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Économie - Justice

Quelles procédures pour le recouvrement, par l’État libanais, des biens spoliés

L’ancienne ministre de la Justice a communiqué aux autorités libanaises, début septembre, un avis juridique sur les procédures que le Liban doit mettre en place pour recouvrer de l’étranger les biens mal acquis par les PEP.

Quelles procédures pour le recouvrement, par l’État libanais, des biens spoliés

"Ils nous ont volés", peut-on lire sur ce graffiti, à Beyrouth. PHB

La restitution des biens spoliés par des membres de la classe politique à l’État libanais a constitué une demande phare du mouvement de contestation dès ses premiers jours à l’automne 2019. Aujourd’hui, tandis que les enquêtes et actions légales menées depuis l’étranger visant à faire la lumière sur l’origine de la fortune des personnes politiquement exposées (PEP) libanaises se multiplient, la revendication des protestataires commence à prendre une forme plus concrète.

Mais pour que le recouvrement des avoirs détournés ait la chance de se concrétiser, il faut que l’État libanais réclame ses droits. « Le gel et la confiscation sont de premières étapes, mais les actifs acquis illicitement et accueillis dans un pays étranger ne reviennent pas automatiquement à l’État victime : il faut pour cela que le Liban lance des démarches spécifiques. Or, face à l’inaction des autorités sur le sujet et au risque que le Liban ne perde ses droits une fois les délais de prescription expirés, nous avons décidé de nous saisir du dossier », explique Karim Daher, président de l’Association libanaise pour les droits et l’information des déposants (Aldic) et avocat fiscaliste.

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Aldic a ainsi commandé au cabinet suisse Lalive, spécialisé en recouvrement d’avoirs, en criminalité économique et entraide, une consultation juridique concernant les procédures légales à disposition du Liban pour récupérer les biens détenus en Suisse par des PEP libanais résultant de potentielles infractions pénales. Le document de 32 pages que L’Orient-Le Jour a consulté évoque les différentes options proposées par la loi suisse en prenant pour exemple l’enquête menée par les autorités helvètes visant le gouverneur de la banque centrale, Riad Salamé, et son entourage pour soupçons de « blanchiment d’argent aggravé en lien avec un éventuel détournement de fonds au détriment de la Banque du Liban ». L’enquête suisse se penche sur des commissions suspectes d’une valeur de plus de 330 millions de dollars américains versées à partir d’un compte de la BDL entre 2002 et 2014 dans le cadre d’un contrat de courtage signé entre la BDL et Forry, une société détenue par Raja Salamé, le frère du gouverneur. L’argent aurait ensuite circulé vers des comptes de Raja Salamé en Suisse puis au Liban, ainsi que vers des entreprises liées à Riad Salamé et à son assistante Marianne Hoayek. Quelque 50 millions auraient été pour l’instant gelés à titre préventif sur les comptes suisses du gouverneur liés à ces opérations, avait indiqué à L’Orient-Le Jour l’avocate en droit international Zéna Wakim, membre de la fondation Accountability Now qui est engagée dans le dossier Salamé. « C’est le premier cas documenté par une justice étrangère pour suspicions de détournement de fonds publics : c’est pour cela qu’il constitue le point de départ de l’étude, mais elle ne s’y restreint pas, la démarche pouvant être étendue à d’autres PEP libanais et à d’autres pays », explique Karim Daher.

La consultation a ensuite été transmise gracieusement au ministère de la Justice qui, par le biais de l’ancienne ministre Marie-Claude Najm, l’a officiellement envoyée le 3 septembre 2021 au président Michel Aoun, à l’ancien Premier ministre Hassane Diab et au procureur général près la Cour de cassation Ghassan Oueidate. Un projet de décret d’acceptation de la donation a également été soumis au Sérail, mais n’a pas encore été signé. « Tous sont désormais informés de la nécessité pour le Liban de faire valoir ses droits. Ils peuvent désormais décider de s’appuyer sur les conclusions de l’avis juridique afin d’entamer les procédures ou bien d’en commanditer un second auprès d’un autre cabinet », poursuit M. Daher. « Il est désormais du devoir du nouveau gouvernement (formé vendredi dernier par Nagib Mikati, NDLR) de se pencher sur la question, malgré les nombreux obstacles que pourrait lui opposer le système en place. Il s’agit, en fin de compte, de l’argent des citoyens », explique Marie-Claude Najm.

Ces procédures ne sont par ailleurs pas forcément coûteuses pour l’État libanais. « Les autorités suisses ont une longue pratique d’aide technique aux États spoliés, notamment en détachant des experts, voire parfois même en finançant une aide juridique, pour permettre à ces États de demander selon les formes requises la restitution des fonds spoliés », explique l’avocate Sandrine Giroud qui a rédigé l’avis juridique.

Trois options pour le Liban

La note distingue trois options principales, non exclusives, permettant la confiscation et le retour des avoirs mal acquis au Liban. La première possibilité est de se constituer partie civile dans le cadre de la procédure pénale actuellement ouverte en Suisse. Cette option devrait être mobilisée avant que l’enquête suisse ne se termine et ne nécessite pas l’ouverture d’une enquête au Liban. Il faut cependant, pour qu’elle aboutisse, que le Liban réussisse à démontrer qu’il a été lésé directement par certaines infractions. La corruption d’agents publics, le blanchiment d’argent, la mauvaise gestion des fonds publics, la fraude ou encore la falsification de documents pourraient être retenus. Un des enjeux de cette procédure est de déterminer si l’État libanais ou la BDL sont des victimes potentielles des faits. Dans le cas présent, l’avis juridique estime que, sous réserve d’un examen plus approfondi du droit libanais, c’est probablement la banque centrale qui devra se constituer partie civile, même si elle n’exclut pas le risque de conflit d’intérêts : « Des difficultés sont à prévoir si c’est la BDL, et non pas le Liban, qui se présentait comme plaignante, étant donné que Riad Salamé y reste en position de contrôle », explique l’avis juridique. Mais « au vu de la gravité des faits considérés, il serait incompréhensible qu’aucune démarche ne soit entreprise du côté de la banque centrale pour faire valoir ses droits et participer à la procédure », dit Me Sandrine Giroud.

« L’option a aussi pour avantage d’autoriser la partie lésée à avoir accès au dossier d’instruction (procès-verbal d’audience, documents financiers, rapports de conformité des clients des banques, etc.), ce qui pourrait aussi alimenter d’autres procédures visant la corruption au Liban », continue l’avocate. L’accès peut toutefois être restreint par le ministère public suisse si c’est l’État libanais qui se constitue partie civile dans la procédure pénale.

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Dans le cas où la Suisse déciderait de l’illégitimité des fonds, à l’issue soit d’un procès, soit d’une ordonnance pénale – une procédure simplifiée qui permet un jugement rapide sans débat contradictoire à la différence de la procédure ordinaire –, la BDL ou l’État libanais en fonction de la caractérisation de l’entité lésée, pourra ensuite demander la restitution des biens. Mais, selon la note, cette option n’est ni la plus rapide ni la moins coûteuse, notamment lorsque ce sont les États ou les compagnies étatiques qui sont les plaignants, les procédures variant en effet en fonction du statut public ou privé du demandeur. Or, la note estime que ce point est encore à trancher concernant la BDL.

C’est pour cela que l’avis juridique recommande, en parallèle, la formulation par le procureur libanais d’une demande d’assistance à la justice suisse dans le cadre de l’ouverture de procédures pénales au Liban. « En l’absence d’accord bilatéral entre la Suisse et le Liban, la Suisse applique la loi fédérale suisse sur l’entraide internationale en matière pénale (EIMP). De manière générale, la Suisse, de même que le Liban, est partie à la Convention des Nations unies de 2000 contre la criminalité transnationale organisée (Untoc) et à la Convention des Nations unies de 2003 contre la corruption (Uncac) et s’est engagée à mettre en œuvre ces conventions », explique Me Sandrine Giroud. L’ouverture d’une entraide judiciaire permettrait au Liban de demander la collecte de preuves, la confiscation et le recouvrement des avoirs situés en Suisse, sur la base d’une décision définitive et exécutoire rendue par l’État requérant et à condition que les infractions pénales retenues soient aussi des infractions pénales selon le droit suisse.

Enfin, une autre possibilité est le recours à la loi sur les valeurs patrimoniales d’origine illicite (LVP) qui autorise exceptionnellement le blocage de valeurs patrimoniales sous certaines conditions, comme la perte de pouvoir du gouvernement ou la reconnaissance d’un degré élevé de corruption au sein du pays. Les avoirs concernés par cette option iraient bien au-delà de l’enquête suisse en cours et concerneraient potentiellement tous les biens des PEP libanais.

La Suisse a déjà eu recours à cette procédure administrative dans le cas de renversements politiques majeurs dans le pays d’origine, par exemple après la destitution de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire en 2011, de Viktor Ianoukovitch en Ukraine en 2014, ou encore en Tunisie, Égypte et Libye dans la foulée du printemps arabe de 2011.

Cette option est toutefois, pour le moment, exclue par les autorités suisses. Suite à l’interpellation du député socialiste Fabian Molina en mars 2020 quant aux fonds déposés dans les banques suisses par les PEP libanais après le 17 octobre 2019, le Conseil fédéral avait estimé que « les conditions pour un blocage au sens de l’article 3 LVP ne sont pas remplies cumulativement ». L’avis juridique conseille cependant d’initier une discussion en cas d’échec de la demande d’entraide judiciaire. En effet, « s’il n’est pas possible de passer par une demande d’entraide judiciaire en matière pénale en raison de la défaillance des structures étatiques du pays, le Conseil fédéral suisse peut tout de même ordonner une saisie des biens des PEP en Suisse. Dans ce cas, l’argent confisqué devra obligatoirement être réinvesti dans des projets à buts d’intérêt publique. Un petit pourcentage reviendra à la Suisse pour les frais de procédures », continue Me Sandrine Giroud. « Les trois options peuvent être envisagées ensemble pour maximiser les chances de succès des procédures », continue-t-elle. Jusqu’à présent, la Suisse a restitué quelque deux milliards de dollars américains à des pays lésés qui en avaient fait la demande. Notamment plus de 700 millions de dollars au Nigeria en 2005 puis 321 millions en 2017, ou encore 1,3 million de dollars au Turkménistan en 2020.

La restitution des biens spoliés par des membres de la classe politique à l’État libanais a constitué une demande phare du mouvement de contestation dès ses premiers jours à l’automne 2019. Aujourd’hui, tandis que les enquêtes et actions légales menées depuis l’étranger visant à faire la lumière sur l’origine de la fortune des personnes politiquement exposées (PEP)...

commentaires (3)

We’re left to wonder why Mr. Salame and his henchmen engaged in a Ponzi scheme that lead to robbing Lebanese from most of their savings. He argues that he was helping fund the government and keep the currency stable while awaiting much needed reforms that never materialized. Politicians knew about what he was doing and many of them thought Mr. Salame could always pull dollars out of his magic hat. Meanwhile, Mr. Salame had a major conflict of interest since he and some of his aides were paying themselves hefty commissions from selling Eurobonds that BDL kept issuing year after year. He admits that he made 20 million $ per year while his salary was less than half a million, the highest salary of any official or employee in the land. Meanwhile, politicians were paying themselves kickbacks from a variety of lucrative projects through their ministries and feeding their clientism networks. Politicians knew a few years ago that the funding schemes were unsustainable, did nothing and hid the information from the people.

Mireille Kang

09 h 32, le 17 septembre 2021

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Commentaires (3)

  • We’re left to wonder why Mr. Salame and his henchmen engaged in a Ponzi scheme that lead to robbing Lebanese from most of their savings. He argues that he was helping fund the government and keep the currency stable while awaiting much needed reforms that never materialized. Politicians knew about what he was doing and many of them thought Mr. Salame could always pull dollars out of his magic hat. Meanwhile, Mr. Salame had a major conflict of interest since he and some of his aides were paying themselves hefty commissions from selling Eurobonds that BDL kept issuing year after year. He admits that he made 20 million $ per year while his salary was less than half a million, the highest salary of any official or employee in the land. Meanwhile, politicians were paying themselves kickbacks from a variety of lucrative projects through their ministries and feeding their clientism networks. Politicians knew a few years ago that the funding schemes were unsustainable, did nothing and hid the information from the people.

    Mireille Kang

    09 h 32, le 17 septembre 2021

  • LES MAFIEUX DE KELLON YE3NE KELLON SONT TOUJOURS LA, LES DERNIERS MARCHANDAGES POUR METTRE BAS UN CLONE DES MONSTRES QUI ONT VOLE LES BECONOMIES DU PEUPLE, L,ONT APPAUVRI, AFFAME ET ABANDONNE SANS DEVENIR CIRCULENT LIBREMENT ET FONT DES PROJETS POUR SE PARTAGER LES AIDES QUI VONT VENIR, SI BM, FMI ET INVESTISSEURS NE SONT VRAIMENT PAS STUPIDES POUR CONFIER A CES CLIQUES MAFIEUSES SANS Y ETRE PRESENTS SUR PLACE ET DECIDER EUX, NON NOS MAFIEUX, DES PROJETS ET DU MOUVEMENT DES SOMMES AVANCEES. CES MAFIEUX INPUNIS SE BALLADENT ET S,ENTRE-ACCUSENT DES MEFAITS FAITS AU PAYS ET AUX CITOYENS. PEUPLE LIBANAIS, N,EST-IL PAS TEMPS DE S,EN DEBARRASSER ? VOUS ETES LE MAITRE DES DECISIONS. IMPOSEZ-VOUS AUPRES DES PUISSANCES AMIES POUR UN PROMPT DEBARRAS DES MAFIEUX, LA SEQUESTRATION DE TOUS LEURS BIENS ET AVOIRS EN LEURS NOMS OU CEUX DE PARENTS, D,AMIS ET D,OFFSHORES. LE REMBOURSEMENT DES ECONOMIES VOLEES DU PEUPLE ET... ET... LE JUGEMENT INTERNATIONAL DE TOUTE CETTE PEGRE MALSAINE ET NAUSEABONDE. EXCUSEZ MES ERREURS DE TAPE DUES AU CLAVIER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    14 h 07, le 15 septembre 2021

  • pour que le recouvrement des avoirs détournés ait la chance de se concrétiser, il faut que l’État libanais réclame ses droits. hamiha haramiha au Liban IL N Y A PAS des CORRUPTIONS il y a des corrompus

    barada youssef

    10 h 52, le 15 septembre 2021

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