Le président libanais Michel Aoun, empêtré dans un conflit politique avec le Premier ministre désigné Saad Hariri, a adressé mardi une lettre à ce sujet au Parlement. Dans sa missive, le chef de l'État accuse M. Hariri de "prendre en otage" le processus de formation "au-delà d'un délai raisonnable", estimant que le leader du Futur est "incapable" de mettre sur pied un cabinet.
Le Liban est sans gouvernement depuis plus de neuf mois, après la démission du cabinet de Hassane Diab, dans la foulée des explosions meurtrières de l'année dernière au port de Beyrouth. Saad Hariri et Michel Aoun s'accusent mutuellement du blocage du processus et s'écharpent sur leurs prérogatives respectives en matière de formation. Ils ne se sont pas réunis depuis le 22 mars. Entre-temps, le Liban poursuit sa descente aux enfers, avec une crise socio-économique et financière qui ne cesse de s'aggraver depuis l'été 2019, alors que plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Dans sa lettre adressée à la Chambre via son président Nabih Berry, M. Aoun a estimé que le retard dans la formation du cabinet "a des conséquences négatives non seulement sur le pouvoir exécutif et le travail des institutions de l'État, mais également sur la stabilité politique, la sécurité sanitaire, sociale, économique et financière (...)". Le président de la République a ensuite affirmé que "les raisons du retard (...), qu'elles soient internes ou internationales, ne doivent pas continuer à faire l'objet de confusion et d'interprétation, et ne doivent pas prendre en otage indéfiniment le processus de formation du cabinet".
Hariri "prend en otage" la formation du gouvernement
La Constitution libanaise ne mentionne pas de délais pour la formation du gouvernement et ne prévoit pas la récusation du Premier ministre désigné s'il ne réussit pas à mettre sur pied son équipe dans un délai bien défini. Toutefois, le président Aoun a affirmé que "la formation du cabinet est un devoir constitutionnel et non un loisir (...)". Il a ensuite fait savoir que le président de la République "est le gardien de la Constitution et veille à ce qu'il n'y ait pas de jurisprudence constitutionnelle erronée" dans la formation des gouvernements.
Michel Aoun a enfin demandé au Parlement de se réunir en assemblée plénière pour débattre de sa lettre afin de "prendre une position, une mesure ou une décision appropriée à ce sujet".
La réponse de Hariri
La réaction du Premier ministre désigné ne s'est pas fait attendre. En soirée, il a accusé le président Aoun de "déformer la réalité". "La lettre du président de la République au Parlement est la preuve d'une politique de déformation de la vérité, d'une fuite en avant et d'une volonté de détourner les regards du scandale diplomatique raciste provoqué par le ministre des Affaires étrangères du régime vis-à-vis des frères du Golfe arabe... La suite au Parlement", a twitté M. Hariri.
Moins d'un mois après la démission du cabinet Diab, le président français Emmanuel Macron avait lancé le 1er septembre à la Résidence des pins de Beyrouth une initiative pour la formation d'un gouvernement de mission composé d'experts indépendants. Amputée de son esprit initial, cette initiative n'a toujours pas permis de donner naissance à un cabinet. Face à l'impasse persistante, la France, toujours fortement impliquée dans le dossier, a décidé d'imposer des restrictions d'entrée sur son territoire à des personnalités libanaises impliquées dans la corruption. C'est dans ce contexte que le chef du Quai d'Orsay, Jean-Yves Le Drian, s'était rendu à Beyrouth il y a quelques jours. Il n'a pas toutefois précisé qui sont les personnes concernées ou quelles seront les modalités précises des sanctions. Mais cette visite et les indications claires de la part des Français et des proches de M. Hariri ont montré que la réunion n’a pas été concluante, et que Paris tenait M. Hariri pour responsable de l’obstruction autant que le chef du Courant patriotique libre et gendre du président Aoun, Gebran Bassil. Alors qu’il avait été question ces derniers jours d’une récusation du Premier ministre désigné, ce dernier aurait été conseillé par son entourage mais aussi par le chef de la diplomatie égyptienne, Sameh Choucri, d’enterrer cette option, Le Caire étant parmi les principaux soutiens du leader sunnite sur la scène régionale.
commentaires (21)
Alors réfléchissons. Aoun accuse Hariri d’être incapable de former un gouvernement pour manque de compétence et parce qu’il est mieux placé pour le faire à sa place d’où le blocage de sa part. Alors que Aoun a pris le soin de choisir tous les ministres des ministères qui l’intéressaient je cite: affaires étrangères, énergie, l’Intérieur etc... en partageant le reste avec ses alliés et surtout les finances, dans le gouvernement démissionnaire on voit le résultat. Il faut dire qu’il ne se prend pas pour un hâbleur. Il l’est tout simplement et malheureusement pour nous il se trouve qu’il est le président de ce pays alors que sa population regorge de gens super cultivés et patriotiques qui ne demandent qu’à servir leur pays. Mais eux n’ont aucun piston avec les vendus et ne veulent surtout pas en entendre parler. On est donc condamné à avoir des ânes tant que les vendus détiennent les armes. C’est ainsi.
Sissi zayyat
17 h 51, le 19 mai 2021