C’est par une déclaration lapidaire que le ministre koweïtien des Affaires étrangères, cheikh Ahmad Nasser al-Mohammad al-Sabah, a commenté la position libanaise au sujet de l’initiative dite koweïtienne, listant les conditions pour une réhabilitation des relations troublées entre Beyrouth et les monarchies du Golfe. « Nous avons reçu la réponse du Liban au sujet de la feuille de route arabe. Les parties concernées devront maintenant examiner la teneur de la position libanaise pour pouvoir déterminer les mesures à prendre par la suite », a déclaré M. Sabah à l’issue de deux jours de discussions dans le cadre de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères au Koweït.
Au cours d’une conférence de presse conjointe avec le secrétaire général de la Ligue arabe Ahmad Aboul Ghait, le chef de la diplomatie koweïtienne a rappelé que les propositions incluses dans la feuille de route constituent « des mesures visant à construire la confiance entre les États du Golfe et le Liban ».
Selon notre correspondante à Baabda Hoda Chedid, la réponse libanaise a été élaborée par le chef de l’État et ses conseillers. Le brouillon a ensuite fait la navette entre Aïn el-Tiné et le Sérail pour recevoir respectivement l’aval du président du Parlement Nabih Berry et du Premier ministre Nagib Mikati. « Personne au ministère des Affaires étrangères n’a été associé à la réflexion. Malheureusement, la politique étrangère ne se fait plus au palais Bustros depuis longtemps », commente un diplomate de carrière ayant requis l’anonymat.
Soutenue par Paris et Washington, l’initiative koweïtienne – qui a été transmise aux autorités libanaises le 23 janvier dernier par le ministre koweïtien des AE après avoir obtenu l’aval de l’Arabie saoudite et des autres pays du Conseil de coopération du Golfe – exige du Liban quelque douze conditions à remplir. Il s’agit notamment de l’application des résolutions internationales, dont la problématique 1559 stipulant le désarmement de toutes les milices dont le Hezbollah ; un retour à la politique de distanciation et de non-ingérence dans les affaires des pays arabes et en particulier des pays du Golfe ; le contrôle des frontières et des points de passage ; ainsi que le renforcement des mesures de sécurité à l’aéroport pour empêcher le trafic de drogue vers l’Arabie. La proposition préconise enfin la mise en œuvre des réformes politiques et financières conformément aux termes du Fonds monétaire international et de la communauté internationale. « À l’origine, cette initiative était destinée à clarifier les requis des uns et des autres et à véhiculer en même temps les craintes de ces pays face à l’impuissance du gouvernement libanais à désarmer les milices et à appliquer les résolutions internationales. Si le Liban n’y adhère pas, ce sera un signe clair que le gouvernement aura finalement choisi d’avaliser la position des milices (comprendre le Hezbollah), ce qui va être extrêmement problématique au niveau régional et international », commente Hussein Chabkachi, un analyste politique saoudien.
Une responsabilité partagée
Si la réponse du Liban est relativement conciliante concernant la majorité des sujets figurant dans la feuille de route koweïtienne, elle reste ferme pour ce qui est de la « responsabilité partagée » entre le Liban et Israël en matière de respect des résolutions internationales, dont la 1701 et la 1559.
Dans leur réponse, les autorités libanaises s’engagent ainsi à respecter l’accord de Taëf et la politique de distanciation par rapport aux axes régionaux, ainsi qu’à appliquer les résolutions internationales, des points figurant dans la déclaration ministérielle, jurant cette fois-ci de joindre l’acte à la parole. Les trois présidents ont toutefois noté que les résolutions internationales ne doivent pas être respectées uniquement par le Liban, mais dépendent aussi de positions extérieures, comme c’est le cas de la résolution 1701, dont les dispositions doivent être appliquées par Israël, qui continue de violer quotidiennement le territoire, l’espace aérien et les eaux libanaises, rappellent-ils. En ce qui concerne la résolution 1559, les autorités estiment qu’elle est difficile à mettre en œuvre dans les circonstances actuelles, étant donné qu’elle est liée à la sécurité et la souveraineté du Liban, l’arrêt des agressions israéliennes et la libération des territoires libanais occupés. Cette position est soutenue également par le fait que les négociations sur la délimitation de la frontière méridionale avec Israël n’ont toujours pas abouti.
Autrement dit, Beyrouth souhaiterait que les raisons qui ont justifié à ce jour le maintien de l’arsenal du Hezbollah soient éliminées pour que le Liban puisse s’acquitter de sa part. Un vieil argument servant de fuite en avant, mais qui a l’avantage d’accorder un laps de temps supplémentaire au pays. Ainsi, selon un expert des questions relatives au Hezbollah, ce dernier n’accepterait de remettre ses armes que dans le cadre de pourparlers internationaux et pas avant que la question de Chebaa et des collines de Kfarchouba ne soit réglée, les frontières avec l’État hébreu délimitées et la question palestinienne résolue. Des conditions aussi irréalistes qu’irréalisables, ajoute-t-il.
Une sorte de « compréhension » concernant les armes
Sur un autre plan, le Liban s’est engagé à lutter contre le trafic de drogue vers les pays du Golfe, de plus en plus important ces dernières années. La réponse libanaise suggère aussi la « création de commissions mixtes entre le Liban, les pays arabes et ceux du Golfe, afin de poursuivre l’étude des points qui nécessitent un suivi plus approfondi ».
Samedi, le chef de la diplomatie libanaise, Abdallah Bou Habib, avait affirmé qu’il ne se rendait « pas au Koweït pour remettre les armes du Hezbollah » ni pour « mettre fin à son existence », mais pour « entamer un dialogue » avec les dirigeants du Golfe, estimant que « le Hezbollah est un parti libanais et ne contrôle pas la politique libanaise ». « La déclaration de M. Bou Habib est une lecture prématurée et hâtive. Il a décidé de trancher avant même d’arriver au Koweït », indique Hussein Chabkachi. Le ministre libanais, qui avait remis une copie de la réponse à son homologue koweïtien samedi, avait laissé entendre le soir même que les autorités koweïtiennes s’étaient montrées « positives » face au contenu de ce texte.
Un son de cloche quelque peu similaire est exprimé par un analyste politique koweïtien qui a requis l’anonymat. « Il y a généralement une sorte de compréhension au sujet du désarmement du Hezbollah qui n’est pas une chose simple à obtenir », estime l’analyste. Selon lui, le plus urgent toutefois pour le moment est l’engagement du Liban à œuvrer pour que le Hezbollah cesse ses ingérences à deux niveaux : son implication au Yémen et la transformation de Beyrouth en une tribune destinée à lancer des attaques contre les pays du Golfe. L’autre point primordial sur lequel les pays du CCG pourraient demander des comptes est le contrôle des frontières, de sorte à empêcher que les marchés arabes ne soient inondés par la drogue en provenance du Liban.
Une clarification de la position du parti chiite sur toutes ces questions était attendue ce soir, à l’occasion d'une interview que le secrétaire général du parti Hassan Nasrallah était supposé accorder à la chaîne iranienne al-Alam. Mais hier en fin de soirée, la chaîne a annoncé le report de l'interview à une date ultérieure, sans donner plus de précisions sur la date de la diffusion ou les raisons de cette décision.
commentaires (17)
CUIT-CUIT-CUIT le Hezbollah est cuit ! Merci aux Pays du Golfe ! et leur soutien en mettant en exergue les résolutions internationales dont la 1701 et la 1559. Le Hezbollah est coincé dans ses propres contradictions, il sera obligé de déposer les armes et se soumettre aux autorités Libanaises. En emportant dans sa déchéance AMAL Berry, Aoun/CPL et le bof-fils, et alliés.
Le Point du Jour.
19 h 56, le 31 janvier 2022