
L’ancien Premier ministre Fouad Siniora. Photo d’archives Ahmad Mantache
Depuis que Saad Hariri a annoncé son retrait de la vie politique libanaise, tous les regards se sont tournés vers Fouad Siniora, l’ami d’enfance et ancien bras droit de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, père de Saad, assassiné en février 2005.
Fouad Siniora est l’homme qui, en juillet 2005, a dirigé le premier gouvernement souverainiste après le départ des troupes syriennes, un cabinet né de la victoire de la coalition du 14 Mars, mais au sein duquel le tandem chiite Hezbollah-Amal était également représenté. Il est par la suite devenu la bête noire du parti chiite qui l’a accusé, entre autres, de ne pas l’avoir soutenu face à Israël lors de la guerre de juillet 2006. M. Siniora est resté pendant 18 mois à la tête d’un gouvernement amputé des six ministres chiites et a dû faire face au Hezbollah depuis un Grand Sérail cerné de barbelés et de blocs de béton le séparant du campement géant dressé au cœur de Beyrouth par les partisans de la formation pro-iranienne et son allié récent, le Courant patriotique libre. Il a enfin été reconduit à son poste après l’accord de Doha en mai 2008, qui a mis fin à trois années de turbulences frôlant la guerre civile, avant de quitter le Grand Sérail en 2009, passant le relais à Saad Hariri.
Après l’annonce du retrait de ce dernier, l’ancien chef du groupe parlementaire du Futur a attendu plusieurs jours avant de se manifester. Il s’est dans un premier temps contenté d’un tweet. « Mon frère Saad, je suis avec toi en dépit de ta décision. Je suis avec toi, même si cela ne leur plaît pas », avait-il écrit. Des propos qui avaient ouvert la voie à plusieurs interprétations quant à ses intentions et sa vision pour la phase de l’après-Hariri. « J’ai écrit “en dépit de” la décision de Saad parce que je ne le soutiens pas dans sa démarche. Il fallait qu’il reste et poursuive le chemin, explique Fouad Siniora à L’Orient-Le Jour. Et s’il persiste sur la voie du retrait, cela ne veut en aucun cas dire qu’il doit baisser les bras. Ni lui ni ses partisans. »
Car Fouad Siniora se considère comme partie intégrante du haririsme politique, loyal au legs de cette famille, en dépit de certains choix politiques faits par Saad Hariri, notamment le compromis présidentiel avec Michel Aoun en 2016 et surtout le modus vivendi conclu avec le Hezbollah. C’est d’ailleurs en raison de ces divergences que le leader sunnite de Saïda avait été écarté du Futur peu avant les législatives de 2018. Mais pour Fouad Siniora, aujourd’hui, l’heure est au resserrement des rangs. « La logique de marginalisation de la communauté sunnite dans l’équation nationale est inacceptable », lance-t-il. Et de poursuivre : « La question n’est pas de trouver une alternative (à Saad Hariri) ou de s’engager dans un nouveau projet politique, mais plutôt de faire face à toute tentative d’infiltration de la rue sunnite, qui pourrait la dévier de sa trajectoire. » Fouad Siniora est donc prêt à en découdre aussi bien avec les concurrents sur la scène sunnite qu’avec le Hezbollah et ses alliés.
« La place de Hariri sera préservée »
C’est dans le but de « préserver les constantes sunnites » que Fouad Siniora a œuvré à mettre en place ce qu’on appelle aujourd’hui le « club des anciens Premiers ministres », qui regroupe, outre MM. Siniora et Hariri, Tammam Salam et le chef du gouvernement actuel Nagib Mikati. En juillet 2019, Fouad Siniora, Nagib Mikati et Tammam Salam s’étaient rendus en Arabie saoudite où ils s’étaient entretenus avec le roi Salmane ben Abdelaziz. Selon une source informée de la teneur de cette réunion, les discussions ont longuement porté sur les concessions faites par Saad Hariri, alors Premier ministre, au camp du président maronite Michel Aoun et à son allié chiite, le Hezbollah. Toujours de même source, les Saoudiens avaient approché Fouad Siniora à qui ils auraient discrètement demandé de faire un pas à même de rétablir l’équilibre politique. La réponse de l’intéressé était sans équivoque : il avait refusé de briser l’entente avec Saad Hariri, se disant très attaché et loyal à la famille.
À L’Orient-Le Jour, le leader sunnite réitère la même position : « Je ne prendrai aucune décision qui irait contre les intérêts de Saad Hariri. J’ai occupé toutes les fonctions de l’État libanais, je n’ai donc plus d’ambitions politiques. » À la question de comprendre les raisons pour lesquelles il a récemment réactivé le « groupe des Vingt » – regroupant des personnalités sunnites qui gravitaient dans le passé dans l’orbite des Hariri père et fils, et qui s’en étaient éloignées après le compromis présidentiel –, M. Siniora affirme que ce rassemblement n’avait jamais ambitionné d’être un acteur dans l’arène politique dans le sens traditionnel du terme. Le leader sunnite refuse de lier la relance du travail de ce groupe au retrait du leader du Futur. « Le but a toujours été de soutenir Saad Hariri et de l’entourer », assure-t-il. Il estime que les « circonstances délicates par lesquelles passe la communauté sunnite actuellement au Liban et dans la région nécessitent que nous évitions tout faux pas qui pourrait provoquer des scissions en son sein ».
En dépit de cette volonté de barrer la voie aux divisions dans la rue sunnite, Fouad Siniora ne cache pas son désaccord avec Saad Hariri qui a choisi de boycotter les prochaines législatives. « Lorsqu’en 1992, les chrétiens ont boycotté le scrutin, ils n’ont pas atteint leur objectif. Au contraire, ils ont fini par être marginalisés », estime-t-il. Cette première consultation populaire après la mise en place de l’accord de Taëf avait en effet été boudée par l’écrasante majorité de l’électorat chrétien, à la faveur d’appels lancés par les chefs de file de cette communauté frustrée et opprimée sous la tutelle syrienne. Les élections – également boycottées par l’ex-Premier ministre sunnite Tammam Salam – ont quand même eu lieu, menant à la Chambre des figures chrétiennes perçues comme gravitant dans l’orbite de Damas. « Un boycott des sunnites, inhérents aux fondements de l’État, les mènerait au chaos et légitimerait ce chaos à travers tout le pays, met en garde Fouad Siniora. Les sunnites n’ont jamais cru à la logique des milices. Par conséquent, ils doivent être présents pour protéger l’État et préserver leur propre existence en son sein. »
C’est dans ce contexte qu’intervient la démarche de l’ancien Premier ministre d’assister la semaine dernière à la prière de vendredi célébrée par le mufti de la République Abdellatif Deriane à la mosquée al-Omari, dans le centre-ville de Beyrouth. Il s’y était affiché en public au côté du mufti, père de la communauté sunnite, et du Premier ministre Nagib Mikati, dans une volonté claire d’afficher une unité sunnite et de ne pas laisser l’idée de l’abstentionnisme s’installer au sein de la communauté. Ce jour-là, les deux présidents avaient d’ailleurs annoncé à quelques minutes d’intervalle leur décision de ne pas boycotter les législatives de mai. « La coordination entre les anciens Premiers ministres se poursuivra en vue de préparer la prochaine phase, assure M. Siniora. Nous allons créer une instance politique qui sera chargée de gérer les dossiers politiques, notamment la campagne électorale. » Et de conclure : « Et la place de Saad Hariri sera préservée. Son projet se poursuit pour le jour où il décidera de revenir. »
Depuis que Saad Hariri a annoncé son retrait de la vie politique libanaise, tous les regards se sont tournés vers Fouad Siniora, l’ami d’enfance et ancien bras droit de l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, père de Saad, assassiné en février 2005. Fouad Siniora est l’homme qui, en juillet 2005, a dirigé le premier gouvernement souverainiste après le départ des troupes...
commentaires (12)
Article inintéressant bien évidemment. Pas un article relatif aux derniers matchs de l'équipe nationale masculine de football. On a le droit de s'intéresser à autre chose qu'aux bactéries et parasites
Georges Olivier
23 h 40, le 03 février 2022