sexennat arrive à terme en octobre. La compétition va ainsi opposer les principales...
commentaires (1)

En espérant des victoires décisives de la part des FL. En espérant aussi deux sièges pour l'aile de Mr. Moawad, personnalité forte et respectable.

Michael Nasrallah

06 h 00, le 08 avril 2022

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Commentaires (1)

  • En espérant des victoires décisives de la part des FL. En espérant aussi deux sièges pour l'aile de Mr. Moawad, personnalité forte et respectable.

    Michael Nasrallah

    06 h 00, le 08 avril 2022

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