Le président du Parlement libanais, Nabih Berry, a annoncé lundi les candidats de son parti, le mouvement Amal, dans la perspective des législatives prévues en le 15 mai 2022. Un scrutin qui "aura lieu en temps voulu, après l'échec de toutes les tentatives et les prétextes" pour les reporter", selon le chef du Législatif. Des propos qui sonnent comme une critique au Courant patriotique libre (CPL) de Gebran Bassil , un des plus grands adversaires politiques de Nabih Berry, accusé de vouloir ajourner l'échéance électorale alors qu'il affiche une perte de popularité depuis la révolte d'octobre 2019.
Dans une démarche assez rare de sa part, le président de la Chambre a tenu une conférence de presse depuis sa résidence à Aïn el-Tiné, qu'il a consacrée à la question des législatives. "Ce n'est pas la première échéance électorale de l'après-guerre. Mais ce sont les premières élections pour lesquelles je ressens autant d'attention internationale", a dit le chef du Législatif, dans une référence au forcing de la communauté internationale pour la tenue des élections, et ce, "en dépit du fait que le monde frôle une troisième guerre mondiale", a rappelé M. Berry en référence à l'invasion russe de l'Ukraine, qui se poursuit depuis le 24 février dernier.
M. Berry a en outre déploré le fait que "certains à l'étranger financent des protagonistes locaux pour des objectifs politiques et stratégiques à même de changer l'identité du Liban". "Nous voulons que l'échéance se tienne à temps le 15 mai, et ce sera le cas, après la chute de tous les prétextes d'un report ou d'une modification (de la loi électorale), a affirmé le chef du Parlement, dans une critique au CPL. Pendant des mois, un conflit politique a opposé le camp de la présidence, dont le CPL, au président de la Chambre, autour du vote des Libanais résidant à l'étranger et de l'affaire des mégacentres (les bureaux de vote géants permettant aux électeurs de voter dans leur lieu de résidence plutôt que dans leur circonscription d'origine) remise sur le tapis par le président de la République, Michel Aoun. Lors de sa dernière séance, tenue jeudi dernier, le Conseil des ministres a finalement retoqué cette proposition. Ces bureaux ne seront donc pas utilisés lors du scrutin de 2022, mais lors de la consultation de 2026.
Nabih Berry a dans le même temps affirmé que les préparatifs des élections ne devraient pas éclipser les besoins des Libanais, dans tout ce qui touche à leur vie quotidienne, "surtout en cette période où les démons du monopole tentent d'exploiter les gens" du fait de la flambée des prix, dans le contexte de la crise économique aiguë en cours au Liban depuis 2019.
Le programme électoral
Nabih Berry a ensuite tracé les grandes lignes du programme électoral du mouvement Amal, appelant ses partisans au Liban et à l'étranger à accorder leurs votes préférentiels à ses candidats et leurs alliés (principalement le Hezbollah).
Le parti promet d'abord de se conformer à la Constitution, et d'appliquer ce qui ne l'est pas encore de l'accord de Taëf de 1989 (qui avait mis fin à la guerre civile de 1975). "Nous refusons toutes les propositions de fédéralisme et de partition, le Liban étant notre nation définitive", a affirmé Nabih Berry, s'engageant à œuvrer pour l'édification d'un État civil, un slogan qu'il brandit depuis plusieurs années. Dans le même contexte, le leader chiite a appelé à "se débarrasser des lois électorales confessionnelles, et à œuvrer pour l'adoption d'une loi électorale moderne prévoyant la proportionnelle sur la base du Liban en tant que circonscription unique, et la mise en place d'un Sénat où seraient représentées les familles spirituelles. En 2019 déjà, le camp berryste avait présenté cette proposition qui s'était heurtée au veto de plusieurs protagonistes, notamment les chrétiens comme le CPL et les Forces libanaises de Samir Geagea. Cette mouture implique la formation de listes composées de 128 candidats (le Parlement étant formé de 128 sièges). Elle abolit donc le facteur régional déterminant dans le choix des électeurs. En présence de partis exclusivement communautaires, cette mouture favorise en revanche les formations majoritaires aux dépens des autres et réduit l’importance du choix des candidats lors de la formation des listes, menaçant ainsi de diluer les voix chrétiennes au profit des grands partis musulmans.
Sur un autre registre, Nabih Berry s'est engagé à ce que soient votées les lois faisant passer le Liban à une économie productive, sans porter atteinte aux droits des déposants.
Évoquant la question du tracé de la frontière maritime, un dossier dont il était chargé avant que le président de la République, Michel Aoun, ne prenne la relève, le président de la Chambre s'est clairement opposé à toute concession qui porterait atteinte aux droits du Liban. "L'accord cadre (qu'il avait concocté en 2020) est le mécanisme qui permettrait de poursuivre les négociations", a-t-il insisté, alors que le processus est gelé depuis des semaines.
Nabih Berry s'est en outre prononcé en faveur d'une décentralisation administrative élargie conformément aux disposition de l'accord de Taëf et pour la mise en exécution de plusieurs législations déjà adoptées par la Chambre, dont la loi sur la concurrence, et une amnistie générale, qui n'inclurait pas les terroristes, et ceux qui sont accusés de collaboration avec Israël, et de haute trahison.
"Le groupe Amal affirmera son attachement à la poursuite de l'enquête sur la double explosion au port de Beyrouth, conformément aux dispositions de la Constitution", a par ailleurs dit Nabih Berry dans une critique au juge Tarek Bitar, chargé de l'instruction dans le cadre de laquelle plusieurs figures gravitant dans l'orbite du tandem chiite sont poursuivies en justice, alors que le Hezbollah et Amal plaident pour que les personnalités politiques mises en cause soient poursuivies devant la Haute cour chargée de juger les présidents et les ministres. "Il n'y a aucune couverture (des personnes mises en causes et poursuivies) dans cette affaire, ni dans celle de Tayouné", a assuré le leader d'Amal. Il faisait référence aux affrontements du 14 octobre dernier entre des éléments chrétiens affiliés aux Forces Libanaises de Samir Geagea, et des éléments du tandem chiite Amal-Hezbollah.
Les candidats
Liban Sud I (Saïda-Jezzine): Ibrahim Azar (maronite)
Liban Sud II (Tyr-Zahrani): Nabih Berry, Inaya Ezzeddine, Ali Khreiss, Ali Ousseiran (chiites) ; Michel Moussa (grec-catholique).
Liban-Sud III (Nabatiyé-Bint Jbeil, Marjeyoun- Hasbaya): Ayoub Hmayed, Achraf Beydoun, Nasser Jaber, Hani Kobeissi, Ali Hassan Khalil (chiites) ; Marwan Kheireddine (druze, proche de Talal Arslane, chef du Parti démocratique libanais) ; Kassem Hachem (sunnite).
Békaa II (Rachaya-Békaa ouest): Kabalan Kabalan (chiite).
Békaa III (Baalbeck-Hermel): Ghazi Zeaïter (chiite).
Beyrouth II : Mohammad Khawaja (chiite).
Mont-Liban III (Baabda) : Fadi Alamé (chiite).
commentaires (10)
Plus il le crie fort et plus on a du mal à le croire. Sa réputation en dit long sur sa parole tenue, son honneur et son patriotisme.
Sissi zayyat
13 h 22, le 15 mars 2022