
Sleiman Frangié s’exprimant à Baabda, le 11 janvier 2022. Photo Dalati et Nohra
Lors des législatives de mai prochain, la bataille électorale promet d’être fiévreuse à Zghorta, bastion de plusieurs ténors chrétiens, dont de sérieux présidentiables. Si ces figures, mais aussi les autres formations chrétiennes qui vont prendre part à la campagne dans ce caza de la circonscription du Liban-Nord III, ne vont pas faire alliance en raison de positionnements politiques divergents, elles se retrouvent autour d’un même but : faire face au chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil.
Zghorta, c’est surtout le fief du chef des Marada, Sleiman Frangié, rival du CPL, avec qui les rapports sont complètement gelés depuis la présidentielle de 2016. Cette année-là, candidat favori à la présidence, le leader maronite était très proche des portes du palais présidentiel. Mais après le fameux compromis présidentiel, qui s’est concrétisé à travers l’appui de Saad Hariri à la candidature de Michel Aoun, ce dernier a remporté la course.
En dépit de ses rapports rompus depuis avec la présidence et son camp, le chef des Marada s’est rendu mardi dernier à Baabda à l’invitation du président Aoun avec qui il s’est entretenu dans la perspective de la tenue d’un dialogue national, une initiative à laquelle Michel Aoun a finalement dû renoncer. Interrogé au sujet d’une probable alliance entre son parti et le CPL lors des élections, il a répondu : « Cela dépend si Gebran Bassil accepte de s’allier avec “des corrompus” », dans une allusion aux accusations lancées par le député de Batroun contre son rival zghortiote dans la foulée de l’affaire du fuel défectueux qui avait été livré à Électricité du Liban (EDL). M. Frangié a également salué les efforts déployés par le Hezbollah « qui œuvre pour de bonnes relations entre le CPL et les Marada ». « Nous avons de grands objectifs en rapport avec les législatives. Il est donc dans notre intérêt que les rapports reviennent à la normale entre Gebran Bassil et Sleiman Frangié », confirme à L’Orient-Le Jour un responsable du Hezbollah sous couvert d’anonymat. Il précise toutefois qu’il n’y a pas d’initiative politique dans le vrai sens du terme pour atteindre ce but. Le parti chiite mène « des contacts visant à calmer les esprits, dans la perspective d’un dialogue franc concernant la prochaine phase, notamment les législatives », dit-il.
Les propos de Sleiman Frangié ont été interprétés comme une porte ouverte à une probable alliance avec les aounistes lors du prochain scrutin législatif. Mais selon son fils Tony, actuel député de Zghorta, cette option est exclue. « Il est très difficile pour nous d’envisager de mener la compétition électorale côte à côte avec M. Bassil », affirme-t-il à L’Orient-Le Jour, assurant que les Marada ne feront pas liste commune avec le CPL. « Pour s’allier à nous, le courant aouniste devrait se livrer à une autocritique. Mais c’est trop tard, à dix mois de la fin du sexennat », estime le député. Il affirme en outre « ne pas être au courant » d’une médiation menée par le Hezbollah entre son parti et celui de Gebran Bassil. « Mais, si c’est le cas, il n’y a certainement aucun progrès », lance-t-il, non sans ironie.
Ce refus de tisser une alliance électorale se fait également sentir chez les aounistes. « Pour se lancer dans un tel processus, il faut de bonnes intentions. Mais les propos de M. Frangié ont eu pour but de nous égratigner », souligne Sayed Younès, responsable de la machine électorale CPL, interrogé par L’OLJ.
Si tout ou presque semble les séparer, les partis de Sleiman Frangié et Gebran Bassil convergent sur le rejet de toute alliance avec les Forces libanaises de Samir Geagea, leur rival commun sur la scène chrétienne. « Il est improbable que nous tendions la main aux FL, en raison de grandes divergences politiques », souligne Tony Frangié, affirmant que son parti se prépare à mener bataille seul, même si des contacts sont en cours avec plusieurs protagonistes, tels que le courant du Futur, avec qui les Marada s’étaient alliés dans le cadre des élections de l’ordre des avocats du Liban-Nord. « Nous sommes également en contact avec William Tok (fils de l’ancien député Gebran Tok et frère de la présidente du Bloc populaire Myriam Skaff) », révèle le député Marada.
Un rapprochement électoral entre les Marada et le Futur priverait le CPL – aux rapports gelés avec les haririens – d’un appui significatif dans la circonscription du Liban-Nord III (Zghorta-Bécharré-Koura-Batroun), où l’électorat sunnite est important. Une situation à même de compliquer la tâche à Gebran Bassil et son parti. « Il y a seulement 680 voix sunnites dans cette circonscription », précise M. Younès dans une volonté de réduire l’impact du divorce politique entre le CPL et le Futur sur les urnes. « Nous œuvrons pour attirer le plus de personnalités indépendantes », dit-il.
Mouawad et les opposants
Contrairement à 2018, les aounistes se verront également privés du soutien du chef du Mouvement de l’indépendance, Michel Mouawad, traditionnel adversaire de Sleiman Frangié et figure hostile au Hezbollah. Dans la foulée de la double explosion au port de Beyrouth, en août 2020, M. Mouawad avait démissionné de la Chambre et claqué la porte du groupe parlementaire aouniste qu’il avait rejoint deux ans plus tôt. Et c’est en tant qu’opposant au mandat qu’il compte se lancer dans les prochaines législatives. Selon une source du Mouvement de l’indépendance, M. Mouawad serait engagé dans les efforts visant à unifier les opposants à la ligne politique actuelle autour d’une vision axée sur la lutte pour la souveraineté du Liban. Hostile à MM. Frangié et Bassil, M. Mouawad « veut former une liste pour affronter tous les partis politiques, les Marada, le CPL qui assure une couverture au Hezbollah, mais aussi le Futur et les FL dont les concessions ont mené le pays au chaos actuel », souligne la source précitée.
Quant à Samir Geagea, qui affronte lui aussi ses adversaires à Zghorta, il s’avance lentement sur la scène électorale du Liban-Nord III. À Zghorta, il appuiera la candidature de l’ingénieur Mikhaël Doueihi. « L’objectif n’est pas de faire face à qui que se soit. Il est de notre droit d’avoir des candidats là où nous avons une forte présence », résume un responsable FL, affirmant que les seuls contacts en cours à ce stade sont avec le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt dans la Montagne.
Lors des législatives de mai prochain, la bataille électorale promet d’être fiévreuse à Zghorta, bastion de plusieurs ténors chrétiens, dont de sérieux présidentiables. Si ces figures, mais aussi les autres formations chrétiennes qui vont prendre part à la campagne dans ce caza de la circonscription du Liban-Nord III, ne vont pas faire alliance en raison de positionnements...
commentaires (12)
Il me semble que M. Younés (CPL) a enlevé un zéro à droite quand il a dit qu'« Il y a seulement 680 voix sunnites dans cette circonscription », en parlant de Batroun-Bécharré-Koura-Zghorta.
Youssef Najjar
03 h 35, le 17 janvier 2022