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Nos Lecteurs ont la Parole

Vous avez dit « récusation » ?

Je rebondis sur mon article du 1er septembre 2021 intitulé « Décret de formation du gouvernement – compétence liée et compétence discrétionnaire ».

Des gouvernements précédents (Nagib Mikati, Tammam Salam, Saad Hariri) ont déjà vécu des périodes d’incubation extrêmement longues (Nagib Mikati cinq mois en 2011, Tammam Salam dix mois en 2014, Saad Hariri neuf mois en 2019). Pourtant, les Premiers ministres désignés ne mettaient pas en jeu l’option de leur récusation volontaire ni se décidaient à la rendre effective.

La situation aujourd’hui est bien différente. Le gouvernement Diab est démissionnaire depuis treize mois. Conscients, effrayés même du fait que le statu quo détruit un peu plus chaque semaine les forces vives du pays, que le retard nous tue, les Premiers ministres désignés ont mis un terme à leur mission (Moustapha Adib, Saad Hariri) ou menacent de le faire à court terme (Nagib Mikati). Leur reproche est constant : « Le président de la République excède ses prérogatives, cherche à imposer ses vues dans la formation du gouvernement, ce faisant bloque le processus, viole la Constitution. »

Dans l’article du 1er septembre précité, il est exposé qu’effectivement, en droit constitutionnel, la promulgation du décret de formation du gouvernement par le président de la République (article 53.4 de la Constitution) est une compétence liée et non pas discrétionnaire, ce qui signifie que le président est obligé de promulguer le décret que lui présente le Premier ministre désigné. Mon propos ici est de dire qu’en l’occurrence, la récusation est la dernière des réponses constitutionnelles à donner par les Premiers ministres désignés à cette situation de blocage.

Il n’est pas exagéré de dire que toutes les institutions internationales nous pressent de former le gouvernement pour apporter des solutions financières et structurelles à notre naufrage. En se récusant dans des circonstances aussi dramatiques pour le pays sans utiliser les recours constitutionnels, les Premiers ministres ne font qu’avaliser une hérésie constitutionnelle de la présidence de la République, hérésie qu’ils contestent haut et fort par ailleurs. On ne peut pas se contredire plus. Que faudrait-il faire ? Le Premier ministre désigné devrait consacrer au plus un mois à sa mission définie à l’article 64.2 de la Constitution (consultations parlementaires et formation du gouvernement). Bien que ce ne soit pas requis par la Constitution, il serait bienvenu dans le même temps de recueillir les recommandations et suggestions du président de la République, une promulgation proactive valant toujours mieux qu’une promulgation passive ou hostile.

Ensuite, conformément à l’article 53.4, le Premier ministre devrait soumettre au président de la République pour promulgation (pas pour avis) le décret de formation du gouvernement. Nagib Mikati peut le faire dès demain.

En cas de refus du président de la République de promulguer, il faudrait non pas se récuser comme c’est la démarche répétitive actuelle, mais saisir à la fois le Conseil constitutionnel (la saisine n’est pas une procédure complexe) et le Parlement. Le président de la République osera peut-être invoquer par écrit son interprétation tout à fait fantaisiste de l’article 53.4 pour refuser la promulgation et le Conseil constitutionnel jugera.

Si la réponse du Conseil constitutionnel lui donne tort, le président de la République devra promulguer. S’il refuse toujours de promulguer, le Parlement à la majorité des deux tiers pourra actionner les articles 60, 61 et 62 de la Constitution permettant en cas de violation de la Constitution d’instaurer une vacance provisoire de la présidence de la République (il n’est pas nécessaire de faire intervenir la Haute Cour, organe judiciaire encore en cours de formation), le temps de faire passer la promulgation du nouveau gouvernement de salut par le gouvernement démissionnaire (la promulgation est dans ce cas un acte administratif à la fois banal et urgent, donc une affaire courante ). Il n’est pas impossible que dans un sursaut, deux tiers du Parlement poussent à la promulgation.

Si ces démarches constitutionnelles échouaient, le Premier ministre aurait alors la possibilité soit de revoir sa copie avec le président de la République, soit de se récuser.

Au cours de ces démarches, de nombreuses précieuses réponses auraient été apportées : dévoiler la mouture gouvernementale rejetée par la présidence de la République et apprécier la qualité de l’équipe pressentie, recueillir les interprétations du Conseil constitutionnel et du Parlement sur la promulgation obligatoire au sens de l’article 53.4 de la Constitution, désigner clairement les parlementaires plaçant leurs allégeances et intérêts personnels avant l’intérêt supérieur du pays.

Qui sait, cette mise en responsabilité grand écran pourrait avoir un effet vertueux et défaire ce nœud absurde de la promulgation tricoté par nos dirigeants.

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Je rebondis sur mon article du 1er septembre 2021 intitulé « Décret de formation du gouvernement – compétence liée et compétence discrétionnaire ». Des gouvernements précédents (Nagib Mikati, Tammam Salam, Saad Hariri) ont déjà vécu des périodes d’incubation extrêmement longues (Nagib Mikati cinq mois en 2011, Tammam Salam dix mois en 2014, Saad Hariri neuf mois en...

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