
Le siège de la Banque du Liban à Beyrouth. Photo d'illustration João Sousa/L’Orient Today
Il ne se passe décidément plus une semaine sans que les litiges opposant les déposants à leurs banques ne s’invitent dans l’actualité judiciaire. Dernier développement en date : le Conseil d’État, soit la plus haute juridiction administrative du pays, a suspendu dans un arrêt rendu lundi l’exécution de la circulaire principale n°151 de la BDL. Adopté en avril 2020, ce texte permettait aux déposants de retirer en livres et à un taux supérieur à la parité officielle, une partie de leurs « dollars libanais » bloqués par les restrictions illégales adoptées par les banques.
Né dès les premiers mois de la crise que le pays traverse depuis près de deux ans et qui a notamment provoqué l’effondrement de la livre libanaise, les dollars libanais ou « lollars » selon une expression lancée par les experts sur les réseaux sociaux et qui est entrée dans le langage courant, se définissent par opposition aux « dollars frais » dont la disponibilité est garantie par un autre texte de la BDL (circulaire n° 150 adoptée le 9 avril 2020).
La circulaire n° 151 permettait donc aux clients qui possèdent des dollars libanais de les retirer au compte-goutte à un taux de 3 900 livres, soit plus que la parité officielle de 1 507,5 livres mais bien moins que le taux du marché parallèle, véritable marqueur de la santé de la livre qui flottait encore mardi aux abords de la barre des 13 000 livres pour un dollar.
Présenté par ses promoteurs comme un moyen pour les Libanais de compenser la dépréciation de la livre et de récupérer une partie de leurs économies à un taux supérieur à la parité officielle, le dispositif est cependant considéré par ses détracteurs comme un moyen de convertir de force des dépôts en dollars que les banques ne peuvent plus honorer faute de liquidités en devises, à un taux de surcroît plus avantageux pour elles que celui du marché parallèle.
Trois avocats
Toujours est-il que la faculté ouverte par la circulaire n° 151 sera donc suspendue d’office dès que les banques et la BDL en auront été notifiées – ce qui n’était pas encore le cas mardi soir. « Il est assez rare de voir le Conseil d’État suspendre une circulaire de la BDL », fait remarquer l’avocat Fouad Debs, cofondateur de l’Association Union des déposants. Selon une source proche du secteur, les banques devraient continuer d’appliquer la circulaire « jusqu’à ce que la BDL leur dise quoi faire ».
Le Conseil d’État a rendu sa décision, portant le numéro 213/2021, suite à un recours déposé il y a trois mois par trois avocats : Pascal Daher – qui a répondu à nos questions -, Charbel Chbeir et Jessica Kousayfi. La suspension prononcée est provisoire, en attendant un jugement définitif sur le fond. Selon Me Fouad Debs, le Conseil d’État a notamment reconnu la qualité des demandeurs à contester la circulaire en justice, considérant qu’ils avaient un motif légitime de le faire en tant que titulaires de dépôts en dollars.
L’arrêt suspend plus précisément les effets de la circulaire intermédiaire n° 581 qui entérinait une prolongation de la durée d’application de la n° 151 jusqu’au 30 septembre prochain. Il s’agissait de la deuxième rallonge de six mois du délai accordé par la BDL après une première en octobre 2020 (la circulaire n° 572). La circulaire initiale avait enfin été modifiée le 11 mai dernier par la circulaire intermédiaire n°582, qui avait remplacé la mention « taux de la plateforme de change » initialement inscrite par « taux de 3 900 livres pour un dollar ». La plateforme mentionnée désignait l’application Sayrafa dédiée aux agents de change et récemment étendue aux banques, un dispositif qui n’avait pas encore été lancé en avril 2020.
Trois possibilités
Selon Me Pascal Daher, la mesure dictée par la circulaire n° 151 violait plusieurs normes, que ce soit celles induites par le contrat conclu entre le client et sa banque, et à travers lequel cette dernière s’engage à rembourser les montants déposés dans la monnaie dans laquelle ils ont été déposés ; plusieurs dispositions du Code de la monnaie et du Crédit ; l’article 299 du Code des obligations et des contrats qui dispose « qu’un paiement doit obligatoirement porter sur la chose même qui était due et que le créancier ne saurait être contraint d’en recevoir une autre, fût-elle de valeur supérieure » ; ou encore la Constitution fondée sur un régime économique libéral qui garantit que « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique dans les cas établis par la loi ». Or selon les demandeurs, la BDL a court-circuité la loi en adoptant la circulaire n° 151 qui permet aux banques de se dérober à leurs obligations tout évitant d’être considérées en défaut de paiement.
Toujours d’après Me Pascal Daher, la suspension de la circulaire, une fois actée, laissera les banques face à trois possibilités face à leurs déposants venus retirer leurs dollars. « Soit le client veut des vrais dollars et les banques lui décaisseront les montants demandés ; soit le client est d’accord pour un retrait en livres mais à taux dollar/livre négocié sans modification du contrat principal; soit le client insiste pour avoir des dollars que la banque n’a plus, auquel cas cette dernière devra assumer le fait qu’elle se retrouve en défaut de paiement », résume-t-il. Il ajoute que si la BDL et les banques refusent de respecter la suspension de la circulaire, elles pourront alors s’exposer à une nouvelle procédure devant le Conseil d’État qui pourra déboucher sur des sanctions.
Une seconde source bancaire critique pour sa part le timing de la décision, qui survient au tout début du mois et à un moment où les responsables politiques rationalisent de façon détournée les mécanismes de subventions sur les importations. « Cela fait près de deux ans que la BDL improvise et que l’État est aux abonnés absents. Le réveil du Conseil d’État arrive bien trop tard et va générer beaucoup plus de problèmes que de solutions », martèle-t-elle.
Dans une déclaration à l’agence al-Markazia, l’avocat Paul Morkos, président de l’Association Justicia, considère lui que la suspension de la circulaire était un mauvais coup joué aux ménages qui calculent depuis un an leur budget en tenant compte de la faculté ouverte par la circulaire n° 151.
Il ne se passe décidément plus une semaine sans que les litiges opposant les déposants à leurs banques ne s’invitent dans l’actualité judiciaire. Dernier développement en date : le Conseil d’État, soit la plus haute juridiction administrative du pays, a suspendu dans un arrêt rendu lundi l’exécution de la circulaire principale n°151 de la BDL. Adopté en avril 2020, ce texte...
commentaires (9)
UNE REPONSE LEGALE A UNE QUESTION SVP: SI JE DEPOSE DANS UNE BANQUE A L'ETRANGER UN CHEQUE EN DOLLARS ISSUE SUR LA BANQUE DU LIBAN PAR UNE BANQUE LOCALE QUE SE PASSERA T IL? LE CHEQUE REVIENDRA SANS PROVISION? OU RETOURNE POUR UNE RAISON QUI NE JUSTIFIERA PAS LA MISE EN FAILLITTRE SOIT DE LA BANQUE EMETRICE SOIT DE LA BANQUE DU LIBAN? OU LA BDL AURA LE DROIT DE TRANSFERER L'EQUIVALENT DU CHEQUE EN LIVRES LIBANAISE A L'ETRANGER AU TAUX DE 3900? L'OLJ PEUT IL REPONDRE A CELA SVP?
LA VERITE
12 h 42, le 02 juin 2021