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Société - Communautés

Durant la période des fêtes, les Églises vont-elles baisser la garde au Liban ?

Création d’offices supplémentaires, dédoublement de la messe de Noël et d’autres mesures de précaution sont prévues, alors que resurgit la querelle sur le procédé de la communion.

Durant la période des fêtes, les Églises vont-elles baisser la garde au Liban ?

La communion à la main, une pratique alternative à la communion dans la bouche, recommandée tant que le pandémie sévit. Photo DR

À un an d’intervalle, le Liban affronte une saison des fêtes dont les conséquences, l’an dernier, ont été catastrophiques sur le plan sanitaire, puisqu’elles se sont traduites dans les semaines qui ont suivi par une explosion des cas de Covid-19, des hôpitaux pleins à craquer et des dizaines de morts par jour.

Par la voix de leurs chefs, toutes les Églises du Liban ont solennellement renouvelé leur appui, au nom du bien commun et de la coopération avec les pouvoirs publics, au discours officiel de prévention de la pandémie et relayé la campagne de vaccination du ministère de la Santé.

Toutefois, en pratique, il est facile de constater que ces consignes sont inégalement respectées. Ces normes sont pourtant claires et relativement simples : port du masque, respect de la limitation du nombre de fidèles présents durant l’office religieux, occupation d’un banc sur deux, avec un nombre de personnes limité par banc, désinfection régulière de l’église, usage de liquide antiseptique. Il faut dire toutefois, à la décharge des prêtres, qu’une part du non-respect des gestes barrières est de la responsabilité de la population dans son ensemble. Dans l’Église grecque-orthodoxe, on a même instauré un office supplémentaire, en milieu de semaine, le mercredi, pour ceux qui veulent éviter l’engorgement des deux messes du samedi et dimanche. Dans certaines paroisses maronites, on songe à dédoubler la messe de Noël.

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Quant à la présence des fidèles dans les salons des églises, par exemple aux cérémonies comme les baptêmes, mariages et enterrements, les consignes de retenue de l’Église sont inégalement respectées, bien que certaines municipalités les aient renforcées, comme c’est le cas à Bickfaya (Metn).

Tout en les approuvant, au nom du principe de la décentralisation et du pouvoir local, Abouna Melhem, curé de la paroisse de Mhaïdsé-Bickfaya, les a jugées « excessives ». « Ils ont interdit le café. Ils ont transformé nos salons en déserts », lance-t-il, redoutant tout retour au confinement qui a « vidé les paroisses » et « fait oublier la messe ».

La communion, point le plus délicat

Le point le plus délicat, du point de vue de la pandémie, reste celui de la communion. Une longue tradition de respect envers le pain et le vin consacrés veut que seul le prêtre soit autorisé à toucher ces espèces, pour les transmettre au communiant qui les reçoit dans la bouche. Dans les églises orthodoxes, le pain consacré présent dans le ciboire est recueilli par le prêtre avec une petite spatule, et projeté dans la bouche large ouverte. Toutefois, le prêtre ne peut toujours réussir ce geste, et certains communiants prennent à pleine bouche la cuillerée. Dans l’église grecque-catholique, il en va plus ou moins de même. Mais la cuillère n’y est pas en usage. C’est le prêtre qui trempe le pain dans le vin, puis le dépose dans la bouche du communiant avec plus ou moins d’adresse, pour que sa main n’entre pas en contact avec la salive. Toutefois, face aux injonctions sanitaires émanant des autorités publiques, le patriarche melkite Joseph Absi a finalement autorisé la communion à la main, le communiant recevant le pain consacré dans la paume de sa main, et le mettant en bouche devant le célébrant.Dans l’église maronite, le synode a tenté, dans un premier moment, de généraliser la communion à la main, en rappelant à ce propos qu’elle avait cours durant les premiers siècles de la vie de l’Église. L’archevêque de Jbeil, Mgr Michel Aoun, a publié à ce sujet une note dans laquelle il rappelle le témoignage de saint Cyrille de Jérusalem (212-387) : « Quand tu t’approches de la sainte table, ne t’avance pas les paumes des mains étendues, ni les doigts disjoints, mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite, et dans le creux de ta main reçois le corps du Christ disant amen. » En Occident, une inscription du IIIe siècle atteste le même usage.

Sur certaines questions, « il faut suivre le médecin, pas le théologien »

Toutefois, il existe au sein de l’Église maronite un courant réfractaire à la communion à la main. Ce courant se réclame des visions de la mystique stigmatisée Veronica Juliani (XVII-XVIIIe siècles) et des prises de position du cardinal Robert Sarah, ancien préfet de la congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements au Vatican. Avec la caution de quelques évêques libanais, ses partisans ont refusé et ont fait campagne contre cette forme de communion, la tenant pour irrespectueuse, voire « sacrilège ». Le patriarche Raï a donc fini par fléchir et modifier sa première approche, autorisant à nouveau la communion dans la bouche et accordant ainsi aux fidèles la liberté de choix.

Certes, il existe autour de cette question une querelle théologique serrée. Beaucoup, dans les Églises orientales, estiment que les espèces consacrées, devenues corps et sang du Christ, ne peuvent plus, en vertu de ce mystère ecclésial, transmettre le virus. Il s’agit, évidement, d’une discutable approche de foi. Selon le prêtre jésuite Rony Gemayel, qui cite Thomas d’Aquin (1225-1274), « ce qui se transforme aux paroles de la consécration en corps et en sang du Christ, c’est la substance du pain et du vin, et non leurs propriétés (NDLR : en philosophie, “leurs accidents”). C’est pourquoi on parle dans l’Église catholique de transsubstantiation, en ce qui concerne le changement du pain et du vin ». « Sur ces questions, ce n’est plus le théologien qu’il faut suivre, mais le médecin », assure le P. Gemayel.

Une affirmation endossée par le président de l’ordre des médecins, le Dr Charaf Aboucharaf, qui se dit « non convaincu » par les mesures préventives envisagées, dont il constate lui-même le respect très relatif, et qui anticipe très sérieusement une nouvelle catastrophe sanitaire et hospitalière. Une catastrophe qui, selon lui, pourrait être « amortie par le taux de vaccination » atteint dans certaines régions, encore qu’il juge sévèrement « la disparité de ce pourcentage au niveau régional, ou en fonction du niveau d’éducation et des revenus ». On sait que le taux moyen de personnes ayant reçu deux vaccins anti-Covid est de 34 % environ, soit deux fois moins que nécessaire, pour atteindre l’immunité de groupe.

À un an d’intervalle, le Liban affronte une saison des fêtes dont les conséquences, l’an dernier, ont été catastrophiques sur le plan sanitaire, puisqu’elles se sont traduites dans les semaines qui ont suivi par une explosion des cas de Covid-19, des hôpitaux pleins à craquer et des dizaines de morts par jour. Par la voix de leurs chefs, toutes les Églises du Liban ont...

commentaires (3)

En Grèce la communion se fait avec une cuillère propre pour chaque fidèle

Eleni Caridopoulou

20 h 04, le 17 décembre 2021

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Commentaires (3)

  • En Grèce la communion se fait avec une cuillère propre pour chaque fidèle

    Eleni Caridopoulou

    20 h 04, le 17 décembre 2021

  • Ils sont comme les pharisiens qui ne pensent qu’à appliquer la loi. (Marc, 7, 1-13) 2000 ans plus tard ils n’ont toujours pas compris la réponse de Jesus nos chers prêtres.

    Staub Grace

    18 h 26, le 17 décembre 2021

  • Ni main pour les catholiques et ni bouche pour les orthodoxes, il faudra oublier la communion pour tous en attendant de jours meilleurs.

    Antoine Sabbagha

    15 h 32, le 17 décembre 2021

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