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Économie - Crise

Une partie de l'ABL envisage la grève pour obtenir une loi de contrôle des capitaux

Selon une source au sein l’organisation, « l’option de la grève » sera bien étudiée pendant la réunion prévue vendredi.

Une partie de l'ABL envisage la grève pour obtenir une loi de contrôle des capitaux

L’entrée de l’Association des banques du Liban à Beyrouth. Photo M.A.

Alors que plusieurs procédures judiciaires lancées au Liban et à l’étranger contre des banques libanaises par des déposants contestant les restrictions qu'elles imposent sur l’accès à leurs comptes ont abouti ces derniers mois, l’Association des banques du Liban (ABL) a prévu de se réunir demain vendredi en assemblée générale pour décider de la stratégie à adopter face à cette pression croissante. Une réunion qui se tiendra en outre au lendemain de l'arrestation, sur ordre de Ghada Aoun, procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, de Raja Salamé, frère du gouverneur de la banque centrale.

L’annonce de cette réunion avait été faite mardi dans le sillage de l’affaire Fransabank qui a été rendue publique mercredi. L’établissement bancaire, un des plus importants du pays, est sous le coup d’une ordonnance de saisie exécutoire prononcée par la première juge d’exécution de Beyrouth, Mariana Anani, dans le cadre d’une affaire l’opposant à un de ses déposants réclamant la restitution de ses fonds dans la monnaie dans laquelle ils ont libellés, et non en chèque bancaire.

Dans le sillage de l’annonce, l’ABL a pointé du doigt une volonté des autorités de laisser les responsables bancaires faire face seuls à la colère des déposants « pour des raisons qui ne sont pas de son ressort ». L’association a par la suite demandé au gouvernement d’intervenir pour « accélérer la mise en place des décisions qui permettraient de mettre fin » aux différentes procédures visant les banques, et à faire pression pour qu’une loi instaurant un contrôle formel des capitaux soit adoptée.

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Pour parvenir à cet objectif, une partie des membres de l’ABL envisage de lancer un ordre de grève, selon trois sources contactées par L’Orient-Le Jour, deux bancaires et une autre juridique proche du secteur. Sollicité, le service de presse de l’ABL a simplement confirmé que la réunion était bien prévue vendredi, sans s'étendre sur les éventuelles décisions qui pourraient en ressortir. Une source à l’association a simplement laissé entendre que « l’option de la grève sera étudiée pendant la réunion, comme un moyen de refuser les accusations actuelles » visant le secteur.

L’ABL très divisée

Selon les différents témoignages rapportés par ces sources, l’option de la grève serait envisagée depuis au moins une semaine par certains membres, qui la perçoit comme un moyen de pousser les autorités à faire adopter une loi pouvant éviter aux banques d’être poursuivies par des déposants contestant les restrictions bancaires. Dans ce camp, certains préconiseraient de commencer par une grève de trois jours qui pourrait se muer en grève ouverte. D’autres appellent à fermer les agences tout en continuant à alimenter les distributeurs automatiques de billets. D’autres, enfin, sont résolument opposés à toute démarche impliquant une fermeture des établissements. Une position que le Premier ministre Nagib Mikati partagerait et pour laquelle il ferait du lobbying depuis une semaine, selon une des sources interrogées.

Faisant face à une crise majeure, qui couvait depuis au moins 2017, de liquidités en devises, les banques ont commencé dès l’automne 2019 à limiter l’accès des déposants à leurs comptes, d’abord en dollars, puis même en livres à partir de fin 2020. Les causes de cette crise sont aussi bien liées à la surexposition de plusieurs enseignes à une dette publique libanaise aux rendements juteux, mais contractée par un État dont beaucoup estiment que son fonctionnement est gangrené par des faits de corruption, de l'incompétence, et régulièrement paralysé par les tensions politiques. Les banques ont aussi investi des dizaines de milliards de dollars dans des certificats de dépôts à la Banque du Liban, dont les réserves nettes sont largement négatives depuis plusieurs années et qui a cessé d’intervenir sur le marché pour soutenir la parité officielle de 1 507,5 livres pour un dollar en vigueur depuis fin 1990.

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Si les restrictions officiellement mises en place par l’ABL depuis novembre 2019 sont illégales, ni la BDL (qui avait les moyens d’agir à court terme) ni le Parlement (qui pouvait voter une loi de contrôle des capitaux) ne sont intervenus pour régulariser la situation. La Banque du Liban a, elle, adopté de nombreuses circulaires qui ont conduit à la multiplication des taux de change entre la livre et le dollar et à consacrer une différence entre les dollars « bloqués » par les restrictions bancaires excluant retrais et transferts à l’étranger, et les « dollars frais » déposés après le 9 avril 2020 et pouvant encore être librement utilisés. Après avoir décroché de quelques centaines d’unités, la livre a commencé à s’effondrer dans des proportions plus larges dès le printemps 2020. Les démarches entamées pour obtenir une aide du Fonds monétaire international à partir de cette époque par les deux gouvernements qui se sont succédé après la démission de celui de Saad Hariri à l’automne 2019, sous la pression de la contestation populaire, n’ont pas donné de résultats. Celle engagée par celui de Nagib Mikati est toujours en cours.

CreditBank dans le viseur de Ghada Aoun

Dans ce contexte, de plus en plus de déposants mécontents se sont mis à saisir les juridictions locales, tandis que certains déposants détenteurs d'une nationalité autre que libanaise, se sont tournés vers les magistrats étrangers. Les événements se sont accélérés en novembre dernier, avec la condamnation en première instance de Saradar Bank en France après l'action d'une de ses déposantes. Si BLOM Bank a obtenu gain de cause face à l’un de ses clients en décembre devant un tribunal de Londres et pour une affaire similaire, la Société générale de banque au Liban (SGBL) et Bank Audi se sont fait sanctionner dans le même pays il y a quelques semaines, avant le coup infligé mercredi à Fransabank par une juge libanaise. Celle-ci a fait poser des scellés sur les coffres de deux agences appartenant au réseau Fransabank qui ont tout de même ouvert leurs portes jeudi, mais sans effectuer de transactions bancaires, selon une source à la banque contactée jeudi.

Parallèlement à ces affaires, dont certains juristes estiment qu'elles doivent aussi être considérées dans leur dimension politique, une autre série de procédures a été lancée à l’initiative de la juge Ghada Aoun, procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, réputée proche du camp aouniste et en combat frontal avec le gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé.

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Jeudi dernier, la juge a gelé les avoirs de cinq banques au Liban – Bank of Beirut, Bank Audi, la SGBL, BankMed, BLOM Bank, respectivement dirigées par Salim Sfeir (également président de l’ABL), Samir Hanna, Antoun Sehnaoui, l’ancienne ministre Raya el-Hassan et Saad Azhari – et ceux des membres de leurs conseils d’administration, alors qu’elle enquête sur les transactions qu’ils ont effectué avec la BDL. Ces établissements bancaires font, avec plusieurs autres, l’objet de plaintes pour « gaspillage de fonds publics, abus de confiance et escroquerie à l’égard des déposants, et enrichissement illicite ». Des plaintes portées par un collectif d’avocats, « Le peuple veut la réforme du régime », qui accuse les banques concernées d’avoir emprunté plusieurs milliards de dollars à la Banque du Liban au début de la crise financière, de les avoir transférés à l’étranger et de les avoir ensuite remboursés au taux officiel de 1 507,5 livres.

La magistrate a déclaré jeudi à l’agence Reuters avoir prononcé jeudi une interdiction de voyager à l’encontre du président de Creditbank, Tarek Khalifé, et a gelé tous les actifs de la banque, y compris les propriétés et les véhicules, dans le cadre d’une enquête en cours. Tarek Khalifé et Creditbank n’ont pas pu être joints immédiatement pour un commentaire. La juge Aoun n’a pas donné plus de détails.

Les décisions prises par la procureure sont « sans fondement juridique », avait indiqué à L’Orient-Le Jour Joseph Samaha, ancien président d’une chambre de la Cour de cassation et chargé de cours de procédure pénale à l’Université Saint-Joseph (USJ). Un juge ayant requis l’anonymat affirmait dans le même esprit qu’aucun texte de loi ne prévoit qu’un procureur ait la prérogative de prendre des mesures restrictives contre les personnes et leurs biens. Il indique toutefois qu’aucun texte ne l’interdit non plus.

Il est donc assez certain à ce stade que cette nouvelle procédure pèsera dans la stratégie que compte adopter l’ABL à partir de demain, l’organisation ayant récemment assuré de sa volonté de prendre des mesures légales à l’encontre de la juge (une allusion à une éventuelle procédure de révocation).

Alors que plusieurs procédures judiciaires lancées au Liban et à l’étranger contre des banques libanaises par des déposants contestant les restrictions qu'elles imposent sur l’accès à leurs comptes ont abouti ces derniers mois, l’Association des banques du Liban (ABL) a prévu de se réunir demain vendredi en assemblée générale pour décider de la stratégie à adopter face à...

commentaires (10)

Les banques sont à bonne Ecole. Ils singent les pourris au pouvoir qui eux bloquent le pays aussitôt que leur intérêt est en cause et les banques déclarent la grève aussitôt qu’on exige d’eux de faire leur boulot qui est d’honorer les contrats signés par les déposants avec leur boutiques qui préfèrent prendre l’argent des citoyens et ne jamais rien donner en retour. Si ce n’est pas de l’arnaque et du vol, je ne sais pas comment qualifier leur comportement.

Sissi zayyat

18 h 19, le 18 mars 2022

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Commentaires (10)

  • Les banques sont à bonne Ecole. Ils singent les pourris au pouvoir qui eux bloquent le pays aussitôt que leur intérêt est en cause et les banques déclarent la grève aussitôt qu’on exige d’eux de faire leur boulot qui est d’honorer les contrats signés par les déposants avec leur boutiques qui préfèrent prendre l’argent des citoyens et ne jamais rien donner en retour. Si ce n’est pas de l’arnaque et du vol, je ne sais pas comment qualifier leur comportement.

    Sissi zayyat

    18 h 19, le 18 mars 2022

  • LES HYPOCRITES ! ILS VISENT TOUJOURS LES ECONOMIES D,UNE VIE DES DEPOSANTS.

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 23, le 18 mars 2022

  • Francois Bassil leader de Byblos Bank a sonné la sonette d'alarme en 2017 pour areter le financement de l'Etat par les banques. Il a reçu un coup de telephone de Berri qui l'a rendu livide. Il a arreté. Riad Salameh a prevenu du danger de la grille des salaires. Berri l'a fait taire. Les banquiers ne sont pas des saints. Mais il faut raconter c'est quoi la source du probleme!

    Tina Zaidan

    11 h 06, le 18 mars 2022

  • "" sans fondement juridique"" ""aucun texte ne l’interdit non plus"" voila 2 maux a l'origine de nos malheurs, un 3e mal consequent: l'interpretation -malhonnete des lois. ceci dit, c'est comme si "on" provoquait sciemment des super crises qui auraient pour effet l'annulation des elections aussi bien parlementaires que presidentielles. A DIEU NE PLAISE la 2nde !

    Gaby SIOUFI

    10 h 30, le 18 mars 2022

  • Très drole comment tout s'accélère à quelques semaines des élections. Pendant trois ans, silence radio, et d'un seul coup, d'un seul, tollé et accusations à tout va pour caresser dans le bon sens de la laine le mouton électeur. Bèèè....

    Roborm

    09 h 38, le 18 mars 2022

  • Ils vont se mettre en grève afin de ne pas être tenus pour responsables de leurs erreurs ? Alors là, c'est le pompon, jusqu'où vont ils descendre dans l'ignominie ?

    Pandora

    08 h 28, le 18 mars 2022

  • L’ABL et les braves banquiers et cadres supérieurs de ces banques auraient dû se comporter en banquiers et non pas en cloportes dès 2017. Au pilori, tous !

    TrucMuche

    20 h 31, le 17 mars 2022

  • Les crapules bancaires veulent faire "GREVE" pour pouvoir poursuivre leur "haircut" illegal et immoral de l'epargne des Libanais ? Attention, s'ils ont recours a des moyens qui penalisent encore plus leurs clients, ils s'exposeront a un retour de baton severe.

    Michel Trad

    20 h 18, le 17 mars 2022

  • Si des magistrats contestent les mesures prises par Ghada Aoun, il faut se demander si ce qu'elle fait ne joue pas contre les déposants dans les banques en leur compliquant davantage l'accès à leurs comptes.

    Esber

    20 h 13, le 17 mars 2022

  • Deux choses. D’abord, si capital control il y aura, il ne sera pas rétroactif, et donc toutes les opérations illégalement imposées depuis fin 2019 devront quand même être compensées. Ensuite, si nous n’avons pas encore cassé les banques jusqu’ici, c’est qu’elles servent encore à faire marcher l’économie quelque peu. Si elles se mettent en grève, et donc ne servent plus à rien, ce sera ouvrir la voie à un défoulement général…

    Gros Gnon

    19 h 35, le 17 mars 2022

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