L'ex-Premier ministre libanais Hassane Diab, poursuivi pour négligence dans l'enquête sur la double explosion meurtrière au port de Beyrouth et dont l'audience avait été fixée au 20 septembre par le juge Tarek Bitar, a quitté le Liban mardi en direction des Etats-Unis, afin d'y voir ses enfants, confirme l'agence Associated Press (AP).
La conseillère de M. Diab, Leila Hatoum, a confié à l'agence que "M. Diab n'a rien de nouveau à dire" concernant les procédures judiciaires lancées à son encontre et "considère qu'il n'a rien à voir avec cette affaire jusqu'à ce que le Parlement décide du cours des choses". Selon elle, l'ex-Premier ministre avait planifié ce voyage depuis un moment, afin de revoir ses enfants qui étudient aux Etats-Unis et qu'il n'a pas vus depuis qu'il a été chargé de la présidence du Conseil. Selon la presse locale, M. Diab devrait rester quatre semaines à l'étranger.
Mardi, le juge Bitar avait lancé un nouveau mandat d'amener à l'encontre de Hassane Diab, après que ce dernier a changé d'adresse suite à la formation du nouveau gouvernement de Nagib Mikati. Le procureur général de cassation par intérim, Ghassan Khoury, a transmis ce mandat à la direction générale des Forces de sécurité intérieure afin qu'elles le mettent en application. M. Bitar avait déjà lancé un premier mandat d'amener à l'encontre de M. Diab, après le refus de ce dernier d'être entendu par le magistrat. Le juge avait fixé la date d'une nouvelle audience au 20 septembre.
Réagissant au voyage de Hassane Diab, les familles des victimes de l'explosion ont estimé mercredi que ce déplacement était "clairement lié à la séance d'interrogatoire fixée le 20 septembre" et qu'il constituait "une insulte à la justice et aux droits des proches des victimes". Elles ont une nouvelle fois critiqué le procureur général de cassation par intérim, Ghassan Khoury, affirmant que celui-ci "obstrue l'enquête", appelant à ce que le magistrat soit écarté du dossier.
Le juge Bitar a par ailleurs entendu pendant quatre heures Ghassan Gharzeddine, ancien membre du service des renseignements, dans ce dossier et devra poursuivre son interrogatoire le 27 septembre, rapporte l'ONG Legal Agenda, sur Twitter.
La double explosion au port de Beyrouth avait fait au moins 214 tués et plus de 6.500 blessés. Tarek Bitar avait demandé, début juillet, la levée de l’immunité de plusieurs responsables politiques et sécuritaires en vue de les inculper pour "intention présumée d'homicide, négligence et manquements" à leurs responsabilités. Depuis, les immunités n'ont pas été levées en raison des pressions politiques. Plus d'un an après le drame, l'enquête locale n'a toujours pas avancé, de nombreux responsables poursuivis par le juge refusant de comparaître, alors que des composantes de la classe dirigeante, qui avaient rejeté une enquête internationale, sont accusées de tout faire pour torpiller l'investigation.
Lettre à l'ONU
Face à ces ingérences politiques et au sur-place de l'instruction, cent-quarante-cinq organisations de défense des droits humains, survivants et proches de victimes de l'explosion dévastatrice ont à nouveau appelé le Conseil des droits de l'homme de l'ONU à une enquête internationale indépendante sur le drame. Dans une lettre conjointe, ces 145 signataires, dont Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, ont appelé les Etats membres du Conseil des droits de l'homme des Nations unies à "établir une mission d'enquête internationale indépendante et impartiale à l'instar des missions d'enquête d'un an" mises en place par l'ONU. Les proches des victimes et des survivants "lancent un nouvel appel au Conseil des droits de l'homme pour qu'il mette en place d'urgence une mission d'enquête sur l'échec de l'Etat libanais à protéger leurs droits", a affirmé Aya Majzoub, de HRW. "Plus d'un an après l'explosion, les dirigeants libanais continuent d'entraver, de retarder et de saper l'enquête locale", a-t-elle ajouté. La lettre déplore "l'échec de l'enquête locale" et "l'obstruction éhontée des autorités" qui démontrent, selon ses signataires, "la culture d'impunité qui existe depuis longtemps au Liban (...) et la nécessité d'une enquête internationale".
Une lettre similaire avait déjà été adressée en juin au Conseil des droits de l'homme de l'ONU par 115 organisations et représentants des survivants et proches des victimes de l'explosion du port. Le premier juge chargé d'enquêter sur l'affaire, Fadi Sawan, a été dessaisi de ses fonctions, après l'inculpation de hauts responsables.
commentaires (7)
Quelle blague... il disparait juste à temps... On est pas prêt de le revoir de sitôt...
Jean-Paul Khayat
19 h 08, le 15 septembre 2021