Le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, a exhorté hier le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, à arbitrer le conflit opposant le camp de la présidence de la République au tandem formé par le Premier ministre désigné, Saad Hariri, et le président de la Chambre, Nabih Berry, autour de la formation du gouvernement. Un appel que le parti chiite ne souhaitait pas commenter hier, à l’heure où ses rapports avec le courant aouniste évoluent en dents de scie et où il a affiché son appui aux efforts de M. Berry dont il estime qu’ils restent d’actualité.
« Aujourd’hui, je veux avoir recours à un ami, Hassan Nasrallah », a lancé dans un discours télévisé M. Bassil, plus que jamais à couteaux tirés avec le chef du législatif. Ce dernier, très impliqué dans les tractations gouvernementales, soutient clairement Saad Hariri face au duo Aoun-Bassil. « Je veux que Hassan Nasrallah soit l’arbitre (du conflit gouvernemental) parce que j’ai confiance en lui. Je lui confie la question des droits des chrétiens, un slogan si cher aux aounistes. Je suis convaincu que vous vous attachez à ce qui est juste », a-t-il souligné. Le chef du CPL s’est encore adressé au dignitaire chiite en ces termes : « Moi, Gebran Bassil, sans vouloir vous faire assumer un fardeau quelconque, j’accepte ce que vous acceptez pour vous-même. » C’est la première fois que le leader aouniste s’adresse directement au Hezbollah au sujet du gouvernement, en dépit des rapports perturbés entre le parti chiite et le CPL sur plusieurs questions, notamment la lutte contre la corruption.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, un responsable au sein du parti chiite a catégoriquement refusé de commenter l’appel de M. Bassil. « Nous ne voulons pas en parler », s’est-il contenté de dire.
Les droits des chrétiens
« La bataille (pour les droits des chrétiens) est existentielle », a également tonné le chef du courant aouniste, accusant les détracteurs de Baabda de vouloir anéantir l’équation du « président fort ». « Vous ne pourrez pas obtenir par la pression ce que vous n’avez pas pu nous arracher depuis 2005 », date du retour de Michel Aoun à Beyrouth après quinze ans passés à Paris, a déclaré le chef du CPL à l’adresse de Nabih Berry et Saad Hariri. Dans le contexte de cette « bataille » pour les droits des chrétiens, M. Bassil a encore blâmé son principal rival sur la scène chrétienne, le chef des Forces libanaises Samir Geagea, de ne pas mener cette lutte à ses côtés. « Pensez-vous qu’en observant le silence, vous cachez votre crime ? » l’a-t-il pris à partie. La réponse des FL a aussitôt fusé. Dans un communiqué publié quelques heures après la conférence de presse du leader du CPL, elles se sont posé la question de savoir « s’il est permis que le chef du plus grand groupe parlementaire chrétien et du parti qui détient la présidence fasse de Hassan Nasrallah l’arbitre dans la formation du gouvernement ». La polémique entre les deux partis s’est poursuivie tout au long de l’après-midi.
Le discours de Gebran Bassil est intervenu dans un contexte politique tendu, marqué par le bras de fer opposant Baabda à Aïn el-Tiné et la Maison du Centre sur fond de tractations gouvernementales qui s’éternisent.
Commentant la « guerre des communiqués » qui avait éclaté en début de semaine entre les deux camps autour des prérogatives du chef de l’État en matière de formation du cabinet, le député de Batroun a décoché ses flèches en direction de l’initiative lancée par Nabih Berry pour faciliter la formation du cabinet, axée sur la formation d’une équipe de 24 ministres sans tiers de blocage.
Médiation plutôt qu’initiative
M. Bassil a déconstruit cette initiative Berry, la réduisant à une simple médiation. « Hassan Nasrallah a eu recours à un ami, le président de la Chambre Nabih Berry, pour aider à débloquer la crise. Mais pour moi, il n’y a pas d’initiative Berry. Il n’y a qu’une tentative de médiation », a-t-il indiqué, déplorant de ne pas avoir connaissance des « éléments » de cette initiative. Et de poursuivre : « Nous remercions ces efforts quand ils sont justes et équilibrés. Mais ils deviennent inacceptables lorsque le médiateur se range dans un camp bien déterminé, comme cela a été le cas ces derniers jours. »
Décortiquant les détails du projet Berry, Gebran Bassil a expliqué : « Quelle réaction attendez-vous de notre part quand vous formulez des mensonges concernant (le maintien de) la parité islamo-chrétienne, alors que vous revenez en fait au partage par tiers (entre chrétiens, sunnites et chiites) par une formule de trois huit ? » s’est il interrogé. « La véritable parité réside dans le fait que les chrétiens nomment 12 ministres, et les musulmans 12 autres, et non dans le choix par les chrétiens de 8 ministres, tandis que les musulmans en nomment seize (8+8). Ceci est un partage par tiers que nous refusons », a déclaré M. Bassil, réitérant une position que le groupe parlementaire aouniste avait clairement formulée il y a quelques semaines.
Aïn el-Tineh s’est pour sa part abstenu de commenter les propos de M. Bassil, une source proche du chef du Parlement affirmant que le courant attend la réaction du Hezbollah. « L’initiative est toujours d’actualité et nous continuons d’appuyer M. Hariri », déclare à L’Orient-Le Jour un proche du président de la Chambre. Il se félicite toutefois du fait que « M. Bassil soit favorable à une équipe de 24 ». Mais en évoquant les droits des chrétiens, ce proche de M. Berry met les points sur les « i ». « La question ne porte pas sur les droits, mais sur la volonté de Michel Aoun de nommer tous les ministrables chrétiens, alors qu’il n’est pas le seul à représenter cette partie de la population », martèle-t-il.
Réitérant par ailleurs que son camp a fait toutes les concessions nécessaires pour faciliter la mise sur pied de l’équipe ministérielle, Gebran Bassil a une nouvelle fois déclaré que le camp présidentiel n’a jamais exprimé aucune revendication, ne souhaite pas obtenir le tiers de blocage et ne veut pas participer à la future équipe Hariri. Il a toutefois critiqué à nouveau le Premier ministre désigné, l’accusant de tergiverser et de ne pas vouloir dialoguer avec les chefs de file politiques, dont M. Bassil fait partie. Il a en outre réitéré que son camp veut « un gouvernement dirigé par Saad Hariri parce que c’est ce qui est disponible », dans une tentative de répondre aux accusations lancées contre le duo Baabda-CPL de vouloir se débarrasser du leader du courant du Futur. « Nous voulons un gouvernement qui mettra en œuvre les réformes », a encore dit M. Bassil, reprochant au Parlement de ne pas avoir voté les projets de lois portant sur le contrôle des capitaux et la loi sur le recouvrement des fonds transférés à l’étranger, deux propositions que le groupe aouniste avait présentées. Selon lui, « il n’y a pas de volonté politique d’opérer des réformes ». Celles-ci sont pourtant la condition sine qua non à une aide financière de la communauté internationale.
commentaires (14)
On leur donnera 36 ministres à lui et à son doudou de bo père ils en redemanderont 99. Le but est de brouiller les pistes pour faire oublié leurs larcins et leurs traîtrise.
Sissi zayyat
23 h 10, le 21 juin 2021