L'Association des banques du Liban (ABL) a menacé lundi de recourir à des "mesures légales", sans préciser lesquelles, face aux nouvelles mesures restrictives prises par la procureure générale près la Cour d’appel du Mont-Liban, Ghada Aoun à l'encontre de cinq grandes banques. L'ABL ne parle pas, pour le moment du moins, de grève ou de fermeture.
"L'ABL stigmatise les mesures judiciaires prises par la procureure près la Cour d'appel du Mont-Liban, Ghada Aoun. Ces mesures traduisent un excès de pouvoir et risquent d'avoir un impact négatif, non seulement sur les banques, mais sur les déposants et sur l'économie. Solidaire des banques concernées, l'ABL compte prendre des mesures légales pour défendre ses droits légitimes", peut-on lire dans un communiqué publié lundi soir.
L'ABL réagissait ainsi à la décision prononcée plus tôt dans la journée par la juge Aoun contre cinq banques et patrons de banque, dans laquelle elle leur interdit de disposer de leurs biens mobiliers et immobiliers. Les banques ciblées sont Bank of Beirut, Bank Audi, la SGBL, Bank Med, BLOM Bank, et leurs PDG respectifs, Salim Sfeir (également président de l’ABL), Samir Hanna, Antoun Sehnaoui, l’ancienne ministre Raya el-Hassan et Saad al-Azhari. Les membres de leurs conseils d'administration sont aussi concernés. Ces établissements bancaires font, avec plusieurs autres, l’objet de plaintes pour "gaspillage de fonds publics, abus de confiance et escroquerie à l’égard des déposants, et enrichissement illicite". Des plaintes portées par un collectif d’avocats, "Le peuple veut la réforme du régime", qui accuse les banques concernées d’avoir emprunté plusieurs milliards de dollars à la Banque du Liban (BDL), au début de la crise financière, de les avoir transférés à l’étranger et de les avoir ensuite remboursés au taux de 1 500 LL/dollar.
La mesure conservatoire décidée lundi porte sur les biens-fonds, véhicules, actions et parts des sociétés commerciales détenues par les établissements et leurs responsables. Jeudi, la juge Aoun avait déjà prononcé contre les PDG des interdictions de voyager. Au cours du week-end dernier, après que les interdictions de voyager avaient été prononcées, des informations avaient circulé selon lesquelles les établissements bancaires envisageraient une grève en signe de protestation. La décision n’a pas encore été prise, affirmait lundi matin à L’Orient-Le Jour une source qui leur est proche, évoquant une prochaine réunion de l’Assemblée générale de l’ABL pour adopter la position opportune. Les participants à la séance devraient débattre du principe de la grève, et le cas échéant, de son ampleur : fermeture limitée aux banques dont les responsables font l’objet de mesures, ou fermeture de toutes les banques du territoire ; limitation du mouvement aux guichets internes ou son extension aux ATM…
Aucun bénéfice
La source précitée fustige les mesures restrictives émises jeudi et lundi par la juge Aoun, estimant qu’elles sont de nature à nuire aux relations entre les banques et leurs correspondants à l’étranger. Elles risquent, par conséquent, de porter atteinte aux opérations de transfert qu’effectuent les déposants, ajoute-t-elle. Lorsqu’on objecte que, de toutes manières, ces opérations sont suspendues depuis plus de deux ans en raison des restrictions illégales imposées aux déposants, la source bancaire répond que ceux-ci peuvent toujours transférer des dollars "frais", et les commerçants ouvrir des crédits documentaires pour importer des marchandises. "A quoi sert d’ailleurs d’interdire à un patron de banque de voyager ?" se demande la même source, estimant que cette mesure ne présente aucun bénéfice pour les déposants, d’autant que "l’argent se trouve à la BDL". Et de poursuivre : les banques ne contestent pas le fait que l’enquête suive son cours, puisque, à l’exception de la SGBL, dont le PDG Antoun Sehnaoui a présenté contre la procureure une demande de récusation (le 3 mars), elles collaborent toutes avec la procureure en répondant à ses convocations et en lui fournissant les documents demandés. Dans les milieux bancaires, on stigmatise d’ailleurs le fait que la juge Aoun continue de se pencher sur le dossier, alors que l’action portée par le patron de la SGBL aurait eu pour effet de la dessaisir si elle avait accepté d’en être notifiée. En tout état de cause, estime-t-on dans ces milieux, la juge Aoun agit "hors de sa compétence", commettant ainsi "un excès de pouvoir".
La question des fondements juridiques
Les décisions prises par la procureure sont "sans fondement juridique", tranche d’emblée Joseph Samaha, ancien président d’une chambre de la cour de Cassation, et chargé de cours de procédure pénale à l’Université Saint-Joseph (USJ). "Un procureur peut faire une enquête préliminaire, et en cas de soupçon sérieux, peut porter plainte devant le juge d’instruction à qui il défère alors le dossier. En vertu de la loi, ce dernier a le pouvoir de décider d’une arrestation et, le cas échéant, de substituer à cette mesure une mise sous contrôle judiciaire, incluant notamment l’interdiction de voyager", explique M. Samaha à L’OLJ. "Cette interdiction revêt un enjeu important parce qu’elle touche à une liberté constitutionnelle", note-t-il.
Quant au gel des avoirs des banques et de leurs responsables, M. Samaha affirme que la procureure n’a pas non plus le pouvoir de l’édicter. Selon lui, une telle mesure "peut être prise par le juge de l’exécution, sur demande de la partie plaignante". "En cas de cessation de paiement d’une banque, la mesure peut être également adoptée par le parquet financier, sur demande du gouverneur de la BDL", ajoute l’ancien magistrat.
Un juge ayant requis l’anonymat affirme dans le même esprit qu’aucun texte de loi ne prévoit qu’un procureur ait la prérogative de prendre des mesures restrictives contre les personnes et leurs biens. Il indique toutefois qu’aucun texte non plus ne l’interdit. Arguant de la nécessité de combler ce vide laissé par la loi, nombre de procureurs ont pris l’habitude de s’approprier cette prérogative, indique le magistrat. Il souligne que, pour sa part, il n’a jamais agi de la sorte, parce que la règle est qu’en matière pénale, notamment de procédure, il faut interpréter les textes de manière restrictive, afin d’assurer une sécurité judiciaire aux justiciables.
commentaires (23)
L,ADAGE DIT QUE QUAND L,ANESSE NE PEUT PAS METTRE BAS, L,ANON POUR SON ANIER, ELLE S,ACHARNE EN COUPS DE PIEDS EN L,AIR POUR ALLEGER SES SOUFFRANCES.
JE SUIS PARTOUT CENSURE POUR AVOIR BLAMER GEAGEA
19 h 29, le 15 mars 2022