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Société - Coopération

Des experts libanais et arabes formés en France à la lutte contre le trafic de biens culturels

Les délégations multidisciplinaires de participants étaient composées de magistrats, de policiers et d’archéologues. Ce trafic mondial illicite pèserait entre 6 et 8 milliards de dollars, selon l’Unesco.

Des experts libanais et arabes formés en France à la lutte contre le trafic de biens culturels

Des attestations de participation à la formation pour la lutte contre le trafic de biens culturels décernées aux experts des délégations libanaise, irakienne et jordanienne. Photo DR

Trois délégations, libanaise, jordanienne et irakienne, composées d’une quinzaine de magistrats, policiers et archéologues, ont participé du 14 au 26 mars à une formation sur le trafic illicite de biens culturels donnée par des experts français. Ces professionnels issus de divers secteurs sont venus témoigner de leurs actions dans la lutte contre ce trafic et s’informer sur les nouvelles techniques.

L’organisation de cette rencontre, financée par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, et à laquelle ont participé l’École nationale supérieure de la police (ENSP) et le Groupe interacadémique pour le développement (GID), visait à renforcer les compétences et la prise de conscience collective des liens et des interactions entre les différents corps de métier et les différents pays, notamment au Moyen-Orient (Liban, Irak, Jordanie), pour lutter plus efficacement contre ce fléau qui mine le domaine de l’archéologie. Ce trafic s’est considérablement développé ces dernières années, surtout dans les pays en conflits aux institutions affaiblies où le chaos favorise ce commerce de l’ombre.

Troisième source de financement des réseaux terroristes

Le trafic mondial de biens culturels constituerait un marché illicite d’un montant de l’ordre de 6 à 8 milliards de dollars, selon les estimations de l’Unesco, alors que le marché légal est estimé, lui, à 63,7 milliards de dollars par an. Une partie des détournements de biens culturels représenterait la troisième source de financement des réseaux terroristes, d’après les analyses d’Interpol. En comparaison avec la lutte contre d’autres affaires criminelles, telles que le blanchiment d’argent ou le trafic de stupéfiants, celle contre le commerce illégal des biens culturels compte relativement peu d’experts.

« Les activités de sensibilisation et de formation sur le trafic illicite des biens culturels sont encore timides partout dans le monde, explique Sahar Baassiri, ambassadrice permanente du Liban auprès de l’Unesco. Une véritable campagne de sensibilisation est nécessaire afin que les professionnels prennent connaissance de l’ampleur de ce phénomène et des moyens qui existent pour y remédier. »

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Pour Philippe Boncour, initiateur de ce projet et conseiller de l’ambassadrice déléguée à la science, la technique et l’innovation Catherine Bréchignac, « la France est un des pays leaders en matière de lutte contre le trafic de biens culturels, et plus généralement en matière d’archéologie, de protection et de valorisation du patrimoine ». « L’objectif de la formation des groupes est la volonté commune de conserver le patrimoine, poursuit-il. Ces groupes ainsi formés seront aptes à agir auprès de leurs gouvernements respectifs en vue de faire bouger les lignes non seulement au niveau d’une collaboration régionale, mais également entre la France et l’Union européenne, afin que les pays sources de transit et de destination coopèrent ensemble et efficacement. »

Une « démocratisation du pillage »

« Le trafic de biens culturels, activité hautement lucrative, a explosé sur internet ces derniers mois », alerte pour sa part le Pr Vincent Michel, directeur du département d’histoire de l’art et archéologie de l’Université de Poitiers, interrogé en marge de la formation. « L’Organisation mondiale des douanes a noté une hausse des trafics illicites sur internet : les pillards n’ont pas forcément recours aux réseaux traditionnels pour vendre leur marchandise, explique-t-il. Ils se déportent vers les réseaux sociaux, dont la popularité récente bondit au Moyen-Orient. Ainsi, l’accélération du “pillage en ligne” offre la capacité, en quelques clics, d’accéder à l’information, d’apprendre à piller, à déterrer, à estimer et à expédier l’objet prohibé… Une certaine “démocratisation” du pillage s’installe donc dangereusement ! Il faut agir vite, car les objets circulent et passent les frontières rapidement. D’où l’importance de la coopération entre les acteurs multidisciplinaires afin d’identifier et de restituer les biens pillés aux pays sources. »

Reconnaissance à partir de photos et encre invisible

Corinne Chartrelle, commandant divisionnaire honoraire, qui a codirigé durant quinze ans l’Office central de lutte contre le trafic de biens culturels (OCBC) en France, souligne qu’à l’occasion de cette formation destinée aux trois délégations du Moyen-Orient, « l’ENSP a présenté quelques-uns des nouveaux outils utilisés pour repérer les objets archéologiques volés ».

« Le centre de recherche de l’École des commissaires de police a exposé une application nommée Arte-Fact qui permet la reconnaissance d’un objet archéologique à partir d’une simple photo prise sur smartphone, confie-t-elle. Ce moyen d’identification permettra d’aider à enquêter sur des objets recensés par Interpol, qualifiés de volés et reliés à des plaintes, ou à les distinguer des objets pillés issus de zones de conflits, qui ne sont pas documentés et pour lesquels on ne dispose d’aucune traçabilité. »

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Une autre nouveauté a été exposée par le commissaire divisionnaire Laurent Moscatello, chef des formations partenariales et internationales de l’ENSP, celle de « l’élaboration d’une encre invisible de marquage des objets archéologiques à partir des nanotechnologies ». « Ce programme de recherche a l’ambition d’instaurer un système de traçabilité à grande échelle des antiquités, qui fonctionnerait de manière rapide et fiable », précise-t-il.

Les participants à cette formation ont suivi des sessions en plusieurs endroits en France, notamment à l’ENSP de Saint-Cyr, près de Lyon, au siège de l’Unesco, à l’Institut du monde arabe et à l’Institut national de France à Paris, entre autres. Étaient présents dans la délégation libanaise la juge Mirna Kallas, avocate générale près la Cour de Cassation, le colonel Nicolas Saad, chef du bureau de répression des vols internationaux au sein des Forces de sécurité intérieure, Georges Daoud, inspecteur des douanes libanaises, Samar Karam et Raffi Gergian, directeurs régionaux des antiquités pour le Liban, et Zoha Ghorayeb, interprète.

Trois délégations, libanaise, jordanienne et irakienne, composées d’une quinzaine de magistrats, policiers et archéologues, ont participé du 14 au 26 mars à une formation sur le trafic illicite de biens culturels donnée par des experts français. Ces professionnels issus de divers secteurs sont venus témoigner de leurs actions dans la lutte contre ce trafic et s’informer sur les...
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