C’est sans doute la seule personnalité libanaise qui puisse se targuer d’être soutenue à la fois par l’opposition née du 17 octobre 2019 et par une partie de la classe politique traditionnelle, avec un appui des Occidentaux et de l’Arabie saoudite. L’ancien ambassadeur à l’ONU et juge à la Cour internationale de justice (CIJ), Nawaf Salam, dont le nom avait été évoqué comme potentiel Premier ministre, est un cas à part dans le paysage politique libanais. C’est cette particularité qui fait que tant dans les rangs de la thaoura que dans ceux de l’establishment sunnite, on l’encourage à se porter candidat pour les législatives qui doivent se tenir le 15 mai prochain. L’Orient-Le Jour a appris que lors d’une récente visite à Beyrouth, Nawaf Salam a tenu plusieurs réunions politiques avec des groupes de la société civile, mais aussi avec l’ancien Premier ministre Fouad Siniora, ainsi qu’avec l’ancien député Salim Diab. Tous lui ont suggéré de se présenter aux élections et d’être tête de liste. Mais l’ancien ambassadeur n’a pas encore pris sa décision.
« Je n’ai aucun intérêt à titre personnel à me présenter aux législatives. L’important est de mettre en place un programme politique et un projet clairement défini qui inspirent la confiance des Libanais », dit Nawaf Salam à L’Orient-Le Jour. S’il se présentait, l’ancien ambassadeur le ferait probablement à Beyrouth II, où le retrait du chef du courant du Futur Saad Hariri a laissé un grand vide.
« Nawaf est le seul à pouvoir être un point de rencontre entre les forces de la thaoura et la rue sunnite », commente un baron sunnite, qui a souhaité conserver l’anonymat. Le magistrat pourrait recueillir le soutien de la galaxie haririenne, alors que la liste du courant du Futur a obtenu le plus grand score dans cette circonscription et a recueilli six sièges sur les onze en lice en 2018.
« Ma candidature aux élections dépend d’un projet politique clair au niveau national », martèle Nawaf Salam. Près d’un mois après le retrait de Saad Hariri, la confusion règne toujours sur la scène sunnite. Lors de sa récente visite au Liban, à l’occasion de la commémoration de l’assassinat de son père, Rafic Hariri, l’ex-Premier ministre n’a donné aucune indication sur un éventuel soutien qu’il pourrait apporter à une personnalité ou à un groupe politique. Dans ce contexte, il existe un risque important que l’électorat sunnite ne se mobilise pas, ce qui pourrait profiter au Hezbollah.
« Pour les motiver à participer, il faut commencer par leur donner une lueur d’espoir en présentant ce projet », considère Nawaf Salam.
Le projet en question est conditionné à une entente générale sur ce à quoi doit ressembler l’après-Hariri pour les sunnites. S’ils souhaitent tout de même se présenter, les députés du courant du Futur doivent démissionner en amont du parti. En même temps, de nombreuses forces cherchent à combler le vide, que ce soient des personnalités indépendantes, comme le député Fouad Makhzoumi, ou encore le Hezbollah.
« Hariri ne soutient pas sa démarche »
Tout le monde attend une clarification de la part de Fouad Siniora, qui doit donner une conférence de presse mercredi. Selon des informations obtenues par L’Orient-Le Jour, M. Siniora a rendu visite à Saad Hariri aux Émirats arabes unis afin de l’informer qu’il avait commencé à former une coalition en vue des élections. L’ancien Premier ministre se réunit régulièrement avec un groupe comprenant des personnalités sunnites qui accompagnaient autrefois Rafic Hariri, dont les anciens ministres Khaled Kabbani, Ahmad Fatfat, Hassan Mneimneh, l’ancien député Ammar Houri, et d’autres personnalités. Le but des réunions est de se coordonner afin de déterminer une ligne politique qui défende les résolutions internationales, les décisions de la Ligue arabe et s’oppose au Hezbollah et à sa politique.
Fouad Siniora n’a toujours pas décidé s’il allait lui-même se présenter aux élections et ne devrait pas l’annoncer lors de sa conférence de presse. Mais il souhaite définir les paramètres selon lesquels les personnalités sunnites doivent se présenter, puis attend de voir les réactions que cet événement suscite pour prendre sa décision. « Le principal problème pour Siniora, c’est que Hariri ne soutient pas sa démarche », dit un proche du fils de Rafic Hariri, qui a requis l’anonymat. « Hariri ne veut pas que quelqu’un occupe son espace politique, il veut montrer aux Saoudiens que c’est lui ou personne d’autre », dit un poids lourd de la scène sunnite, opposé au leader du Futur.
Ces considérations pourraient empêcher la formation d’un large front dont Nawaf Salam serait l’une des têtes d’affiche. « Les élections ne sont pas la fin du monde, et ne pas se présenter ne signifie pas arrêter le travail politique », relativise l’ancien ambassadeur comme pour ouvrir la porte à une candidature au poste de président du Conseil après le scrutin, s’il se tient à la date prévue.
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Un homme compétent et honnête. C'est la raison pour laquelle il n'a pas pu être nommé premier ministre
Yves Prevost
17 h 28, le 22 février 2022