
La circulaire principale n° 151, adoptée le 21 avril 2020 et qui leur permettait jusqu’ici de décaisser en livres et à un taux supérieur à la parité officielle un montant limité par mois de leurs « dollars libanais », ou « lollars », selon les expressions désormais consacrées, s’appliquera encore pendant six mois. Via une nouvelle circulaire intermédiaire n° 581, datée d’aujourd’hui et mise ligne sur son site, la Banque du Liban (BDL) a en effet prolongé jusqu’au 30 septembre prochain la durée d’application du texte qui arrivait à échéance fin mars. Il s’agit de la seconde prolongation après une première autorisée en octobre 2020 (circulaire n° 572).
Rien sur le taux de retrait
La BDL n’a modifié aucune des conditions déjà établies – comme par exemple le fait que ce sont les banques qui fixent les montants pouvant être mensuellement retirés – et n’a pas apporté de précision concernant le taux de retrait – qui est fixé à 3 900 livres pour un dollar depuis le printemps 2020. Ce dispositif ne concerne enfin pas les dollars « frais », à savoir ceux en espèces, ou qui sont transférés de l’étranger et dont les banques ne peuvent en aucun cas restreindre l’accès, en vertu de la circulaire n° 150 du 9 avril 2020. Ils sont généralement déposés sur des comptes spéciaux, et les cartes de retrait qui y sont liées ne fonctionnent que sur des distributeurs automatiques de billets attitrés.
Les notions de dollars libanais et de dollars frais sont inédites dans le paysage financier mondial. Elles font partie des artifices mis en place par le secteur bancaire du pays qui a imposé des restrictions unilatérales aux déposants pour tenter de mitiger les effets d’une importante crise de liquidités en dollars liée à plusieurs facteurs – exposition à la dette en devises, fuite des capitaux, baisse des dépôts, notamment.
Dans ce cadre, le dispositif de la circulaire n° 151 apparaît donc comme un moyen pour les personnes dont les dollars ont été bloqués de gagner un peu de pouvoir d’achat en plein contexte d’inflation due à la forte dépréciation de la livre sur le marché parallèle (stable autour de 13 000 livres pour un dollar depuis deux jours) et de coexistence de plusieurs taux (la parité officielle de 1 507,5 livres étant maintenue pour certaines opérations). Il s’agit aussi d’un excellent moyen pour les banques de se débarrasser d’une partie de leurs engagements en dollars à moindres frais en imposant de façon détournée un « haircut » (une ponction sur les dépôts) à leur clientèle. La création monétaire en livres, que le dispositif de la circulaire n° 151 implique, contribue aussi à entretenir la dépréciation de la monnaie nationale (l’offre de livres augmente sans que la demande de dollars n’augmente également).
Pour ne rien arranger, de plus en plus d’éléments semblent confirmer que certaines banques ont bien permis à une partie de leur clientèle de transférer de l’argent à l’étranger, alors que la plupart des citoyens étaient soumis aux restrictions, comme l’avait notamment souligné l’ancien directeur général des Finances, Alain Bifani, en juillet dernier. Pas plus tard que lundi, le PDG de BLOM Bank, Saad Azhari, a reconnu que des établissements avaient subi des « pressions » dans ce sens. En janvier, Le Commerce du Levant avait d’ailleurs publié un article revenant sur les « liaisons dangereuses » entretenues par les financiers et politiciens libanais.
En situation de faillite déclarée depuis mars 2020, le pays ne s’est toujours pas doté d’une loi formalisant le contrôle de capitaux de facto imposé aux déposants libanais. Les banques tentent pour leur part de minimiser leur responsabilité dans la crise actuelle et sont régulièrement la cible de poursuites judiciaires – au Liban comme à l’étranger – de la part de déposants souhaitant retirer leur argent.
Il s’agissait là d’une des principales questions que se posaient les clients des banques libanaises qui ne peuvent plus librement retirer ou transférer leurs dollars depuis le début de la crise que traverse le pays, marquée par une forte dépréciation de la livre sur le marché parallèle.La circulaire principale n° 151, adoptée le 21 avril 2020 et qui leur permettait jusqu’ici de...
commentaires (6)
Toutes ces crapules s’opposent à la levée du secret bancaire au Liban pour que leurs comptes, fruit de leurs magouilles ne soient pas révélés au grand jour. D’abord il faut que les banques fournissent toutes les informations sur les personnes qui ont fait des transferts après l’interdiction suite, soit disant à des pressions. Le fait même de révéler l’identité de ces fraudeurs nous garantirait leur implication dans les pillages et les camouflages de leurs crimes sans parler de l’irrespect des lois qu’ils pondent sans jamais se sentir concernés par leur application, une preuve supplémentaire de leur assurance d’être intouchables et de se considérer systématiquement au dessus de la loi. Mais tout devient difficile lorsqu’il s’agit de prendre sur les faits ces voleurs professionnels aidés par la justice, les banques et les brebis galeuses qui gangrènent notre pays.
Sissi zayyat
15 h 57, le 25 mars 2021