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Société - Législatives 2022

Vote des expatriés : malgré l’amendement, le flou n’est pas dissipé

Si la non-décision du Conseil constitutionnel a pour effet de permettre aux émigrés de voter dans les 15 circonscriptions du territoire en mai prochain, ceux-ci ne sont toujours pas fixés sur leurs droits pour les échéances ultérieures.

Vote des expatriés : malgré l’amendement, le flou n’est pas dissipé

Les forces sécuritaires devant le siège du Conseil constitutionnel lors d'un sit-in organisé le 30 novembre pour réclamer le droit des expatriés à voter à travers les 15 circonscriptions du territoire. Photo C.A.

La non-décision du Conseil constitutionnel (CC) le 21 décembre, concernant le recours du Courant patriotique libre (CPL) qui souhaitait faire annuler les amendements du Parlement à la loi électorale de 2017, a peut-être satisfait une grande partie des émigrés désireux de changement lors des législatives libanaises de mai 2022. Sans cela, ceux-ci auraient pu voir leurs ambitions réduites par la limitation de leur vote à six députés dans une 16e circonscription, au lieu de pouvoir exprimer leurs suffrages pour l’ensemble des 128 députés selon leur circonscription d’origine. Après la non-décision du CC, l’amendement concerné entre de facto en vigueur. Pourtant, juridiquement, le flou persiste concernant les échéances ultérieures, dans le sens où le droit des expatriés à participer au scrutin de manière similaire aux résidents est loin d’être définitivement consacré par la loi. Rappelons d’abord que la loi électorale de 2017 prévoyait que cette 16e circonscription de six députés répartis sur les six continents et suivant les principales confessions du pays soit réservée aux émigrés inscrits dans les ambassades libanaises de leurs pays d’adoption. La loi avait suspendu l’application de cette disposition exceptionnellement durant le scrutin de 2018, mais pas pour celui de 2022. Or le Parlement a voté des amendements en octobre, supprimant cette circonscription supplémentaire en prévision des prochaines législatives, mais pas définitivement. Le recours du CPL visait à la rétablir. Il a échoué du fait de la non-décision du CC la semaine dernière. Le CC n’étant pas parvenu à trancher le recours en invalidité de cette suspension, la loi amendée est applicable de facto pour l’échéance prévue en mai prochain, mais seulement pour cette échéance. Pour préciser son caractère ponctuel, le texte mentionne en effet les expressions « pour une fois » et « pour le printemps 2022 exclusivement ». Ce qui laisse les Libanais de l’étranger dans l’expectative concernant les législatives suivantes prévues en 2026. La loi de 2017 sera-t-elle de nouveau applicable, leur retirant la possibilité d’élire leurs représentants de la même manière que le font les résidents ? Ou le prochain Parlement procédera-t-il à un nouvel amendement de la loi ? Dans ce dernier cas, cet amendement fera-t-il l’objet d’un recours en invalidité ? Si oui, ce recours sera-t-il accepté ou rejeté ? Autant de questions qui témoignent de l’instabilité législative dans laquelle le Parlement est passé maître, faisant prévaloir les intérêts politiques sur la sécurité juridique des citoyens. « Si l’article 122 de la loi 44/2017 n’est pas modifié d’ici à quatre ans, les émigrés y seront de nouveau assujettis. Autrement dit, leur vote portera sur six députés répartis dans une 16e circonscription. Si, au contraire, la loi est amendée, la portée de leur vote sera tributaire de l’existence de recours et de leurs résultats », résume l’ancien ministre de l’Intérieur Ziyad Baroud.

Une marge de manœuvre

« Si les députés voulaient donner définitivement le droit aux émigrés d’élire les candidats de leurs circonscriptions d’origine, ils auraient tout simplement annulé l’article prévoyant leur vote dans une 16e circonscription », relève Rizk Zgheib, avocat et maître de conférences à la faculté de droit et de sciences politiques de l’Université Saint-Joseph. « Or l’amendement n’a pas supprimé cette disposition, et celle-ci aura vocation à s’appliquer », indique-t-il.


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Paul Morcos, directeur du cabinet juridique Justicia, déplore dans ce cadre que « le système électoral fasse l’objet de changements inattendus et non motivés ». « On ne sait pas pourquoi les députés ont suspendu la loi. Est-ce parce que la logistique liée à la 16e circonscription n’a pas été suffisamment préparée ou parce que la répartition des candidats sur les six continents ne leur convient pas ? » s’interroge-t-il. « Les parlementaires pensaient peut-être que s’ils élaboraient l’amendement dans le sens d’une annulation de l’article 122, la majorité des membres du Conseil constitutionnel l’aurait accepté. Or en optant pour la suspension, ils se sont laissé une marge qui leur permet de décider, lors de futures élections, de soumettre ou non les membres de la diaspora à la loi prévoyant la 16e circonscription, dépendamment des circonstances politiques qui prévaudront alors », suppute M. Morcos.

La loi de 2017 reste donc inchangée. « Elle ne peut faire l’objet d’un recours en invalidité auprès du CC, car le délai d’un tel recours a expiré dix jours après sa publication », indique Rizk Zgheib. Il évoque toutefois une jurisprudence ouvrant la possibilité pour le CC de se pencher, dans un cas précis, sur la constitutionnalité d’une ancienne disposition législative. « Le Conseil constitutionnel qui serait saisi pour étudier la validité d’un amendement pourrait aussi examiner celle de l’article initial dans le cas où une connexion existe entre les deux textes », avance-t-il. « Ainsi, si avant les élections législatives de 2026 un nouvel amendement modifiant les dispositions sur le vote des émigrés faisait l’objet d’un recours, le CC pourrait à cette occasion examiner la constitutionnalité de la loi de 2017, à condition qu’il constate une corrélation entre celle-ci et les amendements proposés », poursuit Me Zgheib.

« Dans ce cas, même si l’article de loi amendé ne vise pas l’annulation de l’article initial, le CC pourrait de son propre chef procéder à cette annulation s’il constate une non-conformité avec la Constitution », ajoute l’avocat. Les expatriés bénéficieraient alors enfin de la prévisibilité et de la stabilité de leurs droits électoraux, sans pâtir de changements subits et temporaires laissés à la discrétion des législateurs. 

La non-décision du Conseil constitutionnel (CC) le 21 décembre, concernant le recours du Courant patriotique libre (CPL) qui souhaitait faire annuler les amendements du Parlement à la loi électorale de 2017, a peut-être satisfait une grande partie des émigrés désireux de changement lors des législatives libanaises de mai 2022. Sans cela, ceux-ci auraient pu voir leurs ambitions réduites...
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