
L'ex-Premier ministre libanais Saad Hariri prononçant un discours à la Maison du Centre à Beyrouth, le 24 janvier 2022. Photo Dalati et Nohra
Fin du suspense. L’ancien Premier ministre Saad Hariri a annoncé lundi qu’il suspendait son rôle dans la vie politique libanaise, évoquant notamment « l’influence iranienne » sur le pays, la « confusion sur la scène internationale » et les « divisions internes ». Le principal leader sunnite du pays et le courant du Futur qu’il dirige ne participeront donc pas aux élections législatives prévues en mai. Le quinquagénaire, propulsé sur la scène politique après l’assassinat en 2005 de son père, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, a fait part de sa décision lors d’un bref discours prononcé à la Maison du Centre, dans le centre-ville de Beyrouth. Si l’annonce, qui intervient après une série de revers financiers et politiques au cours des dernières années, n’a pas eu l’effet d’une surprise, elle a laissé les partisans du parti bleu en proie à la tristesse et à la colère.
« J’ai dû faire des compromis... »
« Je suspends ma participation à la vie politique et invite ma famille politique au sein du courant du Futur à suivre ma voie. Je ne me présenterai pas aux élections et ne présenterai aucune candidature issue du courant du Futur ou en son nom », a affirmé Saad Hariri, lors d’un discours prononcé peu après 16h devant les membres de sa formation. « Notre maison restera ouverte aux bonnes volontés et à nos proches dans tout le Liban », a ajouté le leader sunnite. « Nous restons au service de notre population et de notre pays. Mais notre décision est de suspendre tout rôle et toute responsabilité directe au sein du pouvoir parlementaire et politique dans le sens traditionnel du terme », a-t-il poursuivi, s’exprimant devant un portrait de son père. Avant de faire part de sa décision, Saad Hariri est revenu sur son parcours politique ces dernières années, comme pour expliquer les raisons qui l’ont poussé à la sortie. « Après l’assassinat de Rafic Hariri, j’ai été choisi pour poursuivre son projet, et non pour que la famille Hariri se maintienne au pouvoir, a-t-il souligné. Ce projet peut être résumé en deux idées : empêcher toute guerre civile au Liban et assurer une meilleure vie aux Libanais. J’ai réussi sur le premier plan, mais pas sur le second ». Et de lancer : « Il ne fait aucun doute que pour éviter une guerre civile, j’ai dû faire des compromis, notamment l’accord de Doha, la visite à Damas, l’élection de Michel Aoun à la présidence, entre autres. Ces compromis se sont faits à mes dépens (…) », a-t-il reconnu. « Mais le plus important pour moi était d’aboutir à un Liban immunisé contre la guerre civile et capable d’assurer une meilleure vie aux Libanais. Ce souci a guidé tous mes pas, m’a fait perdre ma fortune personnelle, ainsi que certains amis à l’étranger et beaucoup d’alliés, même des frères » .
L’Arabie saoudite était autrefois le principal allié régional de M. Hariri, avant que leurs relations ne se détériorent au cours des dernières années, Riyad estimant qu’il était trop complaisant envers le Hezbollah pro-iranien. La crispation de ses relations avec l’Arabie saoudite a constitué un tournant dans sa carrière politique. Le 4 novembre 2017, Saad Hariri avait annoncé sa démission depuis Riyad, dénonçant l’impact négatif du Hezbollah sur le Liban. Son annonce avait suscité l’indignation au Liban même chez ses adversaires à l’époque qui avaient dénoncé une décision dictée par l’Arabie saoudite et accusé Riyad de le retenir en « otage ». Il avait finalement quitté la capitale saoudienne plus de deux semaines après sa démission et une intervention de la France. « Je pourrais supporter tout cela, mais je ne peux pas supporter de voir des Libanais qui pensent que je fais partie d’un système qui ne parvient plus à trouver des solutions », a encore lancé celui qui a déjà dirigé trois gouvernements. Il a également estimé qu’il n’y avait « aucune opportunité positive pour le Liban à l’ombre de l’influence iranienne, de la confusion sur le plan international, des divisions internes, de la montée du communautarisme et de l’effondrement de l’État ».
"أستودع #لبنان عند الله".. سعد #الحريري يجهش في البكاء، أثناء خطابٍ علّق فيه مهامه السياسية.#السياق pic.twitter.com/7M2528aOw1
— السياق (@alsyaaq) January 24, 2022
« Nous perdons un pilier de la modération »
Depuis son accession au pouvoir pour la première fois en 2009, Saad Hariri s’est peu à peu forgé une réputation d’homme de compromis. Il avait présenté sa troisième démission environ deux semaines après le début des manifestations populaires contre la classe politique le 17 octobre 2019. Malgré sa nomination le 22 octobre 2020 pour former le gouvernement, il n’avait pas pu aller au bout de sa mission du fait du ressentiment populaire et des divisions politiques. Après sa récusation en juillet 2021, il avait quitté le Liban pour s’installer aux Émirats arabes unis où il s’est réinvesti dans le monde des affaires. « Nous resterons, en tant que citoyens, attachés au projet de Rafic Hariri pour empêcher le retour de la guerre civile et offrir une meilleure vie à tous les Libanais », a encore affirmé M. Hariri, la voix brisée par l’émotion. « Je remercie tous ceux qui ont collaboré avec moi », a-t-il conclu, au bord des larmes, avant de quitter la salle sous les applaudissements. Selon des médias locaux, Saad Hariri a quitté par la suite le pays et s'est rendu aux Émirats arabes unis.
Dans une première réaction, le Premier ministre Nagib Mikati a estimé que les propos de M. Hariri « constituent un moment triste pour le pays et pour (lui) personnellement ». « Je comprends toutefois les circonstances douloureuses par lesquelles il passe et l’amertume qu’il ressent. Mais nous resterons unis pour la nation, et nous resterons modérés, même si les circonstances changent », a-t-il écrit sur Twitter. Le leader druze Walid Joumblatt a, pour sa part, regretté le fait que la décision de l’ancien Premier ministre « laisse le champ libre au Hezbollah et aux Iraniens ». « Nous perdons un pilier de l’indépendance et de la modération », a estimé le chef du Parti socialiste progressiste, dans des déclarations faites à l’agence Reuters. Ce boycott met en effet dans l’embarras différents partis et potentiels alliés, comme le PSP, le président du Parlement Nabih Berry, mais aussi le Hezbollah qui entretenait ces dernières années un modus vivendi avec l’ex-chef du gouvernement.
« La position de M.Hariri reflète le profond déséquilibre au niveau politique et national, a réagi l'ancien Premier ministre Tammam Salam. Peut-être que (cela) servira de leçon à ceux qui s'estiment aujourd'hui vainqueurs des restes d'une patrie en effondrement ». Jeudi, M. Salam, connu pour sa proximité avec M. Hariri, avait déjà annoncé qu'il renonçait à briguer un siège au Parlement. Selon notre chroniqueur politique Mounir Rabih, le leader du Futur s’est appliqué, ces derniers jours, à convaincre le chef du gouvernement Nagib Mikati et l'ex-Premier ministre Fouad Siniora de lui emboîter le pas, ce qui créerait un climat de boycottage sunnite du scrutin, qui pourrait alors être reporté.
« Peu importe si on est d'accord ou non avec lui, le Premier ministre Saad Hariri est l'une des figures de la modération au Liban. Son absence de l'arène politique créera une opportunité pour les faibles qui recourront à une surenchère qui favorise l'extrémisme, et l'extrémisme est le plus grand danger pour l'avenir du Liban », a de son côté écrit sur Twitter le chef du mouvement Marada, Sleiman Frangié.
Fin du suspense. L’ancien Premier ministre Saad Hariri a annoncé lundi qu’il suspendait son rôle dans la vie politique libanaise, évoquant notamment « l’influence iranienne » sur le pays, la « confusion sur la scène internationale » et les « divisions internes ». Le principal leader sunnite du pays et le courant du Futur qu’il dirige ne participeront donc pas aux élections...
commentaires (24)
Le seul facteur en sa faveur est qu'il a reconnu son échec et son incompétence. Il quitte donc l’arène pour laisser la place a quelqu'un de plus apte a mener le combat nécessaire pour sortir le Pays de la crise politique dans laquelle il se débat. Sinon, il a été de compromission en compromission qui finalement a conduit le pays a la catastrophe. On ne fait pas de compromission lorsque les institutions du pays sont en danger de délitement. On ne fait pas de compromission lorsque l'on assassine ses représentants, ses officiers et ses juges, on ne fait pas de compromission lorsqu'on s'attaque a son armée. On ne fait pas de compromission lorsque l'on s'accapare les sources et revenus de l’état, On ne fait pas de compromission lorsque l'on fout en l'air la souveraineté de l’état On ne fait pas de compromission lorsqu'une milice mafieuse s'attaque au peuple et a ses biens. Je préfère 100 fois la réponse au Hezbollah que les habitants de La montagne Druze, de khaldé et de Tayyouné on donné que celle de Hariri qui a tout bradé pour rien. Une fois de plus, il prend la fuite au lieu de prendre ses responsabilités et d'inverser la tendance. Nous avons besoin d'homme d’état qui savent dire non et non pas un blanc bec qui fuit ou plie au premier obstacle.
Pierre Hadjigeorgiou
09 h 42, le 26 janvier 2022